BAMAKO - Les islamistes qui occupent le nord du Mali y ont commis de nouvelles amputations au lendemain du feu vert du Conseil de sécurité de l'ONU au déploiement sous condition d'une force armée internationale qui devra les en chasser, au mieux à partir de septembre 2013.
Ces amputations de la main de deux voleurs présumés, vendredi à Gao (nord-est), ainsi que huit autres promises pour "bientôt", sont interprétées au Mali comme un signal des groupes islamistes armés qu'ils n'ont cure de la menace encore lointaine d'une intervention armée étrangère.
"En application de la charia (loi islamique), nous avons coupé la main de deux personnes vendredi. Huit autres personnes vont bientôt connaître le même sort", a déclaré à l'AFP Moctar Barry, un des chefs du Mouvement pour l'unicité et le jihad en Afrique de l'Ouest (Mujao) qui occupe Gao. "C'est la loi de Dieu et personne ne peut nous empêcher de l'appliquer", a-t-il ajouté.
Deux habitants de Gao ont confirmé ces amputations.
"J'ai vu l'un des deux amputés attaché, on lui a fait une piqûre avant
l'amputation. Il a crié. Les deux amputés sont actuellement à l'hôpital,
gardés", a dit l'un d'eux.
"Les islamistes ont affirmé que les amputations vont continuer. Ceux qui
ont été amputés ont volé, alors que l'islam interdit le vol", a affirmé de son
côté le second habitant.
Abdou Sidibé, député de Gao, a estimé que ces nouvelles amputations sont la
conséquence du "laxisme de la communauté internationale". Ses "hésitations
pour une intervention" dans le Nord "encouragent les islamistes à montrer
qu'ils sont chez eux et qu'ils n'ont peur de rien", a-t-il affirmé.
Ces amputations ont été commises au lendemain de l'adoption jeudi par le
Conseil de sécurité de l'ONU d'une résolution autorisant le déploiement, par
étapes et sous condition, d'une force internationale pour reconquérir le nord
du Mali entièrement occupé depuis six mois par les islamistes armés du Mujao,
d'Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) et d'Ansar Dine (Défenseurs de l'islam).
Experts militaires et responsables de l'ONU tablent sur une éventuelle
intervention à partir de septembre 2013.
"Poudre aux yeux"
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Le 29 juillet à Aguelhok (nord-est), des membres du groupe Ansar Dine
avaient lapidé à mort, en public, un homme et une femme auxquels ils
reprochaient d'avoir eu des enfants sans être mariés.
Et depuis août, plusieurs autres amputations publiques ont été commises par
les islamistes dans différentes localités du nord du pays, sans compter des
centaines de coups de fouet à des couples "illégitimes", des buveurs d'alcool,
des fumeurs, et autres "déviants", selon les groupes islamistes.
Des femmes non voilées ont en outre été arrêtées chez elles, et les
islamistes ont également détruit des mausolées de saints musulmans classés au
patrimoine mondial et vénérés par les populations locales, en particulier à
Tombouctou.
Les deux amputations de Gao ont été commises le jour de l'annonce à Alger
d'un accord entre la rébellion touareg du Mouvement national de libération de
l'Azawad (MNLA, à l'origine de l'offensive lancée dans le nord du Mali en
janvier avec les islamistes) et Ansar Dine.
Ils se sont engagés, sous l'égide de l'Algérie, à "s'abstenir de toute
action susceptible d'engendrer des situations de confrontation et toute forme
d'hostilité dans les zones qui sont sous leur contrôle" et à négocier une
solution politique avec les autorités de Bamako.
"Il n'y a rien de nouveau dans ces déclarations", a réagi samedi un
conseiller à la présidence malienne, interrogé par l'AFP, rappelant qu'une
amorce de dialogue entre ces deux groupes et Bamako avait déjà eu lieu à
Ouagadougou, où ils avaient dit en substance la même chose.
Le député de Gao Abdou Sidibé a estimé que "cette déclaration d'Ansar Dine
et du MNLA, c'est de la poudre aux yeux fabriquée par l'Algérie pour éviter
une intervention militaire dans le nord du Mali". Il a accusé l'Algérie de
semer "la pagaille" dans cette région.
L'Algérie, puissance militaire incontournable dans le Sahel, prône une
solution politique avec les groupes armés du Mali qui rejettent le terrorisme
et la partition du pays, une position qui figure également dans la résolution
du Conseil de sécurité de l'ONU.