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Une intervention au Mali ? Totalement irréalisable...
Publié le mercredi 26 decembre 2012  |  atlantico.fr


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Le ministre de la Défense Francaise, Jean-Yves Le Drian


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Si le ministre de la Défense français Jean-Yves Le Drian promet une intervention militaire au premier semestre 2013, le déploiement de la force africaine Afisma et de l’EUTM-Mali autorisé sur le papier, n’en n’est pas moins effectif, loin de là, à l’instant précis.
Atlantico : Jean-Yves Le Drian promet une intervention militaire au premier semestre 2013. De quoi parle-t-on exactement ici ?

Emmanuel Dupuy : Suivant le vote au sein du Conseil de sécurité de l`ONU de la résolution 2085, votée jeudi dernier à l`unanimité et à l`initiative de la France, le ministre de la Défense français a, en effet, « promis » que le déploiement d`une force africaine baptisée Afisma (African Led International Support Mission in Africa) serait effectif d`ici la fin du premier semestre de l`année 2013. Cette dernière, composée de forces africaines venant de pays de la Communauté économique des Etats d`Afrique de l`Ouest (CEDEAO) serait déployée pour une période initiale d`une année et pourrait compter jusqu`à 3300 hommes.

Sa mission consisterait à permettre au Mali de recouvrer son intégrité territoriale, perdue à la suite de la conquête - dans la foulée du coup d’Etat du 22 mars dernier à Bamako - des trois régions du Nord du pays (Gao, Tombouctou, Kidal). Il est utile de rappeler qu’il n’aura fallu que quelques jours pour le mouvement rebelle touareg - sous la bannière du Mouvement National de Libération de l’Azawad (MNLA) - doublé de mouvements fondamentalistes - communément rangés sous l’appellation « générique » de narco-terroristes (Al-Qaeda au Maghreb Islamique - AQMI, Mouvement Unicité et Jihad en Afrique de l’Ouest - MUJOA, Ansar Dine) de conquérir près de la moitié du pays. Ces mouvements terroristes ne peuvent néanmoins réunir plus d’un petit millier d’hommes.

En parallèle, un contingent européen de 400 militaires principalement français - dont potentiellement des forces spéciales français opérant déjà sur place dans le cadre de l’opération Sabre du Commandement des Opérations Spéciales (COS) - sera placé sous le commandement du général français des troupes de marine, François Lecointre. Cette mission européenne de formation des troupes maliennes - European Union Training Mission (EUTM-Mali) viserait à aider le déploiement de l’Afisma (génération de force, entrainement, transport, renseignement).

Néanmoins le déploiement de l’Afisma et de l’EUTM-Mali autorisé sur le papier, n’en n’est pas moins effectif, loin de là, à l’instant précis.

Plusieurs écueils à son déploiement sur le terrain sont, en effet, encore à dépasser : d’ordre politiques tout d’abord, eu égard à l’instabilité gouvernementale chronique à Bamako ; diplomatiques, compte-tenu des médiations actuellement en cours tant à Ouagadougou qu’à Alger ; financiers, eu égard au coût d’une telle mission (approximativement 600 millions d’euros) ; opérationnels, en prenant en compte que la saison estivale est peu propice à une telle opération et ce jusqu’à la fin de la saison sèche, soit en septembre prochain.


Les pays de la Cédéao qui ont promis des troupes sont-ils en mesure de fournir les effectifs en question dans les délais évoqués par Le Drian ? Quelles sont les capacités des troupes en question ?

Comme indiqué précédemment, les 15 Etats membres de la Cédéao, dont les pays limitrophes du Mali (Sénégal, Guinée, Côte d’Ivoire, Burkina-Faso, Niger) et les « Etats pivots » régionaux que sont le Bénin et le Nigéria, disposent - depuis sa création en 1990 - de l’Economic Community of West African States Cease-Fire Monitoring Group (ECOMOG), groupe militaire d’intervention – au niveau d’une brigade (7000-8000 hommes) devenu permanent en 1999. Ces troupes sont souvent appelées « Casques Blancs » en référence aux « Casques Bleus » de l’ONU. Cependant, depuis son déploiement dans plusieurs conflits armés d’Afrique de l’Ouest (Libéria, Sierra Leone, Guinée-Bissau) et compte-tenu du « poids » militaire du Nigéria, qui y a souvent fourni la majorité de ses hommes, sa capacité opérationnelle est souvent remise en cause.

Pour faire face à cette relative « faiblesse » militaire, qui n’est, du reste, pas le seul apanage de l’Ouest africain, a été pensée une nouvelle « Architecture de paix et de sécurité ». Cette dernière, née du Sommet de l’UA tenu à Durban en 2002, vit la mise en place du concept de « Forces Africaines en Attente » (FAA) réparties en quatre forces régionales pré-positionnées et mobilisables en cas de crise régionale (Forces en attente de la Cédéao, de la Communauté Economique des Etats de l`Afrique centrale - CEEAC, de la Communauté de développement de l’Afrique australe - SADC, et l’East African Standby Force - EASF, opérationnelle seulement depuis 2007).

Dès lors, les forces qui devraient être mobilisées proviendraient de cette brigade ouest-africaine en attente.

Néanmoins, dire que cette force existe n’est que pure spéculation.

Premièrement, certains des Etats ouest-africains qui ont indiqué leur disponibilité pour fournir des troupes n’en n’ont pas forcement la capacité - à l’instar de la Côte d’Ivoire dont les forces armées ne sont que l’amalgame très fragile des « Com-zones » des Forces Nouvelles de Côte d’Ivoire avec des troupes régulières affaiblies par cinq années de lutte avec ses même forces, et dont l’approvisionnement en armes a été perturbé par l’embargo européen imposé à partir de 2004 sur l’achat de matériel militaire. Par ailleurs, certaines des troupes proposées, telles que celles que le président béninois, Yayi Boni propose de mettre à disposition n’ont que très peu d’expérience du combat en zone désertique !

Le Nigéria, échaudé par ses expériences du maintien de la paix au Libéria et en Sierra Leone, a d’ores et déjà dit qu’il ne paierait pas pour les autres. Abuja a, en outre, exprimé ses réserves quant à l’efficacité d’une telle force, et ce au regard de ses propres opérations dans le Nord du pays contre les mouvements fondamentalistes et djihadistes Boko Aram et Ansaru

A ces difficultés s’ajoute le fait que l’Afisma ne serait pas constituée des troupes les plus adaptées et aguerries pour aller faire le coup de feu contre des mouvements terroristes qu’elles combattent sur leurs propres territoires, à l’instar de la Mauritanie et de l’Algérie, voire du Tchad, dont le président Idriss Deby a pourtant dit, à l’occasion de sa récente visite au président François Hollande, sa volonté de proposer son expertise militaire et sahélienne.

L`UE fournirait 400 hommes : est-ce suffisant pour apporter un soutien logistique, un conseil et de la formation à hauteur des besoins des forces qui seraient mobilisées par la Cédéao ?

Tout dépend de la mission qui lui est assigné. Comme évoqué, c’est plus une présence symbolique qui est en jeu ici pour l’Union européenne. Ce qui est réellement en jeu c’est l’action globale dans laquelle s’inscrit la mission européenne.

Celle-ci est d’ailleurs massivement présente, du moins sur le papier. Une Stratégie de l’UE pour le développement de la sécurité au Sahel a été adoptée dès mars 2011, dans l’optique de traiter la crise au Sahel sous une « approche globale » associant potentiellement actions cinétiques à des objectifs de stabilisation. Dans ce cadre, la mise en place d’EUTM-Mali n’est qu’une brique supplémentaire pour étayer de la légitimité de la politique de sécurité et de défense commune. Une mission d’assistance et de conseil des forces de sécurité nigérienne - EUCAP-Niger a été lancée le 17 juillet dernier.

Bruxelles répète inlassablement que c’est l’UE qui contribue, en premier lieu à la lutte contre le terrorisme, le trafic de drogue et la criminalité organisée. L’UE distribue, en effet, une enveloppe financière consacrée à des projets de développement d’une ampleur considérable : 503 millions d’euros pour le Mali, 458 millions pour le Niger et 156 millions pour la Mauritanie.

Les Etats-Unis ne consacrent, en comparaison, que 100 millions de dollars par an dans le cadre de leur Initiative pan-Sahel de lutte contre le terrorisme, lancé par Washington depuis 2002 ! Il est vrai que cette somme devrait être considérablement « gonflée » à l’aune de la nouvelle donne sécuritaire.

A cela s’ajoute l’initiative « Action Globale Internationale Résilience » (AGIR) lancée en juin 2012, qui, avec une enveloppe de 318 millions d’euros vise à lutter contre la crise alimentaire qui aggrave la crise au Mali et au-delà sur l’ensemble du Sahel…

L’UE avait, par ailleurs, initié une réflexion visant à créer des outils sécuritaires régionaux, à l’instar d’un Collège sahélien de sécurité, qui se serait appuyé sur le modèle de l’Ecole de formation au maintien de la paix situé à Kolikoro au Mali. Il en va de même avec le projet du West African Police Information System (WAPIS), sorte d’Interpol ouest-africain, partie intégrante du plan d’action de l’UE contre le narco-trafic.

Bref, beaucoup de projets sur la table, mais toujours pas de drapeau européen planté sur le sol malien…
Quels sont dans cette intervention les Etats clefs côté européen et côté africain ?

Paradoxalement, les Etats clés sont sans doute ceux qui sont les moins en première ligne et paradoxalement ni membres de la Cédéao ni de l’UE. Je veux bien évidemment faire référence à l’Algérie et aux Etats-Unis.

Alger, on le sait est très actif dans cette crise, mais agit en sous-main. Elle n’appartient à aucune des organisations sous régionales impliquées (Cédéao, Communauté des Etats Sahélo-sahariens - CEN-SAD) lui laissant ainsi peu de marge de manœuvre diplomatique « officielle ».

L’Algérie, soucieuse de repousser hors de ses propres frontières, un terrorisme d’essence salafiste, influencé et composé d’anciens du Groupe salafiste pour la prédication et le combat (GSPC), souffle ainsi le chaud et le froid.

D’un côté, certains analystes dénoncent un soutien « logistique » déguisé - à travers la présence du Croissant rouge algérien à Gao - à certains mouvements fondamentalistes, dont Ansar Dine. Son fondateur, ex-rebelle touareg, Iyag Ag Ghaly est souvent décrit comme une « créature » du Département du Renseignement et de la Sécurité - DRS (services de renseignement algériens).

Paradoxalement, les seuls actes de terrorisme avérés (hormis les prises d’otages dont sont victimes les ressortissants occidentaux, dont désormais 9 Français avec celui pris en otage par le groupe Ansaru au Nord du Nigéria) ont été commis sur son territoire ou contre ses intérêts. Les derniers en date, qui remontent à janvier et novembre 2011 puis février 2012, ont touché « symboliquement » le Comité d’Etat-major opérationnel conjoint (CEMOC, crée en 2010 entre l’Algérie, le Mali, la Mauritanie et le Niger) qui vise - certes péniblement et de manière quelque peu artificielle - à fédérer les efforts régionaux contre le terrorisme.

Alger a du reste, depuis la prise d’otages de quatre de ses ressortissants, les mêmes préoccupations que Paris. La visite du président François Hollande à Alger, les 19 et 20 décembre derniers, a été l’occasion de confirmer ce rôle de médiateur discret. Une délégation du MNLA y était en même temps qu’une autre d’Ansar Dine. Bien qu’un document ait été signé entre les deux mouvements, certains y ont vu une « manipulation » d’Alger afin de remettre Ansar Dine dans le jeu.

Les Etats-Unis ne s’y sont pas trompés.

Hillary Clinton, alors encore Secrétaire d’Etat, quand elle s’est rendue à Alger il y a de cela quelques semaines avait tenu à indiquer son accord avec Alger afin de privilégier la voie du dialogue entre parties prenantes. Alger et Washington visent à mettre l’agenda du rétablissement de la stabilité institutionnelle à Bamako en tête des préalables à la résolution finalement votée à l’ONU. C’est là une légère quoique évidente divergence de point de vue avec Paris.

On sait aussi Washington très préoccupé par l’ampleur que prend la crise sécuritaire au Mali et au-delà dans la sous-région. Les Etats-Unis craignent par-dessus tout une imbrication de plus en plus évidente entre narco-trafic et terrorisme djihadiste. Ils craignent ainsi que l’Ouest africain, où ils tentent d’y ancrer leurs investissements économiques, deviennent une zone de perturbations où ils aient à intervenir, comme en Somalie en 1992 avec l’Opération « Restore Hope ». La similitude avec la situation d’alors leur fait craindre une implication qu’ils ne cherchent évidemment pas mais préparent néanmoins activement.

Washington voit ainsi, de nouveau, les ingrédients d’une instabilité régionale globale et durable : mal gouvernance ayant aboutie à la consolidation d’une « zone grise » de plusieurs dizaines de millions de km² ou se croisent narco-dollars et prolifération d’armes de petits calibres (8 millions aux derniers évaluations) et d’autres plus inquiétantes - à l’instar de missiles sols-air apparus à la chute du régime Khadafi - ; d’états dit « faillis » qui plus est doublés de revendications d’indépendances micro-territoriales (Azawad) ; le tout, aggravé par une famine qui menace désormais près de 12 millions de personnes à travers l’ensemble de la bande sahélienne.

La crainte, du reste avérée, d’une convergence de mouvements terroristes, réunissant dans un même combat, AQMI, Ansar Dine, Mujoa, les Shebaab somaliens, Boko Aram et Ansaru nigérian, contre des forces occidentales, qui deviendraient, dès lors, des cibles d’opportunité termine de préoccuper les nouveaux acteurs influents à Washington, au sein du Pentagone que sont le Commandement des Forces spéciales (SOCOM - notamment sa branche africaine -SOCAFRICA) et le Commandement africain des forces armées (AFRICOM, crée en 2007).

Ce dernier, AFRICOM, va considérablement se renforcer dans les premiers mois de 2013.

Il va y dispatcher des troupes ainsi que renforcer son équipement en drones dans 35 Etats africains (Kenya, Ouganda, Somalie, Algérie, Soudan, Niger, Mali, Mauritanie, Nigéria, République centrafricaine, etc.) dans le but d’accompagner les efforts d’entrainement et d’équipement de la nouvelle architecture de sécurité sur le continent.
Les Américains pensent aussi bien évidemment à la capacité « résiliente » d’intervention de leurs troupes en cas de crises, à l’image des forces pré-positionnées françaises jusqu’à leur réforme en 2009. Ils disposent ainsi de bases discrètes de surveillance au Niger, abritées sous l’égide de leur opération « Creek Sand ».

Par ailleurs, sont ainsi d’ores et déjà programmés, entre février et avril, près d’une centaine d’exercices conjoints entre les forces armées locales et les équipes américaines, au niveau d’une compagnie (200 hommes) pouvant aller jusqu’à celui d’un bataillon (approximativement 800 soldats).

Les enjeux et les vrais acteurs de la résolution de la crise ne sont ainsi peut-être pas là où l’on met communément et médiatiquement l’accent !

Tous les acteurs conviennent, néanmoins, que la résolution 2085 - votée jeudi dernier - ne vise qu’à gagner du temps afin « d’épuiser » l’agenda diplomatique et laisser ainsi une dernière chance aux différentes médiations en cours (sous l’égide du président burkinabais, Blaise Compaoré) ou à venir (sous les bons auspices du Représentant spécial du Secrétaire général des Nations Unies, l’ancien Président du Conseil italien Romano Prodi).

Tous les chemins, même et surtout ceux de la « diplomatie informelle » mènent ainsi à Rome…

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