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Moussa Kolon Coulibaly, Président du CA du CSS au Mali : – « Les attaques terroristes au sud du pays étaient prévisibles…. »
Publié le samedi 24 octobre 2015  |  Le challenger
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© RFI par DR
Un combattant du Mujao monte la garde près de l`aéroport de Gao.




« Le moyen le plus efficace contre le crime organisé est de le frapper dans ses ressources financières »
Ancien Conseiller Technique au Ministère de la Justice en charge des questions pénales, Moussa Kolon Coulibaly peut être considéré comme l’un des experts de notre pays dans le domaine du crime organisé et du terrorisme. Il a joué un grand rôle dans la rédaction de la loi malienne contre le terrorisme qui a été promulguée en juillet 2008. Consultant et Formateur, ce magistrat de classe exceptionnelle dispose d’une expertise avérée et d’une expérience reconnue dans le traitement des questions liées au crime organisé et à la lutte contre le terrorisme. C’est lui qui a donné au Programme Intégré contre la Drogue et le Crime Organisé du Ministère de la Justice toutes ses lettres de noblesse.

Il a été le Point focal de l’Office des Nations Unies contre la Drogue et le Crime (ONUDC) au Ministère de la Justice, du Projet contre le Terrorisme au Sahel (CT- Sahel). Directeur national adjoint de l’Administration de la Justice, il est le Président du Conseil d’Administration du Collège Sahélien de Sécurité (CSS) pour le compte du Mali. Au retour de l’atelier régional organisé du 27 septembre au 02 octobre à Nouakchott sur la couverture médiatique des actes terroristes, il a bien voulu nous accorder une interview.

Le Challenger : Bonjour Monsieur Coulibaly. Vous assumez les fonctions de Président du Conseil d’Administration du Collège Sahélien de Sécurité pour le compte du Mali. Qu’est-ce que le

Collège Sahélien de Sécurité ?

Moussa Kolon Coulibaly : En effet, j’ai eu le privilège d’être désigné par mes pairs pour assumer cette responsabilité, après avoir été Président du Conseil scientifique pendant une année et demi.

Le Collège Sahélien de Sécurité « CSS » est d’abord une composante du Projet CT-Sahel (contre terrorisme au Sahel de l’Union Européenne), lui-même émanation de « Instrument de Stabilité Long Terme ». Le CSS est en fait un centre virtuel – il ne dispose pas de locaux physiques – de formation et de sensibilisation des organes opérationnels et des composantes de la société civile des Etats membres (Burkina, Mauritanie, Mali, Niger et Tchad) dans le domaine du terrorisme et du crime organisé. Il est doté d’un conseil d’administration par pays et d’une Présidence Régionale tournante que le Mali exerce présentement.

De sa création à maintenant, quelles sont les grandes activités menées par le CSS ?

Le CSS a démarré en 2013 par l’adoption de ses actes constitutifs à Niamey. A l’occasion, des modules de formation allant du blanchiment de capitaux/ financement du terrorisme à la couverture médiatique des événements terroristes en passant par l’examen des menaces terroristes globales pesant sur le Sahel, l’Etat de droit et la citoyenneté dans le contexte d’insécurité, les liens entre le terrorisme et le narcotrafic, etc… ont été validés et repartis entre des experts nationaux pour être traduits en activités. Depuis, six formations régionales ont été mises en œuvre à Niamey, Bamako et à Nouakchott. A ce niveau, je voudrais attirer l’attention sur la particularité des activités de Bamako qui ont regroupé des opérationnels et les principales composantes de la société civile y compris des leaders religieux. A l’occasion, l’intégrisme religieux et le rôle du citoyen comme niveau d’alerte ont été largement débattus. C’est pourquoi nous avons beaucoup travaillé avec l’agence de communication Spirit-Mccan afin de ne pas rester dans le schéma « formation classique ». Ainsi, nous disposons de supports utilisables dans chacun des pays.

Il me parait très important d’évoquer la mise en place récente d’un embryon de pool de journalistes-communicateurs dans l’espace G5 par le CSS – à consolider bien sûr – qui pourrait aider nos Etats dans le domaine de la sensibilisation des populations et aussi dans le décryptage des tentations des criminels à utiliser les médias dans le mauvais sens.

Le Sahel connaît d’énormes problèmes sécuritaires avec la recrudescence des attaques terroristes. Au Mali, en plus des régions du nord, jadis, fief des groupes terroristes, certaines localités des régions de Mopti et de Sikasso, le district de Bamako ont fait l’objet d’attaques terroristes. Ce déplacement de leurs zones d’attaque par les terroristes vers d’autres lieux du pays est-il surprenant ?

Les problèmes sécuritaires du Sahel ne sont pas survenus ex nihilo ; tous les analystes savent qu’ils sont en lien avec d’autres événements à travers le monde ; nous y avons travaillé au sein de plusieurs équipes depuis 2010. En ce qui concerne le « déplacement » du théâtre des attaques à travers le pays au Mali, ce n’est pas une surprise quand on sait que le crime organisé en général et le terrorisme en particulier survit par la mobilité opportuniste lui permettant de dérouter les forces opérationnelles qui combattent ; les terroristes y satisfont aussi un de leurs objectifs : faire parler d’eux. Les attaques au sud du pays étaient prévisibles et je crois savoir que non seulement les signes existaient, mais des alertes ont été données ! (un de vos confrères en a parlé il y a deux mois environ).

Quels sont les modes opératoires que les groupes terroristes utilisent généralement au Mali ?

Les modes opératoires vont des crimes contre les personnes aux crimes contre les biens (prise d’otages, assassinats, blessures graves, flagellations, attaques contre les édifices et installations publiques, etc…)

Pour y parvenir, les organisations criminelles recrutent et embrigadent des jeunes au sein de la population à laquelle ils se sont plus ou moins intégrés préalablement ; c’est d’ailleurs là tout l’intérêt de l’approche proactive dans les méthodes d’enquête afin de se donner les chances de tuer ‘’le poussin dans l’œuf’’. En général les terroristes scrutent bien l’environnement avant de poser des actes ; il faut être attentif au fait qu’ils ont besoin de complices pour se procurer du matériel.

Ces modes diffèrent-ils de ceux d’autres pays ?

Les modes opératoires en raison de la convergence des objectifs de tous les terroristes ne diffèrent qu’en fonction du milieu. Je viens de dire qu’ils l’étudient eux aussi ! Les standards sont donc les mêmes au point que les législations répressives (inspirées des mêmes conventions internationales) se ressemblent beaucoup.



Peut-on affirmer aujourd’hui qu’il existe un lien direct entre les groupes terroristes et les trafiquants de drogue dans le Sahel ?

Ce lien est aussi bien établi au Moyen Orient, en Amérique Latine qu’au Sahel où il me paraît plus évident ; c’est pourquoi l’avant dernière activité du CSS tenue à Niamey (mai 2015) portait sur ce thème. Il faut d’ailleurs y ajouter les trafiquants d’armes et certains passeurs de migrants.

Que faut-il faire pour rompre le lien entre les groupes terroristes et les réseaux illicites de trafic notamment de drogue ?

Ce n’est pas évident de conseiller une solution toute suffisante à ce niveau, il s’agit de bien connaître les groupes criminels, leurs liens possibles en raison de l’occupation par eux de l’espace ; les organes opérationnels de la lutte contre ces fléaux devraient avoir une grande capacité de partage et d’exploitation du renseignement et une synergie en leur sein d’une part et entre structures, d’autre part.

La détection et la répression des transactions financières douteuses peuvent-elles jouer un rôle dans l’élimination des sources de financement du terrorisme ?

Bien sûr ! Cela reste un gros défi à relever. Le moyen le plus efficace contre le crime organisé est de le frapper dans ses ressources financières ; nos Etats disposent de cellules de renseignement financier membres d’un réseau africain affilié à un autre mondial pour cette raison.

Vous venez de participer à Nouakchott à un atelier sur la couverture médiatique des événements terroristes. Selon vous, quel rôle peuvent jouer les medias dans la lutte contre le terrorisme et le crime organisé ?

Je crois avoir signalé plus haut que pour les activités du CSS de Bamako, nous avons intégré la dimension communication dès le départ. En plus, j’ai évoqué le rôle de sensibilisation que les médias peuvent et doivent impérativement jouer. L’une des clés de la réussite de la lutte contre le terrorisme dans notre sous-région est de provoquer chez le citoyen le déclic face à ce fléau, surtout que le désœuvrement de la jeunesse et la pauvreté constituent un terreau favorable pour les groupes criminels.

Selon vous, quelle est la meilleure réponse que les Etats du Sahel peuvent apporter à la question du terrorisme ?

Il n’y a pas d’autres alternatives à la coopération franche et sincère entre les Etats ; l’approche régionale a toujours été conseillée : c’est la raison d’être du CSS.

Je vous remercie de m’avoir donné l’occasion d’apporter cette modeste contribution, en espérant que les éclaircissements (pas suffisants) que j’ai pu donner ont quelque peu répondu à vos attentes.

Propos recueillis par Chiaka Doumbia

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