Le verdict est sans appel. Du moins, celui du Vérificateur Général : 5,6 milliards FCFA détournés. Accusés, deux anciens directeurs généraux de l’Agence pour la Promotion de l’Emploi des Jeunes (APEJ) méditent en prison. En attendant leur procès. Des jeunes diplômés sans emploi, des décideurs politiques et même d’anciens responsables de l’Agence ne se reconnaissent plus en elle. Ce qui nous fait dire qu’au-delà des personnes, c’est toute la boite qui a besoin d’un grand coup de pinceau.
Créée par la loi N°03-31AN/RM du 25 août 2003 pour être une réponse accrue du chômage des jeunes, l’Agence pour la Promotion de l’Emploi des Jeunes (APEJ) a perdu sa vocation. C’est le moins que l’on puisse dire quand on sait que cette agence, a pour mission, dit-on, de concourir à la promotion d’emplois pour les jeunes, en milieux rural et urbain en leur offrant une première expérience professionnelle facilitant ainsi leur insertion dans la vie productive. Mais dix années après sa création, le constat est amer: la structure est devenue un outil politique. Aujourd’hui, c’est un secret de polichinelle de dire que l’APEJ est un organe qui permet aux différents régimes successifs d’enrôler ou de remercier les jeunes qui lui font allégeance. Népotisme, favoritisme, corruption, détournement de deniers publics, bref tous les virus qui gangrènent l’administration publique dans notre pays ont pénétré l’établissement. Ils y campent et le rongent. Un ancien Chef du Département Emploi Jeune de l’APEJ que le Canard a eu au téléphone affirme, sous couvert de l’anonymat: « il n’existe aucun critère de sélection des candidats. Pire, il n’existe aucun dispositif de contrôle interne du Directeur général de l’APEJ. Il sélectionne à son bon vouloir », indique-t-il. Et notre interlocuteur, au bout du fil, d’ajouter: «la nécessité d’une réforme s’impose. Dans la vision des autorités politiques d’alors, la création de l’APEJ devait permettre de résorber le taux de chômage. Mais, le nombre des jeunes sans emplois augmente au rythme des années scolaires et universitaires ». Selon l’ancien Chef du Département Emploi Jeune, la première des choses à faire est de changer la dénomination de la boite. Elle pourrait s’appeler “l’Agence pour la création et la Promotion de l’Emploi des Jeunes”. Cela affirme-t-il, passe par la modification de la loi existante. La nouvelle loi doit, selon notre interlocuteur, instituer un mécanisme de contrôle de la procédure de sélection des candidats. «La nouvelle agence va aider les jeunes à créer de l’emploi au lieu de leur donner l’illusion d’un emploi et de les remettre au chômage un an après », conclut-il.
Des chiffres à s’y perdre….
Invité sur le plateau de l’ORTM le 13 septembre dernier, Amadou Cissé, le Directeur général actuel de l’agence, affirme que dans le cadre de « la redynamisation des emplois ruraux, les projets FIER et PROCEJ enrôleront 110 000 jeunes ». A le croire, au terme des deux dernières années « plus de 100 000 emplois ont été créés selon les normes internationales et au même moment, Bamako enregistrerait 150 000 diplômés sans emploi».
Autant dire que les jeunes diplômés sans emploi se font rares dans la capitale. Comme la neige à Kidal. Mais ce que le Directeur général de l’Apej ne dit pas, c’est que la moitié de ces jeunes dont il parle, si fièrement, sont déjà de retour dans les “grins” et que l’autre moitié les y rejoindra. Dans quelques mois. Avec cette fois le poids du chômage plus pesant, car habitué à prendre «l’aumône ». La course aux chiffres doit cesser au lieu de donner du poisson aux jeunes diplômés, il faudrait leur apprendre à pêcher.
Mamadou TOGOLA