La Coordination des Mouvements de l’Azawad et la Plateforme des mouvements républicains du 14 juin 2014, ont décidé de sceller la paix, après de violents combats à Anefis, en septembre dernier. Cette paix se concrétise par la signature d’un communiqué conjoint le 14 octobre 2015 à Anefis. Devons-nous être pessimistes ou croire « aveuglement » à cette annonce qui peut valablement changer la donne en mettant fin à la crise sécuritaire qui sévit depuis janvier 2012 dans le septentrion malien ? La paix des braves ( ?) annoncée suscite beaucoup d’espoir chez nos compatriotes. Qui se voient submerger au même moment par la multitude des interrogations.
Dans ce communiqué conjoint, signé par Alghabas Ag Intalla (CMA) et Abidine Ould Mohamed (Plateforme), les deux parties s’engagent à « aplanir les difficultés qui les opposent ». C’est l’une des premières interrogations. Car beaucoup de choses semblent opposer les branches militaires et politiques à la fois de la CMA et de la Plateforme. Ces deux mouvements n’ont ni la même vision, encore moins les mêmes objectifs.
Tout le monde sait, y compris la France et l’Algérie, que la Coordination des Mouvements de l’Azawad n’a jamais caché son ambition de diviser le Mali et de proclamer sa « République » éphémère de l’Azawad. Elle a certes échoué dans son énième tentative de remise en cause du Mali, mais cela est-elle une raison valable pour oublier (où d’y faire semblant) les ambitions démesurées de ce mouvement composé, entre autres, des radicaux du Mnla et d’Ançardine d’Iyad Agaly. La CMA est dans un schéma que des ennemis de notre pays ont concocté pour elle. Elle est l’exécutrice de ce complot ourdi contre le peuple malien. Pour la CMA, elle a tout simplement perdu la bataille et rien ne l’empêcherait d’espérer gagner la guerre. Cette paix avec la plateforme pourrait être une de ses stratégies pour conquérir une partie des communautés du nord qui lui ont carrément tourné le dos. Aussi, sa défaite, en septembre, contre les combattants de la Plateforme l’aurait probablement poussé à revoir son plan de conquête des régions du nord.
Quant à la Plateforme, elle est dans une dynamique républicaine d’où l’appellation : mouvement progouvernemental. Le Mali est au centre de sa lutte armée. Et rien ne doit empiéter sur cette réalité. Sauf qu’un adage dit : « qui s’assemble, se ressemble ». N’est-ce pas là une menace pour la République ? Si ceux qui défendent le Mali, se mettent avec ses ennemis, il y a de quoi avoir peur.
Le revirement de la CMA ?
Mais le communiqué conjoint tente de rassurer : « décidées à faciliter au maximum la mise en œuvre de l’accord pour la paix et la réconciliation au Mali signé le 15 mai 2015 et parachevé le 20 juin 2015 à Bamako, la CMA et la Plateforme, après plusieurs débats emprunts de franchise et d’engagement, ont pris les décisions et engagements suivants: Réaffirmation de la cessation des hostilités ;libération des personnes détenues du fait du conflit entre les deux parties ; mise en place d’une commission conjointe chargée d’identifier et de régler tous les conflits intercommunautaires qui grèvent la paix dans le pays ; libre circulation des personnes et de leurs biens ; mise en place d’une Commission conjointe chargée de la restitution des travaux et de la sensibilisation dans toutes les Régions…».
La déclaration va d’ailleurs plus loin en mettant aussi l’accent sur la nécessaire cohabitation des communautés du nord. Car la CMA le sait, elle n’atteindra jamais son but au milieu des conflits identitaires, ethniques où communautaires. Désormais, les communautés du nord vont pouvoir vaquer à leurs occupations. Le communiqué conjoint l’a souligné en son point 4 : « libre circulation des personnes et de leurs biens ».
Autres interrogations de l’accord de paix entre la CMA et la Plateforme : les Maliens se demandent combien de temps va durer cette paix des braves ? La CMA nous a habitués à des revirements spectaculaires. C’est de bon droit que nos compatriotes font une appréciation mitigée de cet accord. La preuve : le gouvernement du Mali a signé plusieurs accords avec les mêmes acteurs (de la CMA), en 1992, en 2006 et 2012. Quel que soit le nom que porte le mouvement, les acteurs demeurent les mêmes. Qui peut donner sa « main à couper », que cet accord entre frères ennemis, pourra faciliter ou permettre la mise en œuvre de l’accord de paix d’Alger ? A moins que vous soyez Touré, Keïta ou Coulibaly, aucun malien ne pourra donner cette assurance.
Aussi, d’autres Maliens ne s’expliquent pas le revirement de la CMA. Est-ce le couronnement des efforts de la diplomatie malienne ou les conséquences de l’affaiblissement du mouvement ? Beaucoup de nos compatriotes penchent plutôt pour la seconde hypothèse. Parce que les rebelles ont perdu suffisamment de poids sur le terrain. La défaite d’Anefis en est une illustration parfaite, sans compter les braquages et autres vols de véhicules sur les axes routiers du nord.
Enfin, les membres de la CMA n’ont pas l’habitude de prendre des initiatives de paix. Si elles le font aujourd’hui, il faut craindre que ce ne soit pas une autre manipulation ( ?) des ennemis tapis dans l’ombre dont la CMA a été toujours à la solde.
Si ces questionnements sont aplanis, il y a de quoi espérer un lendemain meilleur pour les populations et les régions du nord. Qui ont été durement touchées par la crise sécuritaire.
Idrissa Maïga