Incroyable mais vrai, l’âne se cache en nocturne sous la moustiquaire au Mali. Mais le pays peut compter sur la vigilance jamais prise à défaut de certains citoyens comme A. Karim Sylla. Il vient de mettre en exergue le tripatouillage machiavélique qui entoure WIPI Group, l’entreprise américaine bénéficiaire du terrain du cinquantenaire très gracieusement offert par l’État Malien. Sacre Karim!!!! Nous sommes sûr que le Président IBK sera ravi d’échanger avec toi, pour les besoins de la cause. Et l’on va découvrir l’âne sous la moustiquaire, nuitamment. Nous vous proposons donc l’histoire de cette vente frauduleuse, à en croire les investigations de Karim auprès de WIPI Group qui dit ne pas avoir exprimé une convoitise et une offre d’achat d’une parcelle sise sur les berges du fleuve en face de la Faculté des Lettres, Arts, et Sciences Humaines, pour la construction d’un hôtel de luxe cinq étoiles avec un centre commercial.
Et pourtant, l’entreprise américain WIPI Group est bénéficiaire du terrain du cinquantenaire très gracieusement offert par l’État Malien. Lisez plutôt les révélations de Karim Sylla !
« J’ai pu avoir un peu plus d’info sur WIPI Group et ai pu entrer en contact avec ses représentants. On ne peut être que surpris d’être étonné. Lisez plutôt.
Dans leur lettre adressée à la directrice des domaines et du cadastre, aux gouverneurs et maires, les ministres Mohamed Aly Bathily (Ministre des Domaines de l’État et des Affaires Foncières) et Abdoulaye Idrissa Maiga (Ministre de l’Administration Territoriale et de la Décentralisation) [NDRL: Maiga n’a plus le portefeuille de la décentralisation depuis le remaniement du 24 Septembre 2015] disait en substance ceci :
WIPI Group USA Inc. a exprimé une convoitise et une offre d’achat d’une parcelle sise sur les berges du fleuve en face de la Faculté des Lettres, Arts, et Sciences Humaines, pour la construction d’un hôtel de luxe cinq étoiles avec un centre commercial.
Dans la lettre, il n’y a aucune mention du prix que WIPI voulait payer pour cette parcelle de 3,43 ha. Construire un hôtel de grand standing sans même compter le prix du terrain devrait coûter plusieurs milliards de FCFA. WIPI Group en a-t-elle vraiment les moyens? C’est ce que nous essayons de déterminer ici ainsi que comprendre les motivations des ministres Bathily et Maiga.
WIPI USA, LLC a été créée en Mai 2011, avant de devenir en Octobre 2013 WIPI Group USA, Inc. Son promoteur est Albino Aboug, citoyen américain d’origine Soudanaise. Mr Aboug a enregistré cette SARL dans l’État de South Dakota parce que les lois y sont très favorables aux entrepreneurs — elles offrent une plus grande protection aux biens personnels du propriétaire quand l’entreprise est incapable de rembourser ses dettes. Enregistrer une SARL en south Dakota peut se faire en ligne pour $150. Aboug ne vit pas en South Dakota; nous n’avons pas été capable de déterminer si il y avait même séjourné.
La première adresse déclarée de l’entreprise est un entrepôt; en Septembre 2012 l’entreprise change son siège social pour une adresse qui n’est autre qu’un appartement dans une zone résidentielle. L’entreprise a enregistré 3 fiches d’impôts (2012, 2014 et 2015) avec les autorités mais ne montre aucun signe d’activité commerciale. La fiche d’identification de WIPI Group se trouve ci-dessous (en anglais).
Company Number: DB058642
Incorporation Date: 12 May 2011
Company Type: Domestic Business
Stock Info: 100 common shares
Jurisdiction: South Dakota (US)
Agent Name: ALBINO M ABOUG
Agent Address: 27051 S GAYLE AVENUE, TEA, 57064
Directors / Officers:
ALBINO ABOUG, manager
ALBINO M ABOUG, agent
Les sites Internet de l’entreprise ne fonctionnent plus; un numéro de téléphone domicilié à Washington DC ne fonctionne pas non-plus. Aboug a vécu dans la région de Washington mais n’y est plus. Nous avons retrouvé sa trace au Kenya et obtenu un numéro de téléphone, que nous avons, bien sûr, appelé. Aboug a décroché et était très mal à l’aise; il a confirmé être le propriétaire de WIPI Group mais ne voulait pas en dire plus. Il était plutôt intéressé par qui l’appelait et comment nous avions obtenu son numéro. Il nia de tout bloc être associé de près ou de loin à une transaction immobilière au Mali et nous demande plutôt de rechercher l’information auprès des autorités maliennes.
Un peu plus tard, nous recevons un appel venant d’Afrique du Sud; l’homme au bout de la ligne se présente sous le nom de James Oder, membre du Panafrican Youth Union (PYU) et veut savoir la raison de nos enquêtes auprès de l’ambassadeur Aboug. [NDRL: Aboug est représentant du Sud Soudan au sein du PYU, qui est un démembrement des jeunes de l’Union Africaine, d’où le titre “ambassadeur”. Le Mali en avait le poste de secrétariat général de 2011 à 2014]. Oder dit être également un représentant légal de WIPI Group.
Oder, comme Aboug, insiste ne rien savoir sur la transaction immobilière de la place du cinquantenaire. Il dit être déjà venu à Bamako, tout en refusant de préciser la date exacte de sa visite. Il prétend n’avoir jamais écrit au ministre Bathily, nie le connaître et se dit surpris que le nom de son entreprise ait été utilisé dans la lettre des ministres Bathily et Maiga. Il admet toutefois connaître des “gens” dans l’appareil gouvernemental mais refuse catégoriquement de donner des noms. Voilà comment cette partie de notre conversation téléphonique s’est tenue:
Question : Et vous pouvez m’assurer que vous n’êtes pas mêlé de près ou de loin dans cette transaction de terrain?
Réponse : C’est la première fois que j’apprends que nous avons un terrain à Bamako.
Question : Vous dites donc que vous James Oder, représentant légal de Wipi Group USA Inc, affirme ne pas être au courant de cette transaction?
Réponse : Oui, absolument; c’est seulement suite à notre conversation que je viens d’apprendre qu’une telle transaction a eu lieu. Et que nous sommes les heureux bénéficiaires d’un terrain au centre-ville de Bamako.
Question : Voulez-vous dire que deux ministres du gouvernement Malien ont signé un document avec le nom de votre entreprise et que vous n’avez absolument rien à voir dedans?
Réponse : Oui c’est bien ce que je dis.
Question : Voulez-vous insinuer que le nom de votre entreprise a été utilisé de façon frauduleuse?
Réponse : Je pense que oui, puisque nous n’avons jamais demandé une telle transaction et que nous n’avons jamais été informé de cette lettre d’attribution. Généralement, avant de nous engager dans un pays nous créons une entité locale, et nous n’en avons pas au Mali.
D’après Oder, WIPI Group est toujours à l’affût de bons investissements; son domaine principal d’activité serait la construction même si Oder n’est pas en mesure de me dire ce que l’entreprise a construit depuis sa création. Il explique l’absence d’activités commerciales sur la fiche d’impôts du fait que WIPI effectue toutes ses opérations à travers des filiales locales.
Oder — tout comme Aboug — insiste ne pas être au courant de la lettre des ministres Bathily et Maiga; certaines de ses réponses étaient très évasives surtout quand il s’agissait de comprendre comment (et par qui) WIPI Group était arrivé à s’intéresser au Mali.
Tout cela laisse un peu perplexe; mais en allant au delà de ces information, les ministres Bathily et Maiga font entorse à la règle établie par l’arrêté interministériel N°2015-0205/MDEAF-MATD/SG du 2 mars 2015 qui suspend toute attribution de terrains du domaine immobilier de l’Etat et des collectivités territoriales — cet arrêté est l’oeuvre de Bathily lui-même. En fait il interdit aux maires, gouverneurs et préfets de céder le patrimoine de l’État, tout en s’arrogeant ce droit. L’arrêté prévoit une dérogation à la loi; et cette dérogation est livrée par… Bathily et Maiga. S’agit-il ici d’une justice à géométrie variable? C’est cela aussi le Mali d’IBK.
Qui croire dans cette affaire ? Il y a une chose qui est certaine: WIPI Group USA n’a pas les moyens d’investir au Mali. L’entreprise ne semble être qu’un véhicule pour d’autres fins. Les ministres Bathily et Maiga pourront nous dire par quel canal ils ont reçu la demande de WIPI Group; ce serait un bon départ pour tirer le vrai de la fraude.
A. Karim Sylla »
Voilà donc un autre scandale sur lequel Ibk doit faire toute la lumière. Et s’il continue avec l’impunité de ses ministres, gageons qu’il partira pour le mandat de tous les scandales.
Affaire à suivre !
Mamadou DABO