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Boom du marché de la friperie : Une menace sérieuse sur l’emploi au Mali
Publié le samedi 24 octobre 2015  |  Le Tjikan




L’abcès est si profond qu’il a cloué toutes nos unités industrielles et artisanales au sol, notamment la filière du textile, celle des matelas, écrasant au passage des milliers d’emplois avec aussi des risques environnementaux et sanitaires.

Le commerce des produits domestiques usagers importés d’Europe, d’Amérique, d’Asie, etc. est en tête des business les plus lucratifs actuellement dans notre pays. Un business qui ne profite qu’aux seuls acteurs du secteur. Cependant, l’importation de ces objets réformés comporte deux dangers existentiels : la menace sérieuse sur l’épanouissement du secteur industriel malien et sur la santé publique. Faute de règlementation en la matière, le phénomène a embrassé tous les segments de notre économie y compris le commerce des animaux domestiques. Il devient dès lors un handicap pesant sur le développement des secteurs industriel et artisanal. Qui sont les plus gros pourvoyeurs d’emplois dans tous les pays du monde y compris le nôtre. Si le gouvernement ne prend pas des mesures idoines pour circonscrire le phénomène, il impactera dangereusement sur les promesses de création d’emplois du président IBK.

A en croire le point focal de la Convention de Stockholm au Mali, M. Baba Sissoko, les déchets électriques, électroniques et électroménagers tels que les téléviseurs, les ordinateurs, les radios, les réfrigérateurs, les climatiseurs pour ne citer que ceux-ci, contiennent des composants très nocifs pour la santé de l’Homme et de son environnement. Il s’agit du cadmium, du plomb, du mercure, des fluides frigorigènes de l’amiante entre autres. Cependant, malgré l’abondance de ces déchets et le grand danger qu’ils représentent pour la population malienne, l’indifférence des autorités est criarde. Le cri de détresse des industriels semble être inaudible. Car, jusque-là, il n’existe pas encore de dispositions légales visant à freiner le danger, encore moins un effort d’organisation destinée à réserver un traitement efficace et efficient de ces déchets, parole de Baba Sissoko. Qui a nuancé ses propos faisant un clin d’œil aux commerçants récupérateurs, qui mènent des activités sommaires de récupération de certains métaux comme le plomb, le cuivre et le fer dans les épaves de certains appareils. Mais, les actions de ces opérateurs ne suffisent pas à endiguer le phénomène. Idem pour les matelas, les lingeries féminines et les sanitaires qui ne sont pas désinfectés à leur débarquement.

Plus de 12 025 tonnes en 2012

Ainsi, des téléviseurs d’occasion, ordinateurs, réfrigérateurs, matelas, jouets d’enfants, vêtements, même des animaux et oiseaux domestiques, bref tous les biens (de consommation et d’équipement) sont bons pour être déversés sur notre marché à vil prix. Ces vieilleries importées d’Europe, d’Amérique et d’Asie ont complètement asphyxié notre tissu industriel, sans que cela n’émeuve personne les autorités. Alors qu’au Sénégal voisin, l’ancien président sénégalais, Abdoulaye Wade avait pris l’initiative de proscrire sur le territoire du Sénégal, l’introduction des véhicules usagers vieux de plus de 20 ans et une réglementation très stricte sur l’importation de véhicule diesel (neuf ou occasion). C’est pourquoi, il est rare de rencontrer dans la circulation, des voitures diesel au Sénégal.

Tandis qu’au Mali, le commerce des biens usés va crescendo. Le volume des importations est passé de 8 384 tonnes en 2008 à 12 025 tonnes en 2012, soit une augmentation de plus de 3 000 tonnes en seulement 4 ans.

A l’Organisation Patronale des Industriels (OPI), où le constat est très amer, on se plaint de l’absence de textes réglementaire régissant le secteur. Beaucoup d’usines sont au bord du dépôt de bilan. Et, le hic qui fait tilt ici, c’est qu’il n’existe aucune perceptive d’arrêt du phénomène. Tout simplement, le secteur n’est pas encadré par un texte règlementaire. Ce vide juridique a ouvert une grande brèche qui a son tour a ouvert un boulevard à des importateurs sans foi ni loi. Qui sont en train de tuer les industries locales et du coup écraser des milliers d’emplois avec. Selon les promoteurs industriels, rencontrés sous le couvert de l’anonymat, aucune loi ne régit le secteur. Autrement dit, tout le monde peu importer des articles sans se référer aux textes qui régulent le commerce extérieur au Mali.

Il suffit de lever des intentions à la Direction Nationale du Commerce et de la Concurrence, pour importer du n’importe quoi sans être inquiété. Dans ces genres de situations, la bonne volonté des gabelous ne peut rien contre. Surtout que certains commerçants véreux profitent pour falsifier des documents de commerce et procèdent au trans-débordement avec la complicité des Commissionnaires en Douanes. Comme ce fut le cas, récemment avec ‘’Coumba Gaz’’, qui a tenté de tromper la vigilance des douaniers pour introduire deux citernes de carburant en lieu et place du gaz. Heureusement que le nouveau maître des lieux, l’inspecteur général Modibo Kane Kéita veille au grain. Les fraudeurs ont été mis hors d’état de nuire. L’informatisation aussi du circuit de délivrance des Intentions d’importation à la DNCC a beaucoup contribué à améliorer la qualité des documents d’importation. Pour autant, il reste beaucoup à faire dans le secteur du commerce des biens usagers importés pour minimiser leur impact sur le tissu industriel au risque de mettre à l’eau le projet présidentiel de création de 200 000 emplois à l’horizon 2018.

Concurrence déloyale

« Nous souffrons beaucoup de cette concurrence déloyale », a expliqué le vice-président de l’OPI, Thierno Saikou Oumar BA, non moins gérant de l’unité de fabrique de matelas, FOFY industries. Son amertume est également partagée par Mamadou Minkoro Traoré, président de l’APCM (Assemblée Permanente de la Chambre des Métiers), un autre secteur pourvoyeur d’emplois qui à l’instar du secteur industriel a désormais du plomb dans l’aile à cause de l’importation effrénée des produits de friperie.

« Le secteur de l’artisanat souffre énormément de l’importation des marchandises de friperie. La plupart de nos tailleurs, notamment la coupe et couture homme, ne travaillent plus à plein temps. Les clients ne s’y bousculent qu’à l’approche des fêtes de Ramadan et de Tabaski où beaucoup de gens s’habillent avec du neuf. Passé cette période, ils replongent dans la galère. Il faut rappeler que ce corps de métier souffrait déjà de la concurrence des prêts à porter. Les yougou-yougou (la friperie) n’ont fait qu’assommer un corps en voie d’extinction» se lamente-t-il. Avant d’ajouter que ces vêtements usagers sont des nids de maladies.

Outre les tailleurs, les cordonniers aussi en souffrent énormément. Car selon les professionnels du secteur, les demandes de sacs à main locaux autrefois très prisés ont du mal à tenir face à la rude concurrence de ceux importés d’Europe ou d’Amérique, qui sont proposés à vil prix. Le marché de la friperie bouscule également les grandes surfaces importatrices des produits de luxe : vêtements, sacs à mains et autres gadgets haut de gamme pour homme ou femme. Le secteur des meubles et mobiliers de bureaux de belle facture, les matériels informatiques, bref aucun segment de l’économie n’échappe à la filière, qui s’étend de plus en plus au commerce des animaux domestiques. D’où la grosse inquiétude. Car, il peut cacher des transactions illicites portant sur les espèces protégées. Actuellement, l’élevage et le commerce d’un oiseau d’origine asiatique qu’on appelle « Kaye » est très lucratif. Mais, nul ne peut dire qu’il a eu l’autorisation d’exercer le métier. Tout ce qu’on dit, c’est que c’est un oiseau porte-bonheur. Est-ce suffisant pour en vendre dans notre pays ? Aucun éleveur n’y est véritablement préparé. Or, si l’on apprenait quelque chose de cet oiseau mystique, c’était encore meilleur. Car, son élevage peut constituer une niche d’opportunité d’emplois les jeunes.

A défaut donc de pouvoir interdire l’introduction des produits usagers dans notre pays, le gouvernement peut tout de même veiller sur l’importation d’un certains d’entre eux, qui sont fabriqués chez nous en vue de préserver des emplois et protéger la population contre le risque d’infections virales dont ces produits peuvent causer. C’est le cas du matelas par exemple, qui est fabriqué par FOFY industrie. Celle-ci emploie des milliers de Maliens et paient des impôts et taxes au Trésor public. Certes, les produits usagers contribuent à faire tourner notre économie, mais l’idéal serait de fabriquer ces produits chez nous. Car, l’importation de ces produits ne profite qu’aux seuls commerçants et aux pays de départ. Lesquels sont libérés des tonnes de déchets (solides), dont la transformation coûte une fortune. C’est dire que c’est un véritable challenge qui attend le nouveau président du Conseil National du Patronat Malien (CNPM), Mamadou Sinsy Coulibaly, également promoteur de plusieurs unités industrielles. Lui qui admet comme seul dogme : « il n’y a pas de miracle dans le processus de développement d’un pays, seule l’entreprise peut créer des emplois ».

Lassina NIANGALY
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