L’instruction parisienne des dossiers relatifs aux biens présumés mal acquis par des dirigeants africains à l’étranger a révélé un braquage sans précédent des maigres ressources du continent.
Il y’a de cela quelques jours, les teigneux juges français Roger Le Loire et Rêne Grouman, en charge de l’instruction des dossiers des biens présumés mal acquis par des dirigeants africains, posaient encore un acte spectaculaire. Avec l’aide de la brigade financière, ils ont identifié et saisi un appartement acheté à 3 millions d’euros et une villa dont la valeur est estimée à 4 millions d’euros.
Ces deux biens sont la propriété d’une société civile immobilière enregistrée au Luxembourg et dont le gérant se trouve être Wilfrid Nguesso, neveu du Président Sassou Nguesso qui tente vaille que vaille de saper la volonté populaire congolaise. Pire, l’appartement et la villa ont été retapés pour 3,8 millions d’euros payés par le trésor congolais. Selon Libération, cette saisie intervient après l’immobilisation d’une dizaine de voitures de luxe appartenant au clan et plusieurs perquisitions qui ont permis, par exemple, dé découvrir des factures d’achat de vêtements pour 1,3 millions de Fcfa.
Au total, Tracfin, la cellule anti blanchiment de Bercy, a découvert 112 comptes bancaires ouverts dans des banques parisiennes par le clan Nguesso ainsi qu’une vingtaine de villas.
112 comptes bancaires français pour les Nguesso
Pourtant, à côté de Théodorin Obiang, Libération révèle que le fils du Président équato-guinéen, les Nguesso ne font pas le poids. En plus d’avoir renoncé à des avoirs immobiliers évalués à 30 millions d’euros pour échapper à des poursuites aux Etats-Unis, Théodorin s’est tapé une merveille à l’avenue Foch, à Paris. Il s’agit d’un hôtel particulier qui comprend…101 chambres. La perquisition de… dix jours, effectuée dans cet hôtel, a permis d’identifier des œuvres de maîtres pour 19 millions euros, entre autres folies. Toutes ces acquisitions ont été faites à partir d’un compte ouvert au nom de la Somagui Forestal, une entreprise publique équato-guinéenne. Avant cette perquisition, des véhicules de luxe (Maybach, Porsche, Bugatti, Maserati, Ferrari…) appartenant au même Théodorin avaient été immobilisés. Le shopping d’enfer des Bongo
Le Gabon n’est pas en reste. Et ici, on dépense sans compter même dans les produits de luxe. Par exemple, une note de Tracfin indique que Flore Bongo, sœur du Président gabonais, a dépensé prés de 1 million d’euros d’Armagnac.
Les détails de cette note, selon Le Parisien, sont effarantes : «Entre décembre 2008 et octobre 2009, un compte de Christian Bongo, le frère d’Ali, a été crédité de 310252 euros à travers des virements de la Compagnie équatoriale des bois et de la Trésorerie banque gabonaise de développement. Sur la même période, les enquêteurs de Tracfin ont relevé 357205 euros de débit, dont 133575 euros d’achats personnels auprès de la Fnac, d’Armani Exchange, de Ben Bridge Jewel, d’Expedia et d’hôtels prestigieux en France, en Espagne, aux Etats-Unis et au Japon. Près d’un million d’euros chez Hermès et Van Cleef réglés avec quatre cartes American Express Centurion.
Disponible uniquement sur invitation, la carte Centurion est l’apanage des grosses fortunes de la planète. Ali Bongo et son épouse Sylvie Bongo se voient faciliter l’accès aux meilleurs restaurants, aux parcours de golf les plus courus et aux événements sportifs mondiaux. Entre avril 2010 et avril 2011, les dépenses effectuées par Sylvie Bongo avec ses cartes Centurion se sont élevées à 926000 euros, dont 144000 euros chez Hermès et 132000 euros chez Van Cleef. Entre avril 2010 et avril 2011, la sœur d’Ali a dépensé 1037500 euros chez des bijoutiers, des grands couturiers, pour des billets d’avion et des hôtels de luxe ».
39 villas et 70 comptes parisiens pour les Bongo, 23 milliards dans un compte à Monaco
Tracfin avait, dés 2007, répertorié quelques 39 villas et 70 comptes bancaires liés aux Bongo. Alors que cette enquête suit toujours son cours, une autre procédure est activée dans l’affaire dite du «magot de Bongo». En effet, trois comptes bancaires, liés au clan, ont été identifiés à Monaco. Ces comptes débusqués par Mediapart, ont des noms exotiques : «Sphynx», logé à la banque Martin Morel ; «Plexus», à la banque Martin Morel Sella et un troisième à la Bnp de Monaco. A eux trois, ces comptes pesaient, au moment du décès de Oumar Bongo, la rondelette somme de 23 milliards de F Cfa.
D’après Médiapart, «la justice soupçonne que cet argent est le produit d’un détournement de fonds publics du Gabon parce qu’il ne correspond pas au niveau d’épargne qu’aurait pu se constituer Omar Bongo Ondimba, au regard des émoluments que reçoit officiellement un chef d’Etat gabonais.» Il se trouve que les mandataires des trois comptes en cause sont Pascaline Bongo, sœur de Ali Bongo, mais aussi Henry-Claude Oyima, le Pdg de la Bgfi Bank qui possède maintenant une filiale à Dakar.
Pourtant, le fait que le nom du banquier apparaisse dans cette affaire qui risque de faire beaucoup de dégâts ne doit pas surprendre les initiés. L’un des actionnaires de Bgfi Holding se trouve être la société Delta Synergie. Une entreprise de Oumar Bongo qui a cédé ses parts à Ali et Pascaline. Cette pieuvre détient des actifs dans presque toutes les structures qui brassent des milliards au Gabon : Petro Gabon Holding, Comilog, Compagnie du Komo, Ogar, Solicar, Gabon mining logistics (filiale de Bolloré), Ragasel, Somivab, Finatra, Bicig, Seeg etc. C’est dire qu’il n’est pas surprenant que Oumar Bongo ait légué à sa famille…300 milliards de Fcfa. Un héritage qui intéresse désormais la Justice. Est-ce la raison pour laquelle Ali Bongo s’est empressé d’annoncer en grandes pompes qu’une partie de ces biens allaient être cédé au «peuple gabonais » ?
Cosa nostra chez IBK
Le nom du Président gabonais revient dans une autre sale affaire. Il s’agit du dossier impliquant le parrain corse, Michel Tomi. Ce dernier est soupçonné d’avoir bâti sa for- tune en Afrique en corrompant certains dirigeants qui, en échange, lui accordaient certaines faveurs. Des écoutes téléphoniques ont révélé ses liens «étroits » entre
Michel Tomi, Ali Bongo et IBK. Pourtant, les relations entre le parrain corse et le Président malien sont connues du grand public depuis l’affaire dite de l’achat d’un avion de commandant par le gouvernement malien. Dans le cadre de cette acquisition, il a été révélé un détournement de 9,01 milliards de F Cfa sur fond de favoritisme, de trafic d’influence et de fraude fiscale. Il se trouve que le principal bénéficiaire de cette fraude massive est Michel Tomi et sa structure, Afrijet.
En effet, le 22 décembre 2013, le gouvernement malien désigne Sky Color «conseiller» pour effectuer des «recherches» et acheter un appareil. Dès signature, le «conseiller», Sky Color en l’occurrence, a reçu 1,2 milliard de F Cfa pour un travail que l’Agence civile de l’aviation malienne pouvait faire gratuitement. La réponse à ce favoritisme se trouve dans le fait que la société, immatriculée à Hong- Kong avec un numéro de téléphone mobile du… Gabon, a pour représentant Marc Gaffajoli qui n’est personne d’autre que l’Administrateur de Afrijet, société de location d’avion appartenant à Michel Tomi.
Sur recommandation de Sky Color, l’Etat Malien a signé un contrat de cession-acquisition d’un Boeing 737 avec Akira Investments Limited (Aic) enregistrée aux Iles Vierges britanniques. Au total, note le Vérificateur général 18,9 milliards de F Cfa ont été dé- pensés dont 17 49 17 FCFA payé à Alc et relatif au prix d’achat de l’aéronef etc. Mais, après achat, l’avion n’a pas été enregistré au nom de l’Etat du Mali mais de Mali Bbj Ltd, société créée dans le tas à Anguilla, un des paradis fiscaux britannique. Ce, pour une période de deux ans à travers le certificat N°Bvi14/00 et le certificat de navigabilité N°Bvl-14/00 délivré pour l’exploitation, sur une période d’un an.
Cependant, aucun document déterminant la structure de gestion de cette société n’a été fourni. N’empêche, un contrat de bail a été signé pour un an avec tacite reconduction entre le ministre de la Défense et des Anciens Combattants pour le compte de la République du Mali et «Mali Bbj Ltd», représenté par le Managing Director d’Imc Management (Anguilla) Limited dont l’identité reste indéterminée. En outre, pour son exploitation, les autorités d’Aruba ont attribué une licence radio avec des fréquences à une société dénommée «Jetmagic Ltd», situé à St Julian Malte sous le numéro Rcs
C 909 et une police d’assurance a été souscrite par cette dernière avec Axa Corporate Solution dont la couverture exclue le Mali sauf en cas de souscription complémentaire. Or, l’article 1 du contrat de bail exige que le locataire ne peut faire cession ou sous-location du contrat, ni de tous les droits et intérêts, ou de déléguer toute obligation découlant du présent contrat de location sans le consentement écrit préalable du bailleur (le Mali). Aucun acte dans ce cadre n’a été fourni à l’équipe de vérification.
N’empêche, sur 10 milliards de F Cfa destinés à couvrir les frais d’approche, des opérations frauduleuses d’un montant total de 9 0 120 70 F Cfa ont été effectuées. En effet, les factures pro forma à l’appui des lettres de crédit pour l’achat de matériels et d’équipements indiquent clairement que les prix comprennent la livraison (frais d’approche) jusque dans les locaux désignés par l’autorité contractante.
Par conséquent, le titulaire du marché n’avait plus à supporter les frais d’approche liés à l’opération. Un premier virement de 4 200 120 70 F Cfa a été cependant effectué, le 11 février 2014, sur un compte bancaire domicilié à Abidjan en faveur de la société «Golden Rod Investissement ». Les 12 et 1 février 2014 toujours avant la fourniture de la garantie autonome (le 28 février 2014), deux retraits de 200 millions de F Cfa chacun, soit 400 millions de F Cfa au total, ont été effectués en espèces par le Comptable de «Guo Star». A la date du 2 avril 2014, un autre retrait en espèces a été effectué par la même personne et un virement bancaire de 420 000 000 FCfa a été ordonné et exécuté au profit du Bureau africain de recherches technologiques (Bart), domicilié à Abidjan.
L’objet social de cette Société à responsabilité limitée Unipersonnelle, enregistrée au greffe du Tribunal de Commerce d’Abidjan sous le Numéro Ci-Aj-2008-B-1, n’a aucun lien avec l’opération. Il en résulte qu’aucune activité réelle en lien avec l’opération ne justifie ces décaissements. Cette liaison mafieuse entre IBK et Michel Tomi intéresse aussi la Justice Français qui a déclenché une enquête. D’ailleurs, l’ancien ministre de la Défense malienne Soumeylou Boubèye Maïga avait été interrogé sous le régime de la garde à vue dans la capitale française.