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Le Mali de la démocratie a la «scandalocratie» : l’inertie coupable des autorités pour arrêter la gabegie
Publié le lundi 5 octobre 2015  |  Infosept




Après la sanglante Révolution de Mars 91, le Mali a tourné de façon exemplaire la page noire de la dictature militaro-fasciste des 23 années de règne sans partage du Général Président Moussa Traoré. La Démocratie qui naquit à la suite des premières élections générales de 1992 qui portèrent le panafricaniste Alpha Oumar Konaré au pouvoir donnèrent ainsi la parole au Peuple afin qu’il décida de son avenir en choisissant les hommes et les femmes à même de gérer les affaires de la cité. Cette méthode de gouvernance qu’est la Démocratie voulue par le peuple souverain a pour fondement essentiel l’alternance et le renouvellement constant de la classe dirigeante au pouvoir. En En dépit de ces insuffisances, la Démocratie apparait encore et toujours aujourd’hui comme le meilleur système politique qui soit mieux que la monarchie, le despotisme, la dictature et le fascisme. Aussi, qu’il plaise de comprendre que les critiques du système de la Démocratie n’ont d’autres desseins que d’en améliorer la pratique politique. Tropicalisant cet exercice d’évaluation, on peut dire que le bilan des 23 années de Démocratie est peu reluisant. L’espoir que son avènement a suscité est entrain de céder la place au désespoir. L’exemplaire démocratie malienne, naguère citée comme modèle en Afrique est embourbée aujourd’hui dans une gouvernance à scandales qui pourrait finir par en emporter l’espoir. De Alpha à IBK en passant par ATT, le panier de la ménagère attend toujours le changement.

Le Mali démocratique a 23 ans, que de chemins parcourus, mais aussi que d’énergie et de ressources dilapidées. Aujourd’hui le sentiment général qui se dégage est la déception. La démocratie acquise au prix d’énormes sacrifices qui était censée être la solution aux problèmes du pays a fini par plus exacerber la mal gouvernance, la corruption et la crise de l’école. Au lieu d’en être la thérapie, elle en est devenue le problème, pas parce qu’elle n’est pas un bon système de gestion, mais parce qu’elle est devenue un instrument entre les mains d’une élite mafieuse, sans foi ni loi qui s’enrichit de façon égocentrique au détriment des intérêts du plus grand nombre. Loin de nous l’esprit de dresser un bilan exhaustif, nous voudrions seulement apporter ici notre pierre à l’édifice commun en dénonçant les tares de notre démocratie pour qu’elle devienne ce qu’elle devait toujours être, un instrument au service du bien-être de tous.

Alpha Oumar Konaré de 1992 à 2002 : Premier président du Mali démocratique, il gouverna le pays avec grandeur et patriotisme. Sous son règne la voix du Mali était audible aux foras du monde, il entreprit des réformes courageuses et inédites dans plusieurs domaines tels que la Santé avec le PRODES, la Justice avec le PRODEJ et l’Education avec le PRODEC. Des programmes décennaux qui permirent de jeter les bases de la plupart des projets d’aujourd’hui. Mais de l’avis de tous, sa gestion aura pêché dans deux domaines clés à savoir : l’Education et une certaine corruption des hommes politiques qu’il pas réussi à freiner. Pendant dix ans, l’école est restée dans la rue. Les hommes politiques l’ont instrumentalisé et les années blanches succédèrent aux années tronquées. En dépit des énormes efforts dans la dotation d’infrastructures scolaire et universitaires, l’école ne se relèvera pas au corps défendant du fils de l’enseignant émérite, l’époux de l’enseignante et enseignant lui-même. Sous son mandat, le Mali aura construit plus d’écoles qu’il l’en a été de l’indépendance à 1992. Mais des réformes comme la Nouvelle Ecole Fondamentale (NEF) et la Nouvelle Ecole Malienne (NEM) mal comprises et mal mises en œuvre finiront pas créer le rejet d’un système déjà malade sous la dictature. Le second talon d’Achille du régime d’Alpha aura été la prolifération des milliardaires de la Démocratie. En dix ans, l’héritage du système GMT a fait des milliardaires fonctionnaires. Dans son discours d’adieu à la Nation, le président Konaré reconnaitra lui-même de façon implicite sa part de responsabilité morale dans cette gouvernance. Il exprima tout son regret de n’avoir pas pu changer l’homme malien et de n‘avoir pas eu le temps, la stabilité et l’accompagnement des hommes politiques pour entreprendre les réformes nécessaires voir indispensables pour un véritable ancrage démocratique.

Amadou Toumani Touré de 2002 à 2012 : Succédant à Alpha Oumar Konaré en 2002 le vainqueur au second tour d’un scrutin qui aura vu pour la première la participation record de plus de 20 candidats, le Général révolutionnaire vint alors se vêtir du manteau civil de démocrate. Avec des préjugés favorables, M. Touré, contrairement à son prédécesseur, a eu le soutien de toutes les forces vives de la Nation. Ainsi commença le nouveau concept de gestion à la malienne : le consensualisme ou la démocratie consensuelle. La mise en œuvre de ce concept a livré le pays à la corruption, à la délinquance financière, au népotisme et au clientélisme. L’école déjà malade est devenue un champ de bataille où les plus forts imposaient leurs lois aux plus faibles et où le mérite n’était nullement récompensé. Les diplômes maliens se vendirent comme des cacahuètes. Par ailleurs, la présidence de la République, première institution du pays sera totalement banalisée. La culture de l’impunité et de la médiocrité prirent rang de cité. Ainsi, face à la corruption de plus en plus inquiétante, le premier magistrat n’aura lui-même d’autres mots que de dire qu’il n’humiliera pas un chef de famille en public. Ainsi les rapports de cette institution du Vegal, dont il est le père fondateur finiront dans les tiroirs de bureau sans suite. Les médias d’Etat, l’ORTM et l’Essor, au lieu d’informer, de former et de sensibiliser l’opinion publique deviendront des instruments de propagande à outrance au service du couple présidentiel et de leurs affidés. Et le coup d’Etat inattendu du 22 mars 2012 ne fit alors que la conséquence du laxisme, de la mal gouvernance et surtout de la banalisation des institutions. Ainsi fut la République sous ATT dont le bilan, en dépit de tout, reste enviable eu égards aux grands travaux d’infrastructures qu’il a pu réaliser.

Ibrahim Boubacar Keita au pouvoir depuis 2013 : 3e Président démocratiquement élu, jadis connu pour sa rigueur et sa fermeté, devra son élection grâce à ces préjugés favorables d’homme de poigne. Ainsi, le peuple qui le découvrit sous Alpha et qui l’admira pendant six longues années à la Primature, n’hésitera pas un seul instant de lui confier les rênes de sa destinée et de la plus belle manière. Sa victoire éclatante qui frisa le plébiscite a été un signal fort du peuple à l’endroit de celui qui s’est tout le temps « victimisé » de trahison. Mais quelques semaines seulement ont suffi pour découvrir le vrai visage de l’homme. Son investiture inédite en grandes pompes et en deux phases à la douleur de nos maigres ressources, le partage du gâteau symbolisé par la composition de son premier gouvernement ont fini par laisser beaucoup de ses fans pantois. Le beau et séduisant slogan de campagne : « Le Mali d’abord » est devenu ma famille d’abord. Le « bonheur des Maliens » a tourné au malheur des maliens et l’ « honneur des maliens » au déshonneur des maliens. Cette politique de la promotion de la famille présidentielle s’est poursuivie jusqu’au sein des institutions de la République. En deux petites années seulement de gouvernance, le régime IBK est devenu celui des scandales à répétition dont les plus connus restent : l’achat du Boeing Présidentiel et des équipements militaires pour les Famas, la rénovation de la résidence privée, du palais présidentiel, l’achat des engrais frelatés et tout récemment ce document du parti PARENA faisant état d’une autre arnaque, celle de l’achat des 1000 tracteurs. A cela, il faut encore ajouter les manques à gagner de plus de 153 milliards de nos francs signalés par les rapports du Vegal.


Et la résolution de la crise au nord du Mali qui fut l’une des grandes motivations de son plébiscite est loin de connaitre son épilogue. L’Accord de paix de Bamako issu du processus d’Alger est en panne et confirme les réserves faites par bien de nos compatriotes sur son incapacité à asseoir une paix définitive au Mali. Et tant qu’elle n’est pas résolue, tant qu’il ya pas de stabilité le pays ne pourra jamais se tourner vers son développement. Mais ne vendons pas la peau de l’ours avant de l’avoir abattu, le président a encore trois ans pour nous prouver qu’il était bien la solution et non le problème. Trois ans donc s’offrent à lui, pour réparer les erreurs d’un mandat qu’il a lui-même reconnues. L’avenir de l’homme politique malien est dans la réussite du mandat d’IBK. Alors qu’il plaise à Dieu de lui donner la force, l’initiative, l’engagement mais aussi et surtout ce patriotisme qui parait toujours dans les grands discours qu’il tient. Nul ne souhaite l’échec de son mandat et nos critiques n’ont d’autres buts que de le maintenir éveillé sur les vrais défis du moment. Le Mali est notre seule fierté.

Au regard donc de tout ce qui précède, de Alpha à IBK en passant par ATT, en 23 ans de pratique démocratique, la moisson n’aura été que très maigre. Ni les grandes réformes institutionnelles, ni la formation de l’homme malien, encore moins la lutte contre les maux et les tares de notre société qui entravent si gravement notre développement n’ont encore prouvé leur efficacité. Le sentiment général partout de la grande majorité des maliens, toute démagogie mise à part, est aujourd’hui la DECEPTION mais aussi l’espoir parce que IBK est un homme de parole et il fera ce qu’il a dit. Attendons de voir.


Yousouf Sissoko
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