Si le document s’avère bien fourni, détaillé et très précis, il pèche cependant en des points et non des moindres susceptibles de remettre en cause la bonne foi et l’impartialité de ses auteurs. Le rapport en question nous apprend «qu’au’ moins, 26 militaires des FAMA ont été tués lors des combats et 47 capturés et détenus». Et que seulement, quatre combattants du MNLA, du MAA et du HCUA ont été tués. Inutile de s’attarder sur ce décombre macabre.
Aux dires du document Onusien, les FAMA ont été submergés par le nombre des insurgés (MNLA, MAA et HCUA) qui tenaient leur congrès au même moment dans la ville de Kidal où le premier Ministre malien se trouvait en visite.
Il existe une autre version des faits: les insurgés ont plutôt reçu un important renfort des mouvements jihadistes, parmi lesquels, d’anciens militaires français. Certains ont d’ailleurs été faits prisonniers par l’opération Barkhane sur d’autres théâtres d’opération. Aussi, des balles retrouvées dans le corps de nombreuses victimes parmi les FAMA, sont censées tirées par des fusils de prévision de fabrication française et utilisés par des professionnels (snipers).
Les jihadistes ! C’est le mot que le rapport s’échine justement à éviter pour désigner les combattants séparatistes lesquels, on le sait, agissent en, parfaite symbiose avec MNLA et alliés. Les auteurs préfèrent pudiquement l’expression «attaques asymétriques» pour désigner les opérations jihadistes et «combat» quand il s’agit des séparatistes. Tous étaient pourtant présents à Kidal le jour fatidique. L’atteste, ce passage du document : «Un témoin a raconté que lorsque les éléments des groupes armés se sont introduits dans le bâtiment, ils «tiraient de partout» en scandant «Azawad Allah Akbar».
Le cri de guerre est très évocateur. C’est tout comme si les hommes d’Amadou Koufa scandaient «Macina… Allah Akbar» au moment de l’offensive. L’amalgame n’est guère permis. Il s’agissait bien à la fois, de jihadistes et de séparatistes dans un même et unique combat.
Et le même rapport relève dans son point 93 que le MNLA ayant pourtant en charge l’administration de Kidal, n’a jamais fait preuve d’engagement dans la lutte contre les groupes terroristes. Lisez plutôt :
« (…) Face à cette menace, la réaction des groupes armés en charge de Kidal a plutôt été timide: Le MNLA a certes mis en place une cellule anti-terroriste qui mène des patrouilles, principalement dans les communes d'Aguelhok et Abeibara pour traquer des personnes suspectées de mener le Djihad, mais il n'a pas été capable d'éradiquer cette présence» (point 93).
Le document nous informe en outre que la ville sous contrôle des indépendantistes a été infiltrée par des éléments jihadistes. Ceux-ci (les jihadistes) avaient donc la possibilité de perpétrer des attaques sur place. Mais non, ils ont préféré s’en prendre à d’autres cibles à l’extérieur de la cité. Ainsi, «(…) Entre juin 2014 et août 2015, pas moins de 55 attaques asymétriques ont été dénombrées dans la région Kidal [pas la ville ndlr].
Ces attaques ont consisté en des tirs de mortiers et de roquettes, mines et autres engin. Elles ont tué 26 personnes dont huit civils maliens, 13 soldats des troupes des nations Unies, un élément de la force BARKHANE et quatre éléments du MNLA». Une précision s’impose à propos des présumées victimes du MNLA : il s’agit d’attentats et de tirs à l’aveuglette ne visant pas spécifiquement une cible préalablement identifiée. En clair, ceux du MNLA n’ont spécifiquement pas été pris pour cibles. Dans le jargon militaire, on parle de «dégâts collatéraux» ou de dommages involontaires.
C’est surtout le point 96 du document qui remet véritablement en cause l’honnêteté intellectuelle de ses rédacteurs. Le voici : «L'une des conséquences de contrôle par les groupes armés, en particulier dans la région de Gao, a été la fuite du personnel administratif et les forces armées gouvernementales. Cette situation a engendré un vide administratif et a permis de renforcer le pouvoir politique et administratif des groupes armés, dont certains étaient présents dans plusieurs localités des régions de Kidal, Gao et Tombouctou depuis 2012. Ces mouvements armés y avaient déjà établi des «tribunaux», des «prisons», une «police» et posaient des actes administratifs».
Le diable est dans le détail dit-on. Il est bien là, le diable. Et pour cause. En 2012, ce sont bien les groupes jihadistes (MUJAO, ANSAR-DINE, AL QAIDA, entre autres) qui ont occupé les régions citées, crée des « «tribunaux», des «prisons», une «police» et posaient des actes administratifs». Et c’est bien le MNLA qui a amené ces groupes d’obédience islamiste sur place et a même tenté d’obtenir une fusion avec eux. Et ils sont considérés, dans cette partie du rapport, non comme des groupes terroristes, mais sont plutôt, assimilés à des «groupes armés». Décidemment, les locutions évoluent selon !
La chasse aux Imghad
«Lorsque la ville d'Aguelhok est passée sous le contrôle du MNLA le 21 mai 2014 de nombreuses personnes se sont enfuies vers des communes environnantes telles que Doussakat, Telabit, Taghlit, lmzet' Inakafel et Inamzil, de peur de représailles en raison de leur appartenance à la communauté touareg Imghad perçue comme pro- gouvernementale».
C’est le rapport de la MINUSMA qui le dit. Mais ce qu’il ne précise pas, c’est qu’il y a effectivement eu une chasse aux sorcières contre les membres de la Communauté touareg Imghad avec la bénédiction de l’Ifoghas Iyad Ag Aly, fondateur du HCUA et affilié à la famille Attaher de Kidal. Ce qui explique justement la chasse aux sorcières, le déplacement massif des populations et surtout, la décision du Général El Hadj Gamou de créer le GATIA en vue de venir au secours des siens à Menaka, Anéfis, Intillit, voire Kidal.
La laïcité en question à Kidal
Evoquant les conséquences de l’occupation sur le droit à l'éducation, le document souligne : «au début du conflit en 2012, toutes les écoles ont été fermées dans la région de Kidal. Toutefois, à la faveur du retour partiel de l'administration en juillet 2013, certaines écoles dans les villes de Tessalit, Aguelhok et Anéfis ont été rouvertes. Depuis lors, les populations locales soutenaient la réouverture de plus d'écoles dans la ville de Kidal. Mais le Gouverneur et la société civile de Kidal n'ayant pas pu s'accorder sur les matières à enseigner, toutes les écoles de la ville de Kidal sont restées fermées».
Vous en souvenez-vous ? La divergence portait sur l’enseignement coranique exigé par les occupants jihadistes, dont Iyad Ag Aly (Ansar-dine) en lieu et place de celui laïc. La question divise toujours. Et les écoles kidaloises ne sont pas encore ouvertes nonobstant la promesse du ministre malien en charge de l’éducation.
Les exactions les plus graves commises par les groupes armés
Aux dires du rapport, en son point 104, « au lendemain des évènements de Kidal, les groupes armés ont déclaré leur intention d’ouvrir une enquête sur les violations et abus des droits de l'homme commis les 16, 17 et 21 mai 2014 dans la ville de Kidal, mais aucune initiative dans ce sens ne semble avoir vu le jour».
Il ne peut en être autrement. Et pour cause. Les plus graves exactions ont été commises par les éléments du MNLA et alliés lors de la chute de Kidal.
Est reproché aux FAMA, l’usage d’armes lourdes en direction des habitations civiles ayant provoqué des dégâts matériels, plus ou moins importants, selon le même rapport. En définitif, ce sont bien les groupes séparatistes qui sont épinglés, en tout cas, par rapport aux événements de Kidal des 16, 17 et 21 mai 2014 (lire document).
B.S. Diarra