La rentrée scolaire, décidée à la six-quatre-deux, visait à taper dans l’œil les partenaires réunis à Paris afin de déclencher leur adhésion au programme sensé hâter le développement du Septentrion malien. Peine perdue. Kidal n’a pas le même agenda que Bamako.
La duperie bat son plein : duperie de la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA) qui laisse croire qu’elle est dupée, duperie du gouvernement qui veut duper l’opinion publique. Je te mens, tu me mens, nous nous mentons, parfait ! En route pour des lendemains qui chantent via le pipe-dé. Mieux vaut se mirer dans les yeux de la CMA que dans les couperets des guillotines de la rencontre avec les partenaires au développement réunis dans la capitale française aux fins de lever des fonds dédiés à une panoplie de projets en faveur des régions Nord du Mali. On rivalise déjà les « je ne suis pas coupable », les « je n’ai pas voulu cela », bref, les protestations d’innocence.
En vérité, les groupes armés ont la terreur d’avoir les pieds et les mains sales. Plus singulièrement la CMA qui ne va pas jusqu’au bout d’elle-même, de sa pensée, de sa volonté. Elle reste en chemin. Elle laisse transpirer de son propos que l’important est de ne pas attirer sur soi le mauvais œil des populations de la région de Kidal. Or, ce serait une lapalissade de dire qu’au Mali n’importe qui peut mobiliser pour n’importe qu’elle cause, pourvu d’avoir une surface financière acceptable.
En fait, les Kidalois sont travaillés en permanence au corps à l’idée que le gouvernement est la réincarnation du diable : un être malfaisant qui guette la moindre occasion pour administrer des coups d’épingle à répétition. En face, aucun responsable de la CMA pour mettre fin à ce bourrage de crâne, à une flagrante contradiction. On ne peut disposer du beurre et l’argent du beurre. Kidal guigne la remise en service de la centrale thermique, la réouverture des classes fermées depuis quatre ans mais rejette la présence du ministre de l’Education Barthélemy Togo. En somme, Kidal a un paquet de services sociaux de base à réactiver, notamment l’adduction en eau potable qui constitue un des principaux freins au retour des réfugiés. Cependant, la satisfaction de l’ensemble des doléances citées ci-haut nécessite le concours de l’Etat.
Rentrée scolaire qu’à même
Une équipe technique dépêchée sur les lieux avait recensé la semaine dernière les besoins en vue d’y apporter des solutions idoines. Sans coup férir, puisque l’accueil réservé à la délégation nationale autorisait une normalisation progressive. Mais les espoirs sont rapidement douchés avec l’opposition à l’arrivée du ministre Togo. Avec lui s’effondre momentanément le cachet particulier que les autorités ont voulu donner à l’événement.
Bien entendu, la formule arrêtée a consisté en un redémarrage progressif des cours dans les ordres d’enseignement. Le fondamental d’abord, en sollicitant les enseignants restés à Kidal. Du fait que le gouvernement peine à convaincre des centaines de maîtres de rejoindre leur poste. Ces derniers mettent en avant le sempiternel problème de sécurité. La démobilisation, désarment et réinsertion des combattants (DDR) accuse un grand retard. Par la faute des parties prenantes, tranche la Mission des Nations Unies au Mali. Le gouvernement bute aussi à l’intransigeance de la principale centrale syndicale, l’Union nationale des travailleurs du Mali (UNTM) qui pointe du doigt l’insécurité grandissante à Kidal. La rentrée scolaire, initialement prévue lundi dernier, a effectivement eu lieu mais sans le ministre de l’Education. Les établissements d’enseignement général et technique vont devoir attendre.
Bon cœur contre mauvaise fortune
Gouvernement et CMA semblent disposer à passer l’éponge sur cette déconvenue de taille. De commun accord une date d’officialisation de la rentrée scolaire sera arrêtée. Et un membre du gouvernement foulera pour la première fois le sol de Kidal depuis plusieurs années – l’escapade du Premier ministre d’alors Moussa Mara s’et terminée dans un terrible bain de sang. Tout un symbole. A charge pour la CMA de prendre les dispositions utiles à cette fin.
Celle-ci n’a-t-elle pas confessé qu’elle n’avait pas préparé les populations à la visite du ministre de l’Education, Barthélemy Togo. Puisque c’est à la demande insistante de cette coalition de groupes armés en faveur de la remise en service des services sociaux de base affectés par le conflit que le gouvernement a voulu faire d’une pierre deux coups. A présent, dédramatiser l’affaire confère un double avantage : d’abord convaincre les partenaires techniques et financiers que ce n’est que partie remise, dans l’optique de disposer du coup de pouce indispensable au démarrage de plusieurs projets, puis remobiliser une opinion publique qui perd petit à petit espoir quant à l’affirmation de la souveraineté nationale sur Kidal, la rebelle.
Georges François Traoré