Le premier rapport de l’ONU, du genre sur la situation au Mali, depuis que le mandat de la Minusma a été remanié, en juin dernier, est désormais connu. Il a été présenté par le SG de l’ONU au conseil de sécurité, tel qu’il lui est demandé de faire, tous les trois mois. Le rapport, qui concerne plusieurs aspects liés à l’action de la mission onusienne au Mal et des difficultés de terrain auxquelles elle est confrontée dans le cadre de la mise en œuvre de l’accord de paix, est truffé de malentendus et de faussetés qui mettent en mal l’équité dans l’intervention de la Minusma entre les différents acteurs de notre crise. Décryptage…
Comme tous les autres, le nouveau rapport de l’ONU sur la situation au Mali, récemment présenté au conseil de sécurité, et couvrant la période allant du 12 juin au 16 septembre 2015, est un condensé des principaux faits, vécus sur le terrain ; des insolites jusqu’aux plus significatifs ayant soit, contribué à faire progresser le processus de paix ou soit, causé son péril. Avec force de détails, selon qu’il s’agisse de pointer le doigt, ou de minimiser tels agissements, sur le terrain, le nouveau rapport de l’ONU, compte tenu de l’évolution récente de la situation dans notre pays, qui enregistre, çà et là, des faits sécuritaires, politiques ou humanitaires, n’en est pas moins truffé de non-dits. Susceptibles alors de le discréditer carrément.
En rapport avec les plus violentes tensions connues, ces derniers temps, qu’il s’agisse du cas de Ménaka ou d’Anéfis, le rapport, selon qu’il s’agit de l’implication de la CMA, ou des forces patriotiques, n’a pas la même attitude ferme pour dénoncer les menaces et les violences constatées. À Ménaka, point de départ de ces violences, depuis le nouveau mandat attribué à la Minusma par le conseil de sécurité, en juin dernier, le présent rapport, qui devrait être particulièrement méthodique sur les agencements et les causes de cette crise, est resté pourtant muet sur les implications réelles des groupes armés quant au déclenchement des hostilités sur le terrain. En fait, le constat a été fait, à l’époque, par divers témoignages rapportés par les populations elles-mêmes, que la crise de Ménaka est survenue lorsque des combattants de la CMA ont empêché des émissaires des forces patriotiques de procéder à leurs campagnes de sensibilisation à l’endroit des populations. Et cela, en rapport avec le contexte politique lié à la paix retrouvée avec la signature de l’accord de paix.
En ce moment, la CMA n’avait pas encore signé l’accord de paix et cela, en dépit de la pression de la communauté internationale. Les combattants des forces patriotiques ont repoussé les éléments de la CMA qui s’étaient opposés aux forces patriotiques, engagées alors auprès des populations dans des campagnes de sensibilisation en faveur de la paix retrouvée. La suite, on la connaît : les affrontements ont débouché sur la reprise de la ville de Ménaka par les éléments des forces patriotiques qui ont mis en avant la légitime défense pour repousser les assaillants de la CMA.
Pourtant, on l’a vu, si la Minusma a exercé toutes sortes de pressions sur les forces patriotiques pour qu’elles abandonnent la ville de Ménaka, au même moment où les populations leur exprimaient leur sympathie, elle est restée muette, et presque perplexe, lorsque la CMA, contrairement à tous les autres acteurs l’avait fait avant elle, s’était refusée de signer l’accord de paix, le 15 mai, lors d’une cérémonie officielle à Bamako, en présence d’une bonne dizaine de chefs d’État africains et autant de délégations officielles, venus des quatre coins du monde. Si la CMA s’est vue obligée de signer ledit accord, le 20 juin dernier, c’est à cause de cette même Minusma, appuyée par la médiation internationale, qui a dû prévoir les arrangements dits sécuritaires pour qu’elle se décide à signer. Pendant tout ce temps, la Minusma a tenté de marcher sur les œufs pour ne pas écorcher la sensibilité de la CMA qui a d’ailleurs multiplié, en ce temps, des actes de déviance vis-à-vis de la communauté internationale sans que celle-ci ne daigne soulever la moindre protestation, dans ce sens.
Et puis, vient la crise d’Anéfis. Là, c’est le même scénario : les agissements des combattants de la CMA sur les forces patriotiques poussent celles-ci à se défendre et à chasser la CMA dans la ville. Alors tollé, côté Minusma qui s’empresse d’ailleurs à ériger une zone de sécurité autour de Kidal. Une mesure décriée par tous les acteurs, y compris la CMA qui, à travers un communiqué rendu public, demandant à la mission onusienne de lever la zone de sécurité. Mais, le constat est là : dans son rapport, le SG de l’ONU a évoqué effectivement les incidents qui ont débouché sur la crise d’Anéfis, mais oublie de mentionner le rejet que les acteurs ont réservé à cette décision qui n’a fait l’unanimité d’aucune partie malienne.
Le rapport de l’ONU sur la situation sécuritaire, parlant de cette crise d’Anéfis, va jusqu’à reconnaître que ses équipes n’ont pas parvenues à identifier les raisons du déclenchement de ces hostilités. En même temps, qu’il attribue, y compris avec l’usage du conditionnel, des cas de torture et autres abus imputables aux forces patriotiques. Or, rapporte-t-on par divers témoignages, qu’il s’agisse de Ménaka, ou d’Anéfis, la peur des populations, après le retrait des forces patriotiques de ces deux localités, autrefois contrôlées par la CMA, c’était de ne pas subir la vengeance des combattants de la CMA, une fois les localités abandonnées.
Autres errements du rapport : pendant que l’ONU reconnaît elle-même que les exactions et autres brimades sont les faits de tous les acteurs sur le terrain ; CMA, forces patriotiques et éléments de défense et de sécurité, le rapport qu’il produit, lui, est plus explicite, dans les détails, sur les charges retenues contre les forces patriotiques et l’armée. En voici un morceau choisi : « Parmi les 60 prévenus auxquels la MINUSMA a rendu visite, elle a recensé 32 cas de mauvais traitements et de torture de la part des Forces de défense et de sécurité maliennes ou de la Plateforme ».
Toujours, dans le souci de dépeindre tristement les forces patriotiques, le rapport de l’ONU, présenté devant le conseil de sécurité, ne souffre même pas de l’usage du conditionnel. Il dit ceci : « Au cours de la période considérée, l’ONU a confirmé la présence de 12 enfants dans des groupes armés ou extrémistes − 8 dans les rangs du GATIA, à Ménaka ; 3 dans ceux du Mouvement pour l’unité et le jihad en Afrique de l’Ouest, dans la région de Mopti ; 1 dans ceux d’Ansar Eddine, dans la région de Kidal. Un mineur, dont la présence n’a pas été confirmée, ferait partie des combattants du GATIA se trouvant sous la garde de la CMA, dans la région de Kidal. En tout, huit enfants étaient encore détenus, certains depuis 2013, par les autorités de Bamako pour association présumée avec des groupes armés ».
Rien, absolument rien, de concret, comme abus ou violation, n’est rapporté à l’encontre des éléments de la CMA, sur lesquels pèsent pourtant de nombreux soupçons de menaces et de brimades, telles qu’elles sont rapportées par les populations des localités concernées.
Par Sékouba Samaké