Notre confrère Le Sphinx a levé le voile, la semaine dernière sur la vente du « site du Cinquantenaire », à une société américaine suscitant l’indignation à travers le pays. Un bloggeur malien aux Etats-Unis a enquêté. Lisez son reportage en page 5. Dans sa parution du vendredi 9 Octobre, Le Sphynx écrivait : «En effet, après avoir ordonné la démolition de maisons de citoyens maliens, le ministre des Domaines de l’Etat et des Affaires foncières est pris en flagrant délit de vente d’une parcelle du domaine national située sur les berges du fleuve Niger et précédemment réservée à la construction de la Place du Cinquantenaire. En effet, le Ministre Bathily ordonne de céder la parcelle à la société américaine Wipi Group, mettant ainsi fin aux dispositions du décret n° 10-401/P-RM du 03 août 2010 autorisant et déclarant d’utilité publique les travaux de construction de la place du Cinquantenaire, par une simple instruction écrite adressée à Mme la directrice nationale des Domaines et du cadastre ».
On a vu le Ministre Mohamed Aly Bathily très loquace lors de sa conférence de presse de mardi dernier pour confirmer le bien-fondé des mesures qu’il a prises, notamment l’annulation de titres fonciers dans le cercle de Kati et la démolition des constructions de Souleymanebougou. Ce qui justifierait la suspension par l’Etat, du traitement de certaines opérations foncières aux termes de l’Arrêté interministériel n°2015-0205/MDEAF-MATD/SG du 02 mars 2015. Mais le Ministre Mohamed Aly Bathily n’a pipé mot de la cession de la vente de la Place du Cinquantenaire qu’il a ordonné par instruction n°0028/MDEAF/6MATD/SG du 1er septembre 2015, en accordant une dérogation auxdites mesures de suspension de délivrance de titres de propriété foncière pour protéger le domaine foncier comme il aime à le claironner, poursuit le journal. Dans cette instruction adressée à la patronne de la Direction nationale des domaines et du cadastre (Dndc), le Ministre Bathily est très explicite : «Wipi Group Usa Inc.a, par lettre n° Cav/Com/2/06/15 en date du 25 juillet 2015, exprimé une convoitise et une offre d’achat d’une parcelle sise sur les berges du fleuve en face de la Faculté des Lettres, Arts et Sciences Humaines, pour la construction d’un hôtel de luxe cinq étoiles avec un centre commercial ». Une demande passée comme lettre à la poste car le Ministre se contentera de l’accompagner par son avis favorable contenu dans une fiche courrier n°2015/MDEAF/2850 en date du 26 juin 2015, avec «un avis de non objection pour ladite cession» et a «instruit la Dndc de verser au dossier des demandes de dérogation ». C’est en se référant à l’article 5 de cet Arrêté que le Ministre Bathily a accordé une dérogation concernant l’aliénation de cette parcelle convoitée par la société américaine. Et c’est ainsi qu’au lieu d’un espace public appelé la Place du Cinquantenaire, ce site devra donc abriter un hôtel cinq étoiles et un supermarché, indique ne journal.
En plus, peut-on, par une simple instruction écrite, effacer les dispositions du Décret N°10 – 401/P-RM du 03 août 2010 autorisant et déclarant d’utilité publique les travaux de construction de la place du Cinquantenaire ! En la matière seul le Conseil des ministres peut réaffecter un domaine public. Et même là, à conditions que les critères portant sur l’option d’utilité publique ne soient plus objectifs ou soient caducs. Ensuite prendre un décret pour annuler les premières dispositions, puisque les travaux qui y étaient destinés tombaient déjà dans le cadre de l’utilité publique reconnue par l’Etat.
D’ailleurs, selon le Décret N°10 – 401/P-RM du 03 août 2010, notamment en son article 2, les propriétés atteintes par les travaux de construction de la Place du Cinquantenaire font l’objet d’expropriation pour cause d’utilité publique, conformément aux dispositions du Code domanial et foncier. Les indemnités d’expropriation sont supportées par le Budget national, selon l’Article 4 du même décret. « Dans son instruction adressée à Mme la directrice des Domaines et du cadastre et avec ampliation aux gouverneurs des régions et du district de Bamako ainsi qu’aux maires, le Ministre Mouhamed Aly Bathily prétend que la société américaine a exprimé sa convoitise sur cette parcelle par lettre n° CAV//COM/2/06/15 en date du 25 juillet 2015. Mais curieusement, dans la même instruction, le Ministre prétend qu’il a donné son avis favorable par fiche courrier du 26 juin 2015. Retenez bien ces deux dates : 25 juillet 2015 et 26 juin 2015. Ce qu’il fallait démontrer : le Ministre Bathily est le seul à avoir le don de se prononcer sur une demande (une convoitise) qui ne sera exprimée qu’un mois plus tard. Bizarre ! », indique le journal. Ensuite, dans le même document, le Ministre démolisseur de constructions prétend que cette fiche courrier a été transmise le 1er juillet 2015. Donc trois dates mettant en lumière l’opacité dans laquelle sombre ce dossier : 25 juillet 2015 pour la demande des Américains, 26 juin 2015 (un mois auparavant) pour l’avis du Ministre et le 1er juillet pour la transmission de l’avis à Mme la directrice nationale des Domaines et du cadastre !
Selon le chargé de communication du ministre des Domaines de l'Etat et des Affaires Foncières, Sylvestre Kamissoko contacté, « le ministre Bathily n’est lié à aucune opération de cession de la place de l’Indépendance, et un démenti a été diffusé par les radios en langues nationales. Un communiqué de presse sera mis à la disposition de la presse ce jeudi. Le ministre n’a pas qualité pour procéder à de telles opérations qui relève de la compétence des hautes autorités en Conseil des ministres ». Cependant il indique que les hautes autorités ont sollicité des informations sur le lieu qui leur ont été données, et le rôle du ministre s’arrête là, précise Kamissoko. Voilà qui est claire. Si ce n’est pas Bathily, c’est donc un des siens !
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La société américaine Wipi nie avoir acheté la place du cinquantenaire : L’article du bloggeur !
Selon ce reporter du bloggeur malien aux Etats-Unis, posté sur le site de forum de l’intelligentsia malienne, ‘’Malilink’’, Oder, le porte-parole de WIPI Group nia de tout bloc, être associé de près ou de loin à une transaction immobilière au Mali et nous demande plutôt de rechercher l'information auprès des autorités maliennes. Oder, (comme Aboug, le patron de la société) insiste ne rien savoir sur la transaction immobilière de la place du cinquantenaire. Il dit être déjà venu à Bamako, tout en refusant de préciser la date exacte de sa visite. Il prétend n'avoir jamais écrit au ministre Bathily, nie le connaître et se dit surpris que le nom de son entreprise ait été utilisé dans la lettre des ministres Bathily et Maïga. Il admet toutefois connaître des "gens" dans l'appareil gouvernemental mais refuse catégoriquement de donner des noms. Le Républicain met à votre disposition ci-dessous, l’article du bloggeur publié par ‘’Malilink’’ :
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« Dans la 2ème livraison sur cette série, on parlera un peu plus de WIPI Group, l'entreprise américaine bénéficiaire du terrain du cinquantenaire très gracieusement offert par l'État Malien. J'ai pu avoir un peu plus d'info sur WIPI Group et ai pu entrer en contact avec ses représentants. On ne peut être que surpris d'être étonné. Lisez plutôt.
Dans leur lettre adressée à la directrice des domaines et du cadastre, aux gouverneurs et maires, les ministres Mohamed Aly Bathily (Ministre des Domaines de l'État et des Affaires Foncières) et Abdoulaye Idrissa Maiga (Ministre de l'Administration Territoriale et de la Décentralisation) [NDRL: Maiga n'a plus le portefeuille de la décentralisation depuis le remaniement du 24 Septembre 2015] disait en substance ceci:
WIPI Group USA Inc. a exprimé une convoitise et une offre d'achat d'une parcelle sise sur les berges du fleuve en face de la Faculté des Lettres, Arts, et Sciences Humaines, pour la construction d'un hôtel de luxe cinq étoiles avec un centre commercial.
Dans la lettre, il n'y a aucune mention du prix que WIPI voulait payer pour cette parcelle de 3,43 ha. Construire un hôtel de grand standing sans même compter le prix du terrain devrait coûter plusieurs milliards de FCFA. WIPI Group en a-t-elle vraiment les moyens? C'est ce que nous essayons de déterminer ici ainsi que comprendre les motivations des ministres Bathily et Maiga.
WIPI USA, LLC a été créée en Mai 2011, avant de devenir en Octobre 2013 WIPI Group USA, Inc. Son promoteur est Albino Aboug, citoyen américain d'origine Soudanaise. Mr Aboug a enregistré cette SARL dans l'État de South Dakota parce que les lois y sont très favorables aux entrepreneurs -- elles offrent une plus grande protection aux biens personnels du propriétaire quand l'entreprise est incapable de rembourser ses dettes. Enregistrer une SARL en south Dakota peut se faire en ligne pour $150. Aboug ne vit pas en South Dakota; nous n'avons pas été capable de déterminer si il y avait même séjourné.
La première adresse déclarée de l'entreprise est un entrepôt; en Septembre 2012 l'entreprise change son siège social pour une adresse qui n'est autre qu'un appartement dans une zone résidentielle. L'entreprise a enregistré 3 fiches d'impôts (2012, 2014 et 2015) avec les autorités mais ne montre aucun signe d'activité commerciale. La fiche d'identification de WIPI Group se trouve ci-dessous (en anglais).
Company Number: DB058642
Incorporation Date: 12 May 2011
Company Type: Domestic Business
Stock Info: 100 common shares
Jurisdiction: South Dakota (US)
Agent Name: ALBINO M ABOUG
Agent Address: 27051 S GAYLE AVENUE, TEA, 57064
Directors / Officers:
ALBINO ABOUG, manager
ALBINO M ABOUG, agent
Les sites Internet de l'entreprise ne fonctionnent plus; un numéro de téléphone domicilié à Washington DC ne fonctionne pas non-plus. Aboug a vécu dans la région de Washington mais n'y est plus. Nous avons retrouvé sa trace au Kenya et obtenu un numéro de téléphone, que nous avons, bien sûr, appelé. Aboug a décroché et était très mal à l'aise; il a confirmé être le propriétaire de WIPI Group mais ne voulait pas en dire plus. Il était plutôt intéressé par qui l'appelait et comment nous avions obtenu son numéro. Il nia de tout bloc être associé de près ou de loin à une transaction immobilière au Mali et nous demande plutôt de rechercher l'information auprès des autorités maliennes.
Un peu plus tard, nous recevons un appel venant d'Afrique du Sud; l'homme au bout de la ligne se présente sous le nom de James Oder, membre du Panafrican Youth Union (PYU) et veut savoir la raison de nos enquêtes auprès de l'ambassadeur Aboug. [NDRL: Aboug est représentant du Sud Soudan au sein du PYU, qui est un démembrement des jeunes de l'Union Africaine, d'où le titre "ambassadeur". Le Mali en avait le poste de secrétariat général de 2011 à 2014]. Oder dit être également un représentant légal de WIPI Group.
Oder, comme Aboug, insiste ne rien savoir sur la transaction immobilière de la place du cinquantenaire. Il dit être déjà venu à Bamako, tout en refusant de préciser la date exacte de sa visite. Il prétend n'avoir jamais écrit au ministre Bathily, nie le connaître et se dit surpris que le nom de son entreprise ait été utilisé dans la lettre des ministres Bathily et Maiga. Il admet toutefois connaître des "gens" dans l'appareil gouvernemental mais refuse catégoriquement de donner des noms. Voilà comment cette partie de notre conversation téléphonique s'est tenue:
Question: Et vous pouvez m'assurer que vous n'êtes pas mêlé de près ou de loin dans cette transaction de terrain?
Réponse: C'est la première fois que j'apprends que nous avons un terrain à Bamako.
Question: Vous dites donc que vous James Oder, représentant légal de Wipi Group USA Inc, affirme ne pas être au courant de cette transaction?
Réponse: "Oui, absolument; c'est seulement suite à notre conversation que je viens d'apprendre qu'une telle transaction a eu lieu. Et que nous sommes les heureux bénéficiaires d'un terrain au centre-ville de Bamako."
Question: Voulez-vous dire que deux ministres du gouvernement Malien ont signé un document avec le nom de votre entreprise et que vous n'avez absolument rien à voir dedans?
Réponse: "Oui c'est bien ce que je dis."
Question: Voulez-vous insinuer que le nom de votre entreprise a été utilisé de façon frauduleuse?
Réponse: "Je pense que oui, puisque nous n'avons jamais demandé une telle transaction et que nous n'avons jamais été informé de cette lettre d'attribution. Généralement, avant de nous engager dans un pays nous créons une entité locale, et nous n'en avons pas au Mali."
D'après Oder, WIPI Group est toujours à l'affût de bons investissements; son domaine principal d'activité serait la construction même si Oder pas en mesure de me dire ce que l'entreprise a construit depuis sa création. Il explique l'absence d'activités commerciales sur la fiche d'impôts du fait que WIPI effectue toutes ses opérations à travers des filiales locales.
Oder -- tout comme Aboug -- insiste ne pas être au courant de la lettre des ministres Bathily et Maiga; certaines de ses réponses étaient très évasives surtout quand il s'agissait de comprendre comment (et par qui) WIPI Group était arrivé à s'intéresser au Mali.
Tout cela laisse un peu perplexe; mais en allant au delà de ces information, les ministres Bathily et Maiga font entorse à la règle établie par l’arrêté interministériel N°2015-0205/MDEAF-MATD/SG du 2 mars 2015 qui suspend toute attribution de terrains du domaine immobilier de l’Etat et des collectivités territoriales -- cet arrêté est l'œuvre de Bathily lui-même. En fait il interdit aux maires, gouverneurs et préfets de céder le patrimoine de l'État, tout en s'arrogeant ce droit. L'arrêté prévoit une dérogation à la loi; et cette dérogation est livrée par...Bathily et Maiga. S'agit-il ici d'une justice à géométrie variable? C'est cela aussi le Mali d'IBK.
Qui croire dans cette affaire? Il y a une chose qui est certaine: WIPI Group USA n'a pas les moyens d'investir au Mali. L'entreprise ne semble être qu'un véhicule pour d'autres fins. Les ministres Bathily et Maiga pourront nous dire par quel canal ils ont reçu la demande de WIPI Group; ce serait un bon départ pour tirer le vrai de la fraude ».
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A. Karim Sylla
Malilink Discussion Forum