LES CONVOIS RETOURNENT. Hélas, aucun ne revient avec tous ses passagers au complet. Car à Mina, ce 24 septembre où le rituel de la lapidation a lieu, il n’y a pas que Satan qui a souffert. Les scènes captées puis relayées par les caméras du reportage citoyen que sont devenus les réseaux sociaux donnent une idée du carnage produit par la bousculade. Pire, les simulations à partir d’un scénario où se côtoient sept personnes au mètre carré et sur des kilomètres poussent les chercheurs sur les mouvements de foule à imaginer la réalité de Mina bien plus atroce que ce qui en a été montré. Au point qu’hôte du Hadj, l’Arabie Saoudite puisse être tentée d’occulter le vrai bilan ? Ennemi traditionnel du Royaume, l’Iran n’en a pas le moindre doute. Il est évident que les relations entre ces deux Etats restent marquées par le vieil antagonisme chiites-sunnites et que cela doit pousser à la mesure.
RIAD DOIT CEPENDANT ACCEPTER LES REPROCHES qui lui sont faits par rapport à la gestion du Hadj en général et des deux tragédies qui ont endeuillé celui-ci cette année. Il est simplement inexplicable et particulièrement consternant qu’un pèlerin meurt sous une grue. Quant à Mina, deux questions s’imposent. L’une en amont : pourquoi accepter tant de monde quand le moindre incident tourne au drame ? L’autre en aval a trait à l’efficacité des secours, la transparence et la vérité dans les explications, la gestion de l’émotion et l’accès à l’information fiable pour les cellules de crises. Or, les récits de survivants, les posts sur les réseaux sociaux qui sont des témoins à temps réel et non « ignorables » pointent de graves manquements dans la réaction des pouvoirs saoudiens.
REVISITANT LE DRAME TEL QUE VECU AU MALI, on ne peut pas occulter le procès de faible réactivité fait au gouvernement aux premières heures du drame et qui ont visé personnellement le président de la République. Comme c’est souvent le cas et comme si Ibrahim Boubacar Keita a choisi de tout assumer et de se passer de ses fusibles. Il était hors du pays -il est parti le jour du drame- mais a interrompu sa visite pour rallier Bamako. C’est à son retour qu’une cellule de crise et d’autres mesures de compassion ont été mises en place. Naturellement, on peut se demander pourquoi tout un gouvernement avec à sa tête un Premier ministre a cru devoir attendre le chef pour mettre en place une structure qui allait de soi. Les propos du Ministre du Culte à son retour d’Arabie Saoudite devaient également refléter la gravité circonstancielle du moment. Or, sans désobliger le chaleureux ministre, sa prestation aura pêché par un excès de liberté de ton. Dans tous les cas, Mina montre à quel point nous avons besoin de plans de contingences. Donc d’anticipation. Les pays tâtonnent et apprennent. Il faut apprendre. Consolation : des jeunes volontaires dont certains passent toute la journée accrochés au téléphone sont à pied d’œuvre. Leur quartier général où ils se relaient toute la journée est un espace de boutique gratuitement mis à leur disposition par un opérateur économique. Et ils ont pu retrouver un survivant. Leur site sur Facebook : « Les Maliens de la bousculade de Mina ». Comment cacher sa fierté en les voyant à l’œuvre ?
Adam Thiam