Initialement prévue pour le 2 octobre 2015 puis reportée à cause de la grande prière collective en mémoire des victimes de la bousculade tragique de Mina le 24 septembre dernier, la conférence de presse du parti de la Renaissance nationale (Parena) « sur les deux ans d’IBK » s’est finalement tenue, le vendredi 9 octobre 2015, dans la grande de la Maison de la presse qui a refusé du monde.
Comme lors de ces précédentes sorties médiatiques, le Président du Parena, Tièbilé Dramé a, dans un langage franc, cohérent, argumenté et précis, décrit, chapitre par chapitre, la situation au Mali dans toutes ses composantes, deux ans après l’investiture du Président de la République Ibrahim Boubacar Kéïta. De l’insécurité au nord et au sud, à la cherté de la vie en passant par les scandales financiers et la gabegie au haut sommet de l’Etat et l’accord d’Alger, aucun domaine de la vie de l’Etat n’a été oublié par le conférencier. Selon Tièbilé Dramé, « plus de vingt-quatre mois après l’accession d’IBK au pouvoir, le Mali ressemble à un balafon crevé”, entre doutes, désillusion et désespoir ». Et pour lui, si le Président ne prend pas garde de ces failles de son régime, nous allons vers « la privatisation de l’État » qui mènera le pays au mur.
Outre les représentants des partis politiques de l’opposition dont Mamadou Hawa Gassama, cette conférence de presse a mobilisé une grosse foule de membres de la société civile et des hommes de média. Au total, ils étaient plusieurs centaines de Maliens à venir assister à cette prise de parole du Parena qui fait de plus en plus ses inconditionnelles.
Dans son discours introductif, le Président du Parena a, d’abord, rappelé l’engouement qui a suscité l’élection du Président de la République à la tête du pays. « Le président de la République, Ibrahim Boubacar Keita, a prêté serment le 4 septembre 2013. Quinze jours plus tard, le 19 septembre, croyant qu’un jour nouveau se levait au Mali, la communauté internationale, dans un élan de rare mobilisation, est accourue à Bamako, pour célébrer la restauration de l’ordre constitutionnel et le retour de notre pays dans le concert des nations. Un Roi, celui du Maroc et des dizaines de présidents et de premiers ministres sont venus au stade du 26 mars apporter leur soutien à ce qu’ils croyaient être la renaissance du Mali ».
Mais selon le conférencier, cet espoir tant nourri par les Maliens et la communauté internationale s’est vite effondré comme un château de cartes. « Plus de vingt-quatre mois après l’accession d’IBK au pouvoir, le Mali “ressemble à un balafon crevé”, entre doute, désillusion et désespoir. Dans leur écrasante majorité, les Maliens continuent à tirer le diable par la queue. Un marasme financier sans précédent affecte la quasi-totalité des ménages. Les prix des PPN (produits de première nécessité) augmentent sans cesse.
Pendant ce temps, la nouvelle gouvernance instaurée par le président de la République est émaillée de scandales et d’atteintes répétées à la morale. Pendant ce temps, la personnalisation et la personnification du pouvoir ont atteint des proportions jamais égalées dans l’histoire contemporaine du pays avec une implication sans précédent de la famille dans tous les échelons du pouvoir d’État: attribution de marchés publics, nomination et promotion dans l’administration où le mérite est foulé aux pieds », a introduit Tièbilé Dramé. Auparavant, une minute de silence avait été observée en la mémoire de toutes les victimes maliennes de la bousculade de Mina.
L’Accord d’Alger fera du Mali un État fédéral
Evoquant la situation sécuritaire au nord de notre pays et du processus de paix, le Président du bélier blanc, a décrié la cécité des autorités qui par leur faute ont fait tombés des dizaines de Maliens en faisant perdre à l’armée malienne d’important matériels militaires. Selon lui, ces évènements ne sont rien d’autres que la résultante de longs mois de déclarations contradictoires et d’actes improvisés, aventureux et irresponsables entretenus par le régime.
« Depuis la signature de l’Accord de Ouagadougou en juin 2013, quatre faits marquants ont caractérisé la situation politique, militaire et sécuritaire au Mali : la défaite militaire et l’humiliation de la Nation, le 21 mai 2014, à la suite de la visite du Premier ministre Moussa Mara à Kidal.
Le Mali a perdu, ce jour-là, des dizaines d’hommes et d’importants moyens militaires: des dizaines land-cruisers équipés d’armes automatiques, des blindés légers, des camions de transport de troupes et des citernes », s’est indigné le conférencier. Selon lui, cette visite a été un gâchis incommensurable pour le Mali avec comme conséquence : l’émergence du MAA et de GATIA comme forces militaires au Nord, un Accord pour la paix et la réconciliation nationale résultant du rapport des forces défavorable et la multiplication des attaques contre les populations civiles, les forces armées et les symboles de l’État au Nord comme dans les régions de Mopti, Ségou, Sikasso et Bamako. « Quand le président prenait fonction, le 4 septembre 2013, le drapeau malien flottait sur Kidal. Il y avait un gouverneur, des préfets et des sous-préfets.
Un détachement des forces armées et de sécurité du Mali était déployé à Kidal, Aguel-hoc et Tessalit. Les FAMAS tenaient garnison à Anéfis et à Ménaka où flottait le drapeau national. Au lieu de poursuivre cette œuvre de restauration de l’intégrité territoriale entamée pendant les derniers mois de la Transition, le président s’est engagé dans une politique dont la finalité a été la perte de la souveraineté de l’État sur les régions entières du pays», a martelé M. Dramé. Par conséquent, le conférencier a invité l’Assemblée Nationale à publier les conclusions de l’enquête parlementaire sur les événements des 17 et 21 mai 2014 à Kidal, et le Gouvernement à en tirer les conséquences.
S’agissant de l’accord, fruit des erreurs du pouvoir, Tiébilé Dramé dira qu’il est une étape de la longue quête de paix au Mali et fera du Mali (s’il est appliqué tel quel) un État fédéral malgré les nouvelles initiatives comme les deux rencontres nécessaires d’Anefis ( les 27 septembre et 4 octobre derniers) entre les parties prenantes.
Où sont passés les 281 milliards alloués à l’équipement de l’armée en 2015 ?
Parlant des conditions de vie de nos militaires qui continuent à faire des patrouille sur des motos de marque « Sanili », le Président du parti bélier blanc s’est posé la question à savoir à quoi servent les milliards de F CFA destinés depuis 2013 à acheter de l’équipement pour les forces armées et de sécurité ? Pourtant, explique Dramé, le budget affecté à la défense est parti de 168 milliards de francs CFA en 2013, 199 milliards en 2014 pour atteindre 281 milliards en 2015. « Malgré ces immenses sacrifices consentis par le peuple pour sa défense et sa sécurité, les pouvoirs publics n’ont jusqu’ici mis l’accent que sur les uniformes, les chaussures et les chaussettes acquises dans les conditions de surfacturations et de détournements connus de tous. A quoi ont servi tous ces milliards ? », s’est interrogé Tièbilé Dramé avant de demander au régime de fournir des informations détaillées à l’Assemblée Nationale sur l’utilisation des budgets 2013-2014-2015 de la Défense.
Dans le même sens, le conférencier a aussi regretté que dans un pays où les citoyens tirent le diable par la queue, de 9 milliards 300 millions FCFA en 2014, le budget de la Présidence grimpe à 14 milliards 600 millions, soit une augmentation de 57%. « Le budget 2015 des 10 principaux hôpitaux du Mali (Point G, Gabriel Touré, hôpital du Mali, Kayes, Kati, Sikasso, Ségou, Mopti, Tombouctou et Gao) est de 4 milliards 400 millions de FCFA. Le budget de la sécurité alimentaire de tout le pays en 2015 est de 500 millions de FCFA. Celui de l’alimentation de Koulouba est de 300 millions. Il était de 61 millions en 2013. A l’avènement du président de la République, il a été multiplié par cinq », a déploré le Président du Parena.
La vraie histoire de l’avion présidentiel toujours inconnue
Evoquant les voyages de prestiges du Président de la République qui préfère tant voyager même pendant les moments les plus critiques, le conférencier a déploré le fait que ses voyages se fassent dans un avion dont la vraie histoire, jusque-là, est inconnue. Selon Dramé, le Président IBK a fait 73 fois voyages à l’étranger contre seulement huit à l’intérieur du pays. « La vraie histoire du 2ème Boieng présidentiel malien n’est toujours pas connue.
En 2015, une somme de 1 milliard 500 millions a été prévue, dans le budget, pour le jet présidentiel. Pourquoi? Pour Mali BBJ, la société offshore créée par le gouvernement du Mali à Anguila aux Caraïbes? », s’est interrogé Tièbilé Dramé avant d’ajouter que 8 milliards pour un pavillon présidentiel et 5 autres pour une (soi-disant) maison des hôtes sont d’autres dépenses de prestige. «Le peuple attend toujours la moindre mesure conservatoire qui conforterait la volonté politique de sanctionner ces pratiques dont la gravité se passe de commentaires », a indiqué le conférencier.
Il n’y a pas eu d’appel d’offres dans l’affaire des 1000 tracteurs.
Devenu la cible d’une cellule noire installée à Koulouba à coup d’argent public depuis sa publication sur le délit d’initié, du marché de gré à gré déguisé dans l’affaire des 1000 tracteurs, le Président du Parena ne veut pas se laisser intimider. Au contraire, il a profité de cette conférence de presse pour enfoncer le clou pour faire taire définitivement le régime. « Le PARENA maintient que l’opération des 1000 tracteurs est une histoire d’un délit d’initié, d’un marché de gré à gré déguisé effectué en violation flagrante de toutes les réglés régissant les marchés publics. C’est aussi l’histoire de surfacturations grossières et de rétro commissions. Les bénéficiaires et les défenseurs de ce gré à gré déguisé prétendent qu’il y a eu appel d’offres international. Mensonge! S’il y avait eu “appel d’offres international », a déclaré Tièbilé Dramé. Interrogé par les journalistes sur quelles preuves il se base pour ses accusations, la réponse du Président du parti du bélier blanc a été sans appel. «Ils auraient montré les journaux qui ont publié les annonces.
Un appel d’offres international suppose une publication. L’article 54-4 du décret n°8-485 PRM du 11 août 2011 dit que si l’appel d’offres n’est pas publié, elle est nulle et sans effet», a expliqué Tièbilé Dramé qui dit attendre toujours du gouvernement une réponse sur ce nouveau scandale financier. Car selon lui, jusqu’à preuve du contraire, aucune preuve de cette publication n’a été montrée ni par le gouvernement, ni par la société Toguna. Il a signalé également que « le rapport de la commission de dépouillement est formel: au chapitre Publicité, il est écrit: ” Néant”. Toutefois, le Président du Parena a encore rappelé que son parti n’a rien contre la société Toguna qui contribue d’ailleurs à l’économie nationale et à la lutte contre le chômage au Mali. « C’est au gouvernement qu’il revient de nous répondre. Et c’est important pour nous que la société Toguna se mette à l’écart des discussions entre le Parena et le gouvernement », a insisté Tièbilé Dramé.
A cela s’ajoute aussi, une incohérence des chiffres entre le journal officiel « L’Essor » qui a dit que les tracteurs ont été achetés à 13 millions à l’unité pendant que certains parlent de 12 millions. Pour édifier l’opinion, Tièbilé Dramé a invité le Vérificateur Général à ouvrir une enquête impartiale pour faire toute la lumière sur cette affaire afin que les tracteurs soient payés par l’État à leur juste prix. « Au lieu d’endetter les paysans du Mali sur trois ans à un taux d’intérêt de 8.75%, le PARENA invite le président de la République à créer dans chaque cercle du Mali, un centre d’utilisation des tracteurs, d’affecter les tracteurs à ces centres qui les mettraient en location pour le temps nécessaire aux besoins des paysans. Les centres mettront en place des pools de conducteurs de tracteurs et s’occuperont de la maintenance et du carburant.
Un tel mécanisme permettrait de généraliser et démocratiser l’accès aux tracteurs, et d’amortir l’investissement », a expliqué le Président du Parena.
Sur l’affaire de démolition de constructions privées à Souleymanebougou, le conférencier estime que les bases juridiques de la spectaculaire opération par laquelle le gouvernement a lancé des bulldozers contre des dizaines de maisons privées ne sont toujours pas claires. « Sur quelle décision de justice définitive repose ce spectacle qui a réduit en gravats et poussières plusieurs centaines de millions d’économies de nos compatriotes dont certains triment à l’étranger pour investir au pays? », s’est étonné M. Dramé.
Sur le drame du 24 septembre à Mina où des Maliens ont péri, le PARENA réitère son appel au Gouvernement à publier le nombre et la liste complète des victimes maliennes.
Pour conclure, le conférencier dira que le Parena ne se laissera pas intimider.
« Nous sommes un parti républicain, résolument engagé dans l’opposition, nous continuerons notre combat démocratique pour le relèvement et la renaissance du Mali », a-t-il dit. Avant d’inviter le Président IBK à changer de cap, à sortir de l’autisme et entendre les angoisses et les inquiétudes qui montent de partout, à préserver la paix sociale, sauver la République et le pays, à mettre fin aux scandales et aux dérives qui ont jusqu’ici jalonné sa gouvernance.
Youssouf Z KEITA