Depuis son élection en 2013, l’ambition du Président de la République, Ibrahim Boubacar Keita, dans le domaine de la santé, consiste à assurer aux maliens un bien être physique dans le pays.
Pour IBK, il s’agit notamment de (I) réduire notre dépendance de l’extérieur en matière de formation et de soins, (II) de protéger les citoyens contre l’introduction de faux médicaments, les mauvais comportements, les négligences et les erreurs des personnels soignants et enfin (III) d’élargir le spectre des assurés aux fins de faire profiter le maximum de citoyens des services de la Caisse Nationale d’Assurance Maladie (CANAM).
Dans la pratique, la réalisation de telles ambitions exige du département chargé de la santé publique de se doter d’une vision à long terme, d’entreprendre des actions visant à généraliser des infrastructures répondant aux normes requises ; à assurer aux citoyens de prestations chaque fois meilleures et à organiser et réguler les activités et métiers du secteur de la santé dans son ensemble.
1- Généralisation des infrastructures sanitaires :
Concernant ce premier point d’infrastructures, la solution serait dans un programme de construction, dans le court, le moyen et le long terme, d’unités de santé au niveau de Bamako, des capitales des régions et des cercles ainsi que dans les communes, les localités et les agglomérations rurales : programmer à l’avance le nombre et le type de structures à construire annuellement et en déterminer la nature des zones bénéficiaires, pour faciliter sûrement le suivi-évaluation des réalisation et des performances des gestionnaires.
Au préalable, il s’impose de définir ce qu’on entend par Hôpital et par dispensaire (et leurs différentes catégories) notamment en ce qui concerne la capacité d’accueil, le nombre et la nature des spécialités nécessaires ou obligatoires (généralistes et spécialistes), le nombre de techniciens et des personnels d’appui technique et administratif nécessaires pour garantir un bon fonctionnement. De même, le Centre de Santé et le Point de Santé, doivent aussi être définis suivant des critères qui prennent en considération, entre autres, la densité démographique, l’enclavement et le taux élevé d’apparition de maladies caractéristiques dans certaines périodes de l’année.
L’existence d’une carte de distribution des maladies (endémiques) sur toute l’étendue du pays, faite sur la base d’investigations et statistiques fiables, aiderait à ce sujet et dans la définition du nombre et de la nature des spécialités à prévoir au sein des hôpitaux régionaux.
À propos, est-ce que l’Institut National de Recherches en Santé Publique (INRSP) intègre dans ses travaux –s’ils existent de manière formalisés –les résultats d’observation des multiples unités de santé réparties sur tout le territoire national?
D’autre part, l’orientation vers la création de plus d’établissements spécialisés, tels que le Centre National de Transfusion Sanguine (CNTS), le Centre National d’Oncologie, le Centre National de Cardiologie, l’Hôpital Mère-Enfant, l’Odontho et le Centre de Recherche et de Lutte contre la Drépanocytose (CRLD), est excellente. Mais a-t-on su que ceci requiert la prudence, le temps et des mesures d’accompagnement ?
En effet, une bonne prise en charge en matière d’organisation, de fonctionnement, de maîtrise des équipements et de traitements à prodiguer, impose que ces établissements soient accompagnés, pour une durée suffisante, par une assistance technique sur place et des formations continues intenses pour tous les personnels. Aussi, ces établissements sont-ils dotés d’équipements modernes et de budgets de fonctionnements adéquats ?
S’agissant particulièrement du CNTS, qui a déjà réussi à avoir des antennes dans chaque capitale régionale, comment envisage-t-il l’amélioration de son dispositif de collecte, de traitement et de disponibilité du sang, partout où les conditions de sa conservation et de son utilisation seraient réunies?
À l’avenir aussi, et conformément à la volonté des pouvoirs publics à promouvoir davantage notre système de santé, est-il prévu de créer un institut spécialisé dans les analyses médicales du genre Institut Pasteur en France et dans d’autres pays de notre continent? Ce genre d’institut, assure généralement l’ensemble des types d’analyses médicales, est doté de cadres hautement qualifiés et d’équipements adéquats et est respectueux des normes et protocoles, de la déontologie et de l’éthique, etc.
Pour les mêmes raisons, le département de la santé aurait aussi prévu la mise en place d’un centre d’imagerie médicale répondant, dans son domaine, aux mêmes critères quantitatifs et qualitatifs cités pour l’institut d’analyses médicales. Ceci constituerait une autre percée vers un avenir médical meilleur.
La prise de ces deux mesures par l’État, emmènera les privés à s’associer en fusionnant leurs unités d’analyses respectivement d’imagerie et pourquoi pas leurs cliniques. Ainsi, ils érigeront des complexes capables de faire face à la concurrence interne et externe (l’amélioration de la qualité de l’école publique, emmènerait, elle aussi, les écoles privées à faire de même).
D’aucun n’ignorent que le diagnostic, qui pose encore problème chez-nous, est fortement dépendant de ces deux services d’analyses et d’imagerie médicales et que le rôle de ces derniers dans le dispositif de promotion de la qualité de notre système de santé, de par leur position comme premier maillon, est alors plus que primordial.
Qui ne sait pas également que dans les pays en voie de développement, l’État doit donner l’exemple et jouer le rôle de locomotive dans tous les domaines d’activités ; c’est une manière d’entraîner un privé, connu chez nous, par son mimétisme et sa capacité de récupérer, grâce à une privatisation formelle, les projets de l’État.
2- Amélioration de la qualité des prestations des services sanitaires :
Quant à l’amélioration constante des performances du système de santé, y compris la valorisation des infrastructures, nul doute que c’est une chose tributaire surtout des ressources humaines. Il s’agit notamment de la formation quantitative et qualitative de personnels et d’une politique appropriée de motivation (cadre de carrière et avantages associés) et de redéploiement, aux niveaux central et décentralisé, des différentes catégories de ces personnels.
Ne connaissant pas la situation dans le département de la santé, mon avis est que le pays doit fixer, à l’horizon 2025-2035 par exemple, la formation d’un nombre donné de généralistes, de spécialistes (par discipline ou spécialité) et de techniciens spécialisés. La mort, la retraite, l’émigration, l’effectif actuel de la population et le rythme de sa croissance démographique, seraient les principaux critères pour établir les prévisions. Les ratios entre les spécialistes, les généralistes et les techniciens et par rapport à la population totale, est un autre paramètre dont il faut en tenir compte dans la programmation de la formation et dans l‘affection des personnels selon le type et la catégorie de l’unité sanitaire considérés (catégorie de l’hôpital, du dispensaire, etc.).
À côté de la Faculté de Médecine, de Pharmacie et d’Odontostomatologie, en collaboration avec certains pays frères et amis, on doit continuer l’octroi de bourses de formation à l’étranger et une politique de stages de perfectionnement et de participation aux séminaires et symposiums spécialisés, qu’on organise à l’échelle nationale, sous-régionale et internationale.
Qu’on sache à la santé que l’actualisation des différents statuts particuliers de la santé, contribue à cet objectif d’amélioration des prestations. Alors, cette actualisation devra consister à une réadaptation de certaines dispositions des statuts actuels aux missions de recherche scientifique et d’enseignement, aux spécificités du travail exercé et aux évolutions récentes et en perspective. Ce conformément aux expériences des pays qui nous ressemblent et de l’ambition des pouvoirs publics, quant à assurer à nos populations les meilleurs services possibles. Le but est d’arriver à un cadre de carrière qui fait valoir les mérites, arrête l’émigration, attire les compétences installées à l’étranger et résout définitivement les problèmes (1) du cumul du travail dans la fonction publique et le privé et (2) la concentration des spécialiste à Bamako et de leur absence quasi-totale dans les permanences au sein des hôpitaux.
L’idée de viser, dans une première étape, la création de pôles de santé ayant des capacités suivant le nombre des habitants censés en faire recours (exemple Kayes, Koulikoro, Bamako, Ségou, Sikasso, Mopti Gao…), fait certainement partie des préoccupations des décideurs dans la santé car elle pourrait contribuer à la solution du déficit cruel de spécialistes dans les permanences et dans les unités sanitaires de l’intérieur du pays.
Par ailleurs, le renforcement de la coopération entre l’INRSP, la Faculté de Médecine et les Unités de santé avec l'Autorité Nationale de la santé, et les Opérateurs téléphoniques présents dans le pays, fait certainement partie des préoccupations du secteur de la santé. Ensemble, ces acteurs pourront consolider une base de données sur les maladies au Mali et répondre à certaines questions que se posent, de plus en plus, beaucoup de maliens.
Alors, la constitution de bases statistiques relatives à la nature et la répartition par zone et sous-zone géographique des maladies et l’explication de la recrudescence de certaines maladies (hépatites, cancers, etc.), pourraient faire l’objet de sujets de mémoires pour les étudiants de médecine et de thèses pour la spécialisation.
À préciser ici que le commun des mortels met déjà le taux élevé du cancer chez les enfants en relation avec les radiations émises par les grandes antennes des sociétés de télécommunication et par les petites antennes utilisés dans les demeures pour le wifi, avec l’usage sur un espace restreint d’un certains nombres de téléphones, de tablettes, d’ordinateurs, de radios et de télévisions, ou l’usage d’un de ces outils sur une longue durée. Des hypothèses existent aussi au sujet des hépatites.
3)- Organisation et régulation des activités et métiers du secteur :
Il s’agit là de toute la problématique de la gouvernance à l’échelle de tous les maillons de la hiérarchie décisionnelle : Conception des politiques et stratégies, codification des métiers (natures et conditions d’exercice), coordination de la mise en œuvre des politiques et stratégies, suivi-évaluation, etc.
Dans cette chaîne, le Ministre constitue le maillon essentiel, de par son rôle à la fois politique et technique. C’est lui qui doit veiller à concevoir et appliquer la stratégie de son secteur dans le respect de la Constitution, du décret définissant les attributions des Ministres, du CSLP et des conventions internationales en la matière.
L’opération de mise en œuvre de la stratégie sectorielle, nécessite un arsenal juridique composé de textes à portée générale et d’autres formalisant la teneur de ladite stratégie (orientations et principes, mesures, activités, projet, etc.).
À un autre niveau, Monsieur le Ministre est responsable des règlements intérieurs, des codes de procédures et de déontologie dont l’importance est sans égale dans ce secteur où l’Homme constitue la matière première à « manier » ou à « traiter ».
Tout cet arsenal juridique et para-juridique est destiné à préserver le droit des citoyens et à rendre le corps médical responsable des conséquences de ses comportements et erreurs : mauvais diagnostic, prescription de médicaments non appropriés, mauvaise interprétation des résultats d’analyses et images, extraction ou l’ablation d’un organe sain, oubli d’un instrument lors d’une intervention chirurgicale, mauvaise utilisation des protocoles dans les salles d’hospitalisation, le manque de précautions concernant l’anesthésie, l’oxygène, le sang, l’électricité, etc. L’organisation de l’Administration au niveau central et déconcentré, représente un autre volet important dans l’opération d’exécution de la stratégie sectorielle.
Celle-ci doit normalement répondre aux critères de l‘efficacité et de l’efficience : refléter les priorités de la stratégie sectorielle, éviter les chevauchements et les redondances des missions ainsi que la pléthore des postes, respecter les dispositions, etc. Malheureusement, lors du remplissage de tout organigramme, on oublie souvent que chaque responsable choisi, de la Division à la Direction Générale, est un Ministre dont dépend l’exécution et la coordination des missions et tâches confiées et que les réalisations globales du secteur ne sont, au bout du compte, qu’une simple somme des résultats des petites et grandes structures.
Cette réalité est d’ailleurs valable pour tous les autres départements ministériels.
Pour vous qui connaissez les détails des objectifs de la stratégie actuelle du secteur de la santé et des principales activités programmées, où en est-on par rapport aux ambitions présidentielles pour ce secteur? Autrement dit, la qualité du service quotidien rendu aux populations est-il à l’aune des efforts déployés ces deux dernières années en faveur de la santé ?
Attention, ne soyez pas biaisés dans vos appréciations, vous chers lecteurs, par ces délires d’un observateur non averti et mal informé !
Cyrille Coulibaly