Cette semaine, l’OCDE accueille une conférence coorganisée avec le gouvernement malien, pour aider le pays à faire face aux enjeux politiques et trouver des solutions en matière de développement. La situation de fragilité perdurera et se propagera aux pays voisins si la sécurité au Mali n’est pas renforcée.
Pourquoi s'intéresser au Mali ?
Nombreux sont les pays qui sortent d’un conflit. Pourquoi alors s’intéresser au Mali ? Il y a à peine six mois que le Mali, avec le concours de l’Algérie et d’autres partenaires internationaux, a signé un accord de paix. Mais, nous le savons, ce type d’accord ne garantit jamais une stabilité sur le long terme.
Le Mali a longtemps été présenté comme un exemple pour d’autres pays africains, pour sa démocratie, son développement et son avenir prometteur. Moi-même, en tant que ministre du Développement de la Norvège, j’ai souvent considéré le Mali comme un modèle de réussite. Lorsque je me suis rendu pour la première fois à Tombouctou, j’ai été surpris par la beauté de sa culture, par la détermination de sa population et par l’histoire que nous raconte cette ville. C’est ici qu’a vécu, au XIVe siècle, l’homme réputé le plus riche de tous les temps. Mansa Musa, ayant amassé une immense fortune grâce à la production d’or, se rendit en Égypte pour y montrer sa munificence. Le Mali, autrefois véritable centre du commerce pour tout le désert du Sahara, possède une histoire culturelle unique, vivante et bien visible.
Mais en 2012, le pays se fige. Des terroristes prennent le contrôle de larges pans du territoire et ne sont stoppés par les troupes françaises et africaines qu’aux portes de la capitale Bamako. Ce pays considéré comme le pilier du développement et de la démocratie en Afrique implose en l’espace de quelques semaines. Il y a eu beaucoup d’avancées depuis. La sécurité est désormais assurée par des forces de maintien de la paix des Nations Unies. Le Président Ibrahim Keïta est arrivé au pouvoir à l’issue d’élections libres, et un gouvernement est en place. Mais la plupart des Maliens sont dans une pauvreté effroyable et les besoins en matière de développement sont immenses. Et tout est lié : pas de développement sans sécurité. Pas de sécurité sans développement.
Plus de 15 millions de personnes vivent au Mali. Dans ce pays grand comme deux fois la France, la majeure partie de la population est concentrée dans le sud du territoire. Beaucoup de ceux qui vivent dans le nord du pays pensent que le gouvernement consacre tout son budget aux régions du sud et oublie le nord. J’ai rencontré les représentants des plus grands groupes de rebelles la semaine dernière à Bamako ; ils m’ont expliqué que ce décalage est leur principale préoccupation ; ils se sentent marginalisés, et ne constatent aucun progrès.
Une telle défiance vis-à-vis de l’État fait le lit de la violence ; et certains, poussés par leur mécontentement, se tournent vers les groupes rebelles. Certains de ces groupes sont autochtones, d’autres relèvent de la mouvance islamiste internationale, d’autres encore se composent de trafiquants en tous genres. La longueur extrême des frontières de la région du Sahel les rend impossibles à surveiller. Dans cette configuration, il existe de multiples possibilités pour qu’une situation d’insécurité au Mali se propage aux pays voisins. Des personnes ont été prises en otage et toutes n’ont pas survécu. La criminalité transnationale organisée se développera dans les sociétés où la sécurité n’est pas assurée.
La situation de fragilité perdurera si la sécurité au Mali n’est pas renforcée et si le peuple malien n’a pas accès à l’emploi, à l’éducation, à l’espoir et au progrès. C’est pourquoi, lorsque les autorités maliennes ont demandé à l’OCDE si, avec d’autres partenaires, nous pouvions les aider à élaborer une stratégie de reconstruction et de paix, nous n’avons pas hésité un seul instant.
Le Mali recèle un formidable potentiel de développement dans de nombreux domaines. Le pays a la capacité d’être l’un des premiers fournisseurs de riz sur le marché régional de l’Afrique de l’Ouest. Ce pays magnifique peut réaliser des améliorations considérables dans les domaines de l’élevage, des industries extractives et du tourisme, qui est une activité déjà ancienne. Les infrastructures routières et l’éducation doivent être modernisées. Mais pour concrétiser pleinement ce potentiel, la stabilisation du nord du pays est essentielle.
Cette semaine, l’OCDE accueillera donc une conférence à haut niveau coorganisée avec le gouvernement du Mali et avec le soutien des amis et partenaires internationaux du pays. Nous nous réunirons afin d’aider le Mali à trouver des solutions en matière de développement et faire face aux enjeux politiques. Pour qu’un pays se développe, l’impulsion doit venir de ses dirigeants. Seuls le Président et le gouvernement du Mali peuvent nous dire, à nous les partenaires internationaux, quelle est leur vision stratégique – publique ou privée ; où ils veulent emmener leur pays d’ici vingt ans ; et ce qu’ils veulent offrir aux enfants du Mali.
L’impulsion des dirigeants, l’expérience l’a montré, est le premier ingrédient de la réussite sur le front du développement. Viennent ensuite les politiques. Le gouvernement doit faire les bons choix ; prendre les bonnes décisions, celles qui vont donner un coup d’accélérateur au développement du pays. Un pays dont les besoins sont immenses doit se concentrer sur un petit nombre de priorités. C’est là que nous, la communauté internationale, apporterons notre aide. Les ressources, pour le Mali, constituent le troisième ingrédient indispensable. Un pays ne peut pas se développer en s’appuyant uniquement sur l’aide. L’aide au développement doit servir de catalyseur, et peut contribuer à rassurer des partenaires privés prêts à investir au Mali. Mais la fiscalité et les investissements privés sont déterminants pour le Mali, comme pour les autres nations en développement. Les participants à la conférence étudieront quelles sont les possibilités de générer davantage de recettes fiscales et de développer le secteur privé. La nombreuse diaspora malienne peut être un atout pour l’investissement privé, notamment par les envois de fonds.