Le président guinéen sortant Alpha Condé a obtenu la majorité absolue au premier tour de la présidentielle, une réélection contestée d'avance par l'opposition qui crie à la fraude et annonce son intention de manifester "le moment venu".
Le calme régnait samedi en Guinée, où les violences sont fréquentes lors de la proclamation des résultats électoraux.
Dans la soirée la Commission électorale nationale indépendante (Céni) a proclamé Alpha Condé vainqueur dès le premier tour avec 57,85% des suffrages exprimés, totalisant 2 285 827 voix.
Le chef de l'opposition Cellou Dalein Diallo a obtenu 31,44% des suffrages (1 242 362 voix), selon le président de la commission électorale, Bakary Fofana s'exprimant au siège de l'Assemblée nationale devant des ministres, diplomates, observateurs électoraux et journalistes.
Le taux de participation s'est élevé, selon lui, à 68,38%.
Dénonçant une fois de plus une "mascarade", M. Diallo a annoncé renoncer à saisir la Cour constitutionnelle, institution dont il conteste l'indépendance mais à laquelle il revient de proclamer les résultats définitifs de cette élection.
Il a toutefois précisé qu'il appellerait, "le moment venu, les autres candidats et tous les citoyens qui sont les vraies victimes de ce hold-up électoral à organiser, conformément à la loi, des manifestations pacifiques".
"En attendant, je demande à tous les Guinéens de faire preuve de retenue et d'éviter toute forme de violence", a-t-il conclu.
Les Guinéens ont voté dans le calme le 11 octobre, mais sous tension, la campagne de M. Condé visant une réélection au premier tour, sous le slogan "un coup KO". Selon ses adversaires c'était irréalisable sans fraude caractérisée, cinq ans après sa victoire sur le fil au second tour sur Cellou Dalein Diallo.
Le président Condé tablait pour l'emporter sur son bilan : réforme de l'armée et de la justice, achèvement du barrage hydroélectrique de Kaléta, transparence sur l'attribution aux sociétés minières des contrats d'exploitation des précieuses ressources du pays (bauxite, minerai de fer...).
Ses détracteurs l'accusent de mauvaise gestion, lui reprochant notamment son échec face à l'épidémie d'Ebola depuis décembre 2013 - deux nouveaux cas ont été signalés cette semaine, alors que les pays voisins n'en comptent plus aucun - d'autoritarisme et d'attiser les tensions ethniques.
"Risque d'instabilité"
"Le "coup KO" est devenu une réalité. Cela ne doit surprendre personne. La vérité est que les Guinéens sont reconnaissants", se félicitait Mory Bakayoko, un informaticien de Conakry.
En revanche, Marie Bah, la trentaine, favorable à l'opposition, s'est dite "malade" de cette "comédie électorale", redoutant "que le pays se décrédibilise davantage parce qu'aucun investisseur sérieux ne viendra ici".
La communauté internationale et les organisations de défense des droits de l'homme ont exhorté les candidats à régler leurs litiges en justice et non dans la rue.
Mais cette voie est peu prometteuse pour l'opposition d'autant que les recours judiciaires en matière électorale n'ont jamais abouti, rappelle Vincent Foucher, spécialiste de la Guinée à l'International Crisis Group (ICG).
"L'opposition peut manifester, mais c'est prendre le risque de susciter des violences", souligne-t-il ajoutant : "Les acteurs internationaux, qui veulent la stabilité par-dessus tout, ont laissé entendre qu'ils tiendraient l'opposition pour responsable de dérapages éventuels".
Le porte-parole du candidat Alpha Condé, Albert Damantang Camara, a déploré l'appel de M. Diallo à manifester. "En Guinée, il n'y a jamais eu de manifestations pacifiques. Donc, continuer à demander aux gens de descendre dans la rue, c'est prendre le risque de faire sombrer le pays dans une situation d’instabilité, de chaos et de violences et ce n’est pas républicain", a-t-il déclaré à l'AFP.
"Nous, nous continuons d’appeler nos militants au calme et à la retenue, à éviter tout triomphalisme et à s’apprêter à affronter les nombreux défis qui nous attendent", a-t-il ajouté.
L'opposition a incriminé la participation record enregistrée dans les bastions électoraux de M. Condé, favorisée selon elle par des décisions de la Céni assouplissant les règles de vote en plein scrutin, ainsi que des inégalités géographiques dans la distribution des cartes d'électeur.
La présidentielle de 2010 et les législatives de 2013 avaient été entachés par des violences et accusations de fraude.
Ancien opposant, Alpha Condé est le premier président démocratiquement élu de cette ex-colonie française d'Afrique de l'Ouest, dirigée jusqu'alors par des pouvoirs autoritaires ou dictatoriaux.