Les producteurs et les organisations professionnelles agricoles peuvent en tirer des bénéfices conséquents
Depuis la campagne agricole 2007-2008, le gouvernement a introduit la subvention des intrants (engrais
minéraux, organiques, semences et équipements). Cette volonté politique a permis de booster les
productions à travers une hausse significative des rendements. Ce geste a eu un impact palpable et a rencontré l’adhésion entière et compréhensive des acteurs du monde rural. Ces derniers ne manquent pratiquement aucune.
occasion pour non seulement remercier les autorités, mais également les rappeler que la mesure est plus qu’opportune. Ils ont ainsi toujours plaidé en faveur de son maintien. Mais, la mesure d’encouragement qui a eu un effet positif sur les niveaux de production est en train de buter d’année en année sur les goulots d’étranglement de la transformation et de la commercialisation. C’est pourquoi, de façon régulière le citoyen lamda se pose des questions à savoir quel a été l’impact réel de la subvention sur le portefeuille des consommateurs ?
Car, la subvention, selon la compréhension populaire, devrait aboutir à des prix de céréales accessibles au commun des ménages. Alors quelles sont les voies de solutions pour rendre accessibles les céréales ? Quels bénéfices les producteurs, les organisations professionnelles agricoles, les banques de céréales peuvent-ils tirer de la transformation ou de la commercialisation des céréales ? La réglementation de la commercialisation des céréales à travers le récépissé d’entreposage et des magasins d’entreposage est une des solutions. Mais cette promotion est confrontée à de nombreuses contraintes.
Au nombre desquelles, on peut relever le nettoyage des céréales pour les débarrasser de toutes les impuretés, le respect des normes de stockage et de conservation, de transformation des céréales dans des emballages requis. Des opérateurs économiques n’avaient-ils pas refusé de racheter le riz qu’ils avaient vendu à l’Office des produits agricoles du Mali (OPAM) qui voulait procéder au déstockage avant l’arrivée des nouvelles récoltes. La raison inavouée était qu’ils avaient sciemment vendu à l’Office du riz contenant un pourcentage élevé d’impuretés. Devant la menace de mévente, ils ont préféré décliner l’offre de rachat de l’OPAM.
COûT DE TRANSFORMATION ELEVE. Quel chef de famille n’achète-t-il pas en vrac les céréales sans se soucier des impuretés que le produit contiendrait ? Qui n’a pas dépensé 30.000, 35.000 voire 45.000 Fcfa pour un sac de 100 kilogrammes sans se rendre compte qu’il est loin d’acheter 100 kg de céréales, mais 15, voire 20 et dans le meilleur des cas 5 kg d’impuretés avec.
Car, la complainte de la ménagère qui aura consacré des heures entières à nettoyer la céréale pour la débarrasser des impuretés n’émeut pas outre mesure le financier du foyer. Pourtant, il est bien temps pour les chefs de ménage de se soucier de ce détail pour leur portefeuille d’une part et d’autre part de ne payer que le juste prix pour bien 100 kg de céréales propres, sans les kilogrammes superflus perdus en impuretés. On peut passer sous silence l’amère expérience des exportateurs imprudents qui ont été confrontés au retour de cargaisons de produits agricoles rejetés par l’acheteur étranger. Le motif du rejet est la présence d’impuretés dans les produits commandés. Evidemment le retour à l’envoyeur s’est fait à ses dépens et avec la conséquence de perdre définitivement le marché. Le beurre de karité, le sésame ou le riz malien avait connu de semblables sorts.
Pour le chef du Programme de l’Economie des filières (ECOFIL) de l’Institut d’économie rurale (IER), Dr Lamissa Diakité cette contre publicité pénalise notre agriculture qui peut mieux tirer son épingle du jeu. Il redoute le fait que le Mali qui est considéré comme le deuxième producteur de riz dans l’espace de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’ouest (CEDEAO) après le Nigeria, ne se fasse distancer par la Côte d’Ivoire qui s’apprête à construire une unité de transformation de notre céréale pour la vendre avec un label sur les marchés sous-régionaux et internationaux. Pour cela, notre voisin du sud profite aisément des faiblesses de commercialisation, de transformation du secteur rural pour se positionner sur ce segment très prometteur dans une sous-région, dont la consommation en riz augmente d’année en année.
La transformation du riz est le maillon faible du segment à cause des frais d’approches très élevés, de la faible organisation des acteurs (producteurs, transformateurs, commerçants et transporteurs), argumente Dr Diakité. En effet, la transformation industrielle du paddy en riz marchand de qualité bute essentiellement sur des coûts de production prohibitifs comme le coût de l’électricité qui absorbe 50% des frais. L’interconnexion électrique avec la Côte d’Ivoire en vue de booster l’industrialisation du pays ne s’annonce pas pour le moment prometteur pour les unités de transformation.
BIEN EVALUER LES DEFICITS ALIMENTAIRES. Le secteur bancaire est aussi frileux à financer sur le long terme des investissements lourds pour l’implantation des rizeries qui permettront de décortiquer le riz en différents calibrages (riz long entier, brisure grossière et brisure fine, riz précuit, riz étuvé etc). Par exemple, il est de notoriété publique que les Sénégalais raffolent de brisure fine qui convient à la cuisson de leur plat préféré de riz au gras communément appelé «Tchéboudiene», a rappelé le Dr Diakité. Notre pays peut parfaitement se positionner sur ce créneau porteur, comme sur les autres calibres de riz marchand demandés. Ce sont les pays asiatiques qui se sont positionné sur cette variété de riz dans des emballages attrayants, a fait remarquer le chef de Programme d’ECOFIL.
L’installation des rizeries va créer des emplois directs et indirects importants pour presque tous les segments de l’économie, a soutenu Dr Diakité. D’abord leur implantation a l’avantage d’absorber les jeunes ruraux qui pourront disposer de travail à portée de mains, donc, de réduire les tentations d’exode, de faire tourner l’économie locale pour la satisfaction des services connexes liés directement à l’entreprise (fournitures de services, gargotières, transporteurs, transitaires etc), a développé le chef du Programme d’ECOFIL. Les autorités doivent penser à donner un coup de main à la transformation et à la Commercialisation, si elles ne veulent pas voir la machine se gripper à cause de la montée des surplus de production et de conduire au découragement des paysans. Car, l’embellie suscitée par la subvention de la production ne pourra connaître un effet durable que si la chaîne de valeur connaît le même entrain.
Aussi, le gouvernement ne devrait décréter les importations de riz qu’à des conditions bien déterminées avec des critères bien définis. Sinon, cette intervention pourrait anéantir des années d’efforts de subvention de la production, dont les effets ne seront pas ou peu visibles sur les consommateurs, soutient Dr Diakité. La décision d’importer du riz ne devrait intervenir qu’après des constats pertinents d’insuffisances de stocks alimentaires à l’occasion des calamités naturelles (sécheresse, inondations, attaques massives de nuisibles qui portent un préjudice évident sur les niveaux de récoltes). Le gouvernement doit surtout éviter de prendre les bonnes décisions d’une main pour les anéantir de l’autre par des mesures contradictoires, résume le chef du Programme.
M. COULIBALY
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