Pilotée par Pr Dioncounda Traoré, la transition malienne avait tout mis en œuvre pour que les futures autorités, issues d’élections libres et transparentes, puissent hériter d’un pays sur les rails. Avec, à la clé, une promesse ferme de 325 millions d’euros d’aide de l’Union européenne. Mais aussi, l’accord d’Ouagadougou, censé ramener la paix et la sécurité au nord de notre pays.
Mais une fois aux manettes du pays, les nouvelles autorités n’ont Fait qu’à leur tête. Avec les résultats qu’on connaît : un pays en proie à l’insécurité, à la pauvreté et à la désespérance de ses populations. Plusieurs facteurs expliquent le mécontentement actuel de nos concitoyens, désormais, au bord de la crise de nerf.
« Ils ne mourront pas tous, mais tous étaient frappés ». A l’instar des « animaux malades de la peste » de Victor Idiot, pardon Victor Hugo, notre pays souffre de maux plus graves que la peste : détournements impunis des biens publics, corruption, népotisme, insécurité, chômage, pauvreté, une administration pléthorique et incompétente, une justice à deux vitesses (celle des riches et celle des pauvres), une société civile amorphe ….
Espoirs déçus
Au lieu de faire face à ces fléaux, qui menacent d’hypothéquer l’avenir de 15 millions de Maliens, les cadres du RPM (Rassemblement Pour le Mali), parti au pouvoir, n’avaient qu’une idée en tête, au lendemain de l’investiture de leur mentor : rattraper leur retard, en accumulant des richesses pour eux, et leur lointaine descendance. D’où les affaires et scandales qui ont émaillé la gouvernance IBK, durant ces deux dernières années : équipements militaires, avion pestilentiel, pardon présidentiel, engrais frelatés…..
Selon le dernier rapport du Vérificateur général, près de 153 milliards CFA ont été passés, en l’espace de deux ans, par les Bouffecrates de la Rue publique ; c’est-à-dire, les « Saigneurs de la République », drapés dans le funeste manteau de « démocrate ».
Avec ces différentes affaires, les « gros bonnets de la République » se seraient tapés des milliards CFA, pour les uns. Et des centaines de millions de nos francs, pour les autres. Parmi eux, l’un d’eux se serait même taillé le luxe de s’acheter un pavillon au Canada. Pendant ce temps, sept maliens sur dix peinent à se procurer trois repas par jour. Dans certains quartiers périphériques, la misère est si forte, que certains chefs de famille se voient contraints de quitter, dès l’aube, le domicile conjugal. Parce qu’ils ne disposent pas des 500 ou 1.000 CFA pour faire bouillir la marmite. Autre baromètre de la misère actuelle : durant ces deux dernières fêtes de Tabaski, nombreuses sont les familles qui ont dû se contenter – à défaut d’un bélier – de deux poulets (parce qu’eux deux disposent de quatre pattes) pour ne pas décevoir femmes et enfants.
De mémoire de Malien, la pauvreté n’a jamais frappé autant de concitoyens, y compris des salariés. Qui peinent à joindre les deux bouts. Parce que, juste après les dépenses inhérentes à la fête de Tabaski, les parents doivent faire face à celles liées à la rentrée scolaire.
Plus grave, la lutte contre la corruption et la délinquance financière ne semble plus être le cheval de bataille du « Kankélintigui », qui martelait devant ses concitoyens, en extase, que « Avec lui, à Koulouba, la loi sera la même pour tous les Maliens. Et que toute personne, qui détournerait le dénier public, devra en rendre gorge ». A en croire IBK, président de la République, près de 200 dossiers avaient été remis à la justice. Mais aucun n’a été jugé à ce jour. Du moins, pas à notre connaissance.
Excepté quelques « menus fretins », aucun « Saigneur de la République » n’a été, à ce jour, interpellé. Ou emprisonné, pour répondre de ses « crimes » devant la justice, réputée « indépendante de tout, sauf de l’argent sale », selon la formule, restée célèbre, de Me Fanta Sylla, ex-ministre de la Justice, Garde des « Sots ».
Ce que le président de la République semble perdre de vue, c’est que les Maliens n’avaient pas voté pour son parti ; mais pour lui, appelé le « Kankélintigui », l’homme de parole. Réputé « une main de fer dans un gant de velours », IBK disposait de tous les atouts pour mettre le pays sur les rails. C’est pourquoi, il avait remporté l’élection présidentielle, au second tour, avec un score inédit de 77,3 %. C’était le 04 août 2013.
Deux ans après, la promesse des fleurs ne semble pas tenir celle des fruits. Pendant que les « princes », qui nous gouvernent, se la coulent douce, leurs camarades d’âge grossissent chaque jour que Dieu les rangs des chômeurs. Parce qu’ils ne disposent pas de « bras longs ». Le chômage des jeunes, avec ou sans diplôme, a franchi le seuil du supportable. La promesse des 2.000 emplois, faite aux Maliens par le gouvernement, restera sans lendemain. Privées de conditions favorables pour leur épanouissement, les usines ferment, les unes après les autres. Et les investisseurs, surtout ceux de la diaspora, rechignent à investir dans notre pays, à cause de notre environnement juridique, qui ne leur offre aucune garantie. Et la fonction publique, elle, ne recrute qu’à compte-goutte. S’y ajoute le niveau, on ne peut plus bas, des étudiants issus de nos universités et instituts de formation. Le Mali, notre Mali, est le seul pays au monde où, un étudiant peut obtenir une maîtrise en droit. Sans jamais poser ses fesses (excusez du peu !) sur les bancs de la Fac.
A l’issue du bac 2015, plusieurs élèves ayant obtenu la mention « Bien » ont vu leur bourse d’études détournée et vendue. Au profit des enfants de riches, qui n’en ont pas le droit : ils n’ont ni le mérite, ni le niveau, pour poursuivre leurs études en Europe.
L’insécurité et les forces du « désordre »
Considérée, il y a peu, comme l’apanage des régions du nord, l’insécurité est devenue générale, voire généralisée. Aucune ville, aucun village, aucune région n’est à l’abri de ce fléau. A quel résultat pourrions-nous nous attendre, lorsqu’à chaque recrutement, au sein la police, de la gendarmerie ou de la garde Républicaine, ce sont les inaptes qui sont retenus. Car, leurs parents auront versé aux recruteurs quelques malheureux billets pour que leur enfant devienne non pas un agent des forces de sécurité, capable de défendre ses concitoyens, au péril de sa vie ; mais des fonctionnaires en uniforme. Dont le seul objectif est de racketter leurs concitoyens.
S’agissant du recrutement de plusieurs centaines de nouveaux gendarmes, un officier de l’Ecole Nationale de la gendarmerie avait indiqué, sur les antennes de la télévision nationale, que « cette fois-ci, il n’y aura pas de favoritisme. Tous ceux qui seront appelés sous le drapeau doivent être aptes et répondre aux critères fixés par l’avis de recrutement ».
Mais aux dernières nouvelles, les magouilles auraient déjà commencé. La montagne va-t-elle encore accouché d’une souris, comme ce fût le cas, récemment, à la police nationale ? wait and see !
Le nécessaire changement de cap
Même l’attribution des logements sociaux a tourné court. Censés mettre du baume au cœur des populations à faibles revenus, ces logements auraient été détournés au profit des ministres et de leurs proches. Au grand dam des demandeurs, qui n’ont que leurs yeux pour pleurer. C’est, peut-être, ce qui explique l’absence du président de la République à la remise officielle des clés. Pourtant, à l’issue du dernier remaniement ministériel, le ministre de l’Urbanisme et de l’Habitat, Mr Dramane Dembelé, est resté à son poste. Mr Bocari Tréta, aussi, le sulfureux ministre du Développement Rural, par lequel le scandale de l’engrais frelaté est arrivé.
Une certitude quasi-absolue : les Maliens ne désespèrent plus ; ils désespèrent de pouvoir espérer. Si rien n’est fait pour inverser cette tendance, le réveil risque d’être brutal ; si brutal qu’il provoquera le vertige. Comme c’est, récemment, le cas, au Burkina voisin.
Car, si un gouvernement refuse de s’occuper de ses populations, ce sont ces populations qui s’occuperont de lui. Comme c’est le cas….. au Faso voisin.
Oumar Babi