A travers le réaménagement du gouvernement, le président de la République a visiblement voulu lancer des messages codés aux uns et aux autres.
Depuis jeudi dernier, le Mali a un gouvernement réaménagé. Le président de la République a pris presque tout le monde à contre-pied en procédant à une réorganisation technique de l’équipe du Premier ministre Modibo Keita. Deux ministres occupant des postes de souveraineté quittent le navire alors que quatre nouvelles têtes signent leur arrivée dans l’attelage gouvernemental. Les raisons de ce changement sont plus ou moins obscures à un moment où les Maliens s’attendaient plus à un gouvernement d’union nationale doté d’une feuille de route limpide qu’à un simple mouvement des pions du président IBK. Les commentaires ont fusé de toutes parts, mais c’est surtout la « versatilité » du chef de l’Etat, qui a été mise en avant par les uns et les autres, comme si IBK continuait toujours de se mélanger les pinceaux, plus de deux ans après son élection à la magistrature suprême. Si certains membres du gouvernement méritent de conserver leur portefeuille, d’autres auraient dû plier bagage. Cependant, le locataire de Koulouba croit religieusement en ses « intouchables » ministres dont le maintien tranche avec ses prises de position et ses promesses électorales. A y voir de près, le président de la République a visiblement voulu lancer des messages codés aux uns et aux autres.
Le réaménagement du gouvernement cache mal l’état d’âme du chef de l’Etat. Annoncé avec insistance depuis la signature de l’accord pour la paix et la sécurité, le gouvernement d’union nationale espéré par les Maliens n’a jamais vu le jour, IBK ayant décidément renvoyé sa constitution aux calendes grecques. En lieu et place de cette équipe regroupant toutes les sensibilités du pays, le chef de l’Etat s’est contenté d’un léger remaniement du gouvernement Modibo Keita. IBK devait en avoir gros sur le cœur, lui qui a effectué ce changement le jour de la fête de Tabaski. Les deux ministres limogés, quoi que continuellement décriés, n’étaient pas les derniers de la classe et les quatre nouveaux ministres ne sont pas les meilleurs de la République. Ulcéré par les mauvais résultats dans certains secteurs et les calculs qui entourent un hypothétique remaniement ministériel suite à l’accord pour la paix, IBK a voulu taper du poing sur la table: Il est le seul maître à bord et peut ouvrir ou fermer les portes du gouvernement quand et à qui il veut.
Interrogations
Cela est d’autant plus vrai que les quatre personnalités promues sont plus ou moins connues des Maliens. Et le cas du nouveau ministre de l’Aménagement du territoire et de la Population est plus qu’étrange. Des sources crédibles placent Sambel Bana Diallo parmi les cadres de la Plateforme des organisations d’auto-défense, un regroupement proche de Bamako et soutenant l’unité du Mali. Même si officiellement M. Diallo ne représente pas la Plateforme dans le gouvernement, sa nomination pourrait être interprétée comme un clin d’œil aux sécessionnistes du Nord-Mali. Ces derniers lorgnent jalousement des portefeuilles ministériels, mais IBK semble faire de la résistance, histoire de voir certains signes avant de confier des ministères aux rebelles.
Le maintien de leaders des partis politiques au gouvernement serait un autre signal fort d’IBK. Le président est conscient que certains ministres-chefs de partis politiques ne lui rendent pas service. Au lieu de s’employer à la mise en œuvre des promesses présidentielles, ils ont tout simplement choisi de transformer leur département en un cabinet de consultation et de placement de leurs militants. IBk les laisse faire alors qu’il leur a, à plusieurs reprises, lancé des pics en soutenant que les têtes de proue de la majorité n’étaient pas à la hauteur des enjeux politiques, au contraire d’une opposition tonitruante. Jusqu’où des ministres-chefs de partis continueront-ils à faire de la figuration au gouvernement ? L’on ne saurait le dire pour l’instant, mais, à la lumière du remaniement de la semaine dernière, l’on est en droit d’affirmer que le chef de l’Etat tient plus aux récompenses politiques qu’aux valeurs intrinsèques. IBk insinuerait aux autres têtes de proue de la majorité présidentielle que leur bord politique est en pole position, à travers ses cadres qui servent au gouvernement.
Quid de l’opposition politique? Bien qu’elle ne fasse pas partie du gouvernement, l’opposition accorde une attention particulière au travail gouvernemental et aux actes du président de la République. IBk apprécie le courage politique de l’opposition et la pertinence de certaines de ses critiques. Il y a quelques mois, le PM Modibo Keita avait été accusé par des milieux proches de la majorité de vouloir tendre la main aux opposants pour une éventuelle entrée au gouvernement. L’on pensait donc qu’IBK souhaitait solidifier le team Modibo Keita par des arrivées de taille, particulièrement de l’opposition. Toutefois, le président est dans la même logique qu’au départ : pas question de collaborer avec quelqu’un qui ne regarde pas dans la même direction que lui. En tout cas, le réaménagement gouvernemental a prouvé que l’on est encore loin de l’union souhaitée et que l’orgueil d’IBK l’éloignerait de certains compromis, même au bénéfice de la nation.
Ogopémo Ouologuem
(correspondant aux USA)