Dans ses adresses à la nation de juillet et décembre 2012, le Pr. Dioncounda Traoré a tenu à dénoncer une situation politique et sociale malsaine dans le pays en ces termes : « Mes chers compatriotes, il y a un temps pour tout ! Il y a un temps pour la politique politicienne, un temps pour les ambitions personnelles, pour les intérêts individuels et corporatistes, un temps pour les querelles partisanes. Mais aujourd’hui, c’est le temps de la mobilisation, de toutes et tous pour sauver notre pays en danger. C’est le temps du dépassement et de l’oubli de soi… Il s’agit de faire du Mali notre seule priorité. Il s’agit de ne plus perdre de temps dans les polémiques stériles« .
Il a tenu ces propos le 29 juillet 2012 à son retour de son séjour médical de France et il a insisté en reprenant les mêmes propos le 12 décembre à la suite de la démission « forcée » ou « facilitée » du Premier ministre Cheick Modibo Diarra.
Cela rappelle étrangement les comportements de l’ancien chef de l’Etat, Amadou Toumani Touré qui, on le sait, faisait beaucoup plus dans la « moralisation » que dans la fermeté en omettant de prendre des décisions qui pourraient être « dures ». Autres temps, autres mœurs normalement !
Si ATT s’est complu dans cette attitude « consensuelle », frisant parfois l’impuissance et l’indécision dont nous vivons en partie les conséquences, cela ne serait pas recommandable ni recommandé pour Dioncounda qui se trouve dans une situation exceptionnelle qui nécessite d’avoir une attitude exceptionnelle en prenant des décisions pas forcément consensuelles, mais plutôt « historiques ».
Des actions rien que des actions
« En ce qui me concerne, j’aurai tout entrepris pour éviter une crise ouverte au sommet entre le Président et le Premier ministre, parce que le seul objectif qui vaille c’est le Mali et le seul sacrifice qui vaille, c’est le sacrifice consenti pour les intérêts supérieurs du Mali », a-t-il déclaré, confirmant du coup ce qui était un secret de polichinelle, la mésentente entre le président par intérim et le Premier ministre sur les actions à mener pour la bonne marche du Mali. Le capitaine Amadou Haya Sanogo en conclut pour sa part que Cheick Modibo Diarra était le point de blocage qu’il s’est empressé de faire sauter.
Dans le système politique français que nous copions, il est connu et admis que le Premier ministre est un fusible, et quand ça ne va pas dans l’exécutif, c’est lui que l’on sacrifie. Ici, il a fallu que d’autres mains (celles des ex-putschistes) aident le « sacrificateur » à garder ses prérogatives. Ce qui est à la fois dangereux et encombrant pour à la fois le président et l’ex-putschiste.
Que le président par intérim, le Pr. Traoré, se croit obligé de rappeler ses propos de juillet sur les« ambitions personnelles », « les intérêts individuels et corporatistes« , « les querelles partisanes« devrait-il inquiéter ? Surtout que dans son discours d’investiture le 12 avril 2012, le président de la République déclarait qu’il avait « l’honneur d’accepter d’être l’aiguille » et il invitait ses compatriotes en ces termes: « Si tous oublient leur ego, si tous oublient leurs appétits, leurs ambitions, leurs calculs et leurs supputations du moment alors ils seront sans aucun doute ce fil dont l’aiguille a besoin pour coudre ! »
Saisir la balle au rebond
Il faut reconnaître avec lui qu’il est toujours à la recherche du fil et surtout du bon fil. Il ne le trouvera jamais à sa mesure. Le Mali actuel a besoin d’un homme pas seulement convaincu ou déterminé mais qu’il soit en plus d’action qui ne s’embarrasse pas trop du qu’en-dira-t-on. Il faut en ce moment une personne avec « une certaine capacité » à impulser l’action nécessaire pour la prise en main des affaires du pays.
Le capitaine lui a ouvert qui dirait un boulevard, pas en démissionnant CMD, mais en déclarant qu’il avait été nommé par décret à la tête d’un service de la République. Quelle que soit la puissance que l’on voudrait accorder au Comité de réforme militaire, il n’en demeure pas moins un service étatique comme tout autre direction nationale, à la seule différence que celui qui y a été nommé par le décret présidentiel est un putschiste qui garde ses ambitions « de veiller sur la bonne marche du Mali ».
Cela fait peur à certains avec raison, mais le président doit saisir cette balle au rebond et remettre fermement et poliment les militaires au seul service du pouvoir civil. Il ne pouvait se présenter à lui meilleure période que celle là ! La question « qui gouverne à Bamako ? » devrait être maintenant un mauvais souvenir, car il y avait trois pôles de décisions, l’un a été déboulonné (le PM avec pleins pouvoirs), le second (le capitaine et ses hommes) s’est mis au service du 3e (le président) qui est seul maître à bord et doit exercer ses prérogatives.
C’est le schéma actuel pour un homme d’action. Si la chose échappait maintenant au professeur, il faudrait croire et s’en convaincre qu’il n’est pas l’homme de la situation et au lieu de faire perdre au Mali du temps, il ferait mieux de passer dans la dignité la main à quelqu’un d’autre en trouvant les scenarii constitutionnels pour ce faire.
Dans ce cas, l’histoire retiendra au moins la dignité de la démarche d’une personnalité qui a su bousculer jusque-là (et cela depuis longtemps car il a en au moins 70 ans) les pronostics les plus défavorables. Mais a-t-il jamais su impulser un tournant décisif aux événements après sa prise en main ?
Le constat n’est pas très optimiste dans la situation du Mali. Je souhaite n’être qu’un spéculateur ! Dans tous les cas, le président joue son « avenir historique » en ce moment précis. A lui de choisir de l’écrire en sa manière pour avoir l’accompagnement des Maliens égoïstes ou pas, gourmands ou pas, ambitieux démesurés ou pas, calculateurs et « supputateurs » ou pas, car il n’aura donné à personne le choix que d’aller dans le sens de l’Histoire du Mali. Cela aucun calcul ne saura l’arrêter ou divertir les Maliens.