A force de laisser arnaquer les locataires vivant à Bamako avec des loyers exorbitants, les Maliens se sont retrouvés piégés par la quête de l’argent facile, pilotée par des agents et courtiers immobiliers véreux et des propriétaires pressés de faire fructifier leurs biens. Les autorités, voyant la souffrance qu’endurent les pauvres citoyens, décident d’assainir enfin le milieu. Toute chose qui sera d’une utilité salvatrice pour les locataires dans la capitale.
Avec les booms démographique et immobilier à Bamako, beaucoup de personnes, en quête d’activité professionnelle, se sont improvisées Agent immobilier ou Courtier. Nombre d’entre elles ne connaissent rien du contrat, encore moins du droit du bail. Pendant près de vingt ans, ils ont fait les choux gras des bailleurs avec des loyers excessifs. Leurs premières cibles étant les étrangers venus des pays africains pour étudier ou travailler à Bamako. Ils incitent les bailleurs à louer leurs appartements en priorité aux étrangers qu’ils peuvent abuser en doublant les loyers. Par un silence complice, on a laissé les bailleurs et leurs courtiers déplumer ces locataires tant étrangers que nationaux. Et l’arnaque est grosse car ces agents véreux sont des fois en complicité avec les propriétaires des maisons. Frais d’agence et caution exagérés, multiples augmentations de loyers, rupture de bail sans congé, refus de restituer la caution en fin de bail, menaces et intimidations, etc. C’est pour mettre fin à ce genre de pratiques que le gouvernement a décidé de se pencher sur la question. Annoncée il y a de cela trois mois, l’Assemblée nationale a adopté le projet de loi portant protection des consommateurs. Ceci afin d’alléger la souffrance des populations maliennes, surtout celles de la capitale en matière de location. Pour le consommateur locataire, ladite loi prévoit que sa protection fasse l’objet d’une réglementation spécifique. Et c’est la raison pour laquelle le ministère en charge du commerce et de l’Industrie organise pendant deux jours (du 8 au 9 octobre) un important atelier sur le projet de décret portant réglementation des loyers à usage d’habitation en République du Mali. L’objectif déclaré est de freiner la dérive inflationniste qui infeste le marché de la location immobilière. En baissant ponctuellement les loyers, le président de la République et l’Assemblée nationale apportent une solution au calvaire des populations. Ce n’est pas une loi statique qui résoudra un problème devenu structurel. Mais est-ce que cette loi fera du vent plutôt que des dunes ? La baisse des loyers envisagée sera-t-elle équitable ? Car les charges de construction et d’entretien des biens immobiliers ne sont pas les mêmes d’une région à une autre. Et à l’intérieur d’une même région comme Bamako, il existe de grandes disparités dans les prix du foncier et de la construction : Par exemple, entre le quartier populaire de Banconi et celui de Sotuba ACI, plutôt résidentiel. Mieux, dans un même quartier, les logements n’ont pas le même standing ni les mêmes atouts : commodités, emplacement de l’immeuble ; tranquillité et sécurité du coin ; proximité des routes principales, des commerces, des crèches et écoles, des services de santé, etc. Nécessaire assainissement du milieu du courtage
La baisse des coûts du loyer proposée, si elle emporte l’adhésion des agents immobiliers et courtiers est un bon présage. Pour cause, cela leur permettrait de redynamiser leurs activités plombées par la cherté des prix en cours. Dans tous les quartiers l’on retrouve de nombreux bureaux d’agences immobilières, de courtiers et autres démarcheurs à la recherche de bonnes affaires qui fourmillent dans la capitale.
Appartements, chambres, studios, terrains, maisons, champs, il suffit de jeter un coup d’œil sur les petits tableaux accrochés au coin des rues les plus passantes pour trouver le type de logement qu’on cherche. L’entrée en vigueur de cette mesure de baisse ne risque-t-il pas de réduire comme peau de chagrin leurs gains ? « Pas du tout », car à y voir de près, la cherté des prix des loyers plombe plus les activités qu’elle ne les sert. La flambée des prix du loyer fait que les gens ne déménagent pas souvent. Et cela, ce n’est pas bon pour leurs affaires. Car, parfois, les courtiers arrivent de disposer des appartements qui restent fermés plus d’un an parce que le prix de leur location dissuade bien des gens. En engageant la réflexion, l’Etat doit aller au bout de sa logique en exigeant qu’une copie des contrats de location parviennent aux Impôts et Domaines afin qu’il puisse y avoir un contrôle plus strict. Mais pour ce faire, le préalable est qu’il doit être fait obligation à tous les propriétaires de confier leurs maisons aux agences immobilières reconnues par l’Etat. Si la baisse des prix des loyers va sans doute grignoter sur leurs chiffres d’affaires, il n’en demeure pas moins que cette mesure a un côté positif et non des moindres. Elle devrait faciliter le recouvrement du loyer. Car plus la location est chère, plus le recouvrement devient difficile. Cette mesure est bien applicable. Mais à condition que l’Etat joue, par exemple, sur la baisse des prix des matériaux de construction comme le ciment et le fer à béton. Aujourd’hui la population est aux abois, emportée par la houle déferlante des loyers excessifs. Pour avoir laissé faire depuis plusieurs années, l’Etat doit créer de facto une nouvelle pratique de bail à usage d’habitation. Car il est en partie responsable des dégâts causés par les vautours du marché immobilier. Et la présence des représentants de l’administration, des élus, d’associations de consommateurs, d’ordres professionnels, de syndicats, etc. à cette rencontre en est une bonne chose. Cela permettra de toucher du doigt les réalités en matière de location de loyers dans la capitale.
Paul N’GUESSAN