(Paris) - Au cours des XVe et XVIe siècles, Tombouctou fut une cité florissante qui attirait les lettrés : enseignants et étudiants étaient alors protégés par l`empereur du royaume des Songhaï. On y venait d`Egypte, d`Andalousie, du Maroc ou de l`empire du Ghana pour enseigner, apprendre et travailler dans les métiers du livre : copistes, libraires, répétiteurs, relieurs, traducteurs, enlumineurs...
Dans la ville dite des 333 saints, on comptait au XVe siècle plus de 25 000 étudiants travaillant les savoirs politiques, juridiques, médicaux, astronomiques, mathématiques, grammaticaux... sur des parchemins, sur des papiers d`Orient, sur des peaux de mouton...
A la fin de l`empire songhaï, vers 1600, ces manuscrits sont peu à peu oubliés, conservés dans de grandes malles et cantines, transmises de génération en génération par de grandes familles. Au fil du temps, mangés par le sel et le sable, les précieux manuscrits s`abîment et certains disparaissent à jamais.
Depuis quelques dizaines d`années, les choses changent : le Centre de documentation et de recherches Ahmed-Baba est créé en 1973 puis devient l`Institut des hautes études et de recherches islamiques Ahmed-Baba. En 2009, sous l`impulsion de l`ex-président sud-africain Thabo Mbeki, l`Institut se dote d`un nouvel édifice, regroupant quelque 16 000 manuscrits collectés entre 1984 et 2002. Plusieurs héritiers de grandes familles ouvrent des bibliothèques privées et l`Unesco s`intéresse à ce trésor presque oublié.
Dans Les manuscrits de Tombouctou, paru en octobre 2012 chez JC Lattès, Jean-Michel Djian s`attache à nous conter cette grande histoire de l`écrit. Riche d`une remarquable iconographie, l`ouvrage apporte bien la preuve, contre bon nombre d`idées reçues, d`une authentique tradition écrite : pas moins de 30 000 manuscrits datant du XIIIe jusqu`au XVIIe siècle sont arrivés jusqu`à nous.
A noter une préface de J.M.G. Le Clézio (écrivain), des contributions de Georges Bohas (professeur d`arabe à l`ENS Lyon et initiateur du programme Vecmas [Valorisation et édition critique des manuscrits arabes subsahariens]), de Cheikh Hamidou Kane (écrivain), de Doulaye Konaté (chef du département histoire et géographie à l`Ecole normale supérieure de Bamako et à l`Université du Mali), et de Mahmoud Zouber (historien, premier directeur du Centre Ahmed-Baba de Tombouctou), ainsi qu`une postface de Souleymane Bachir Diagne (philosophe).
« Aujourd`hui, la situation douloureuse dans laquelle se trouve plongée cette région, les risques de destruction des manuscrits de Tombouctou, rendent urgente la reconnaissance et la protection de ce patrimoine universel. Le merveilleux livre de Jean-Michel Djian nous invite à considérer avec humilité nos anciennes erreurs de jugement, et à souhaiter que se continue l`indispensable entreprise de sauvetage des bibliothèques africaines », souligne J.M.G. Le Clézio.