Le Président malien IBK vient d’effectuer une visite d’Etat de deux jours en France, visite au cours de laquelle le Mali a été non seulement honoré, mais aussi et surtout des promesses faramineuses d’aide lui ont été faites afin de booster son économie. Comme à Bruxelles et à Tianjin, la conférence des donateurs de Paris vient de promettre à son tour 3 milliards d’Euros aux autorités maliennes afin de bâtir un Mali Emergent. Les fruits respecteront-ils cette fois-ci la promesse des fleurs ? Paris sera-t-il différent de Tianjin ? Le panier de la ménagère en ressentira-t-il enfin les retombées ? Réussira-t-on à pêcher tout le poisson promis et si oui la moisson sera-t-elle équitablement partagée entre tout le Mali du nord au sud, d’est en ouest ?
L’on se rappelle de l’accueil populaire et triomphal réservé au président de la République Ibrahim Boubacar Keita au retour de sa visite officielle en République Populaire de Chine où il avait participé au Forum Économique Mondial d’été 2014 à Tianjin. A l’aéroport international de Bamako l’ambiance était à la réjouissance populaire, le Président tout sourire était descendu de l’avion avec une telle énergie qu’il serrait la main de ses ministres venus l’accueillir comme d’un champion célébrant son trophée. Certains ministres RPM on se rappelle avaient déjà vite crié à la victoire.
Et votre journal dans sa livraison N°18 du lundi 15 septembre 2014 appuyait cet enthousiasme populaire et titrait de bonne foi : « Le réveil d’IBK ? L’avion présidentiel ramène 18 milliards de Tianjin ». Seule l’opposition ne crut pas au Père Noel. À l’époque, elle avait même alerté au grand Bluff du Président, qui, au centre de beaucoup d’affaires rocambolesques, s’était attiré la sympathie de son peuple qui attendait de lui des actions concrètes.
Faisant le bilan de ce que le RPM avait qualifié de visite d’opportunités, le Gouvernement avait égrené tout un chapelet de promesses et de dons :18 milliards de FCFA de don sans conditions, un prêt de 8 milliards de FCFA sans intérêt soit 26 milliards de FCFA. La Chine a offert gracieusement 600 bourses d’études aux étudiants maliens sur une durée de 3 ans et des équipements médicaux d’une valeur de 80 millions de FCFA. Cette n’est peut-être pas exhaustive, mais ce sont là les actions concrètes engrangées par le Président de la République IBK en Chine.
En outre ces dons, étaient aussi des engagements d’aide jusqu’à hauteur de plus de 5000 milliards qui ont été pris par les entreprises chinoises. Mais aujourd’hui qu’en est-il de ces promesses de Tianjin ? Si des actes concrets d’investissement avaient connu un début d’exécution, les différents domaines socioéconomiques auraient connu un essor fulgurant et le « kankelenTigui » aurait été un homme de parole dont nous nous serions empressés les nouvelles promesses de l’OCDE de Paris.
Où en sommes-nous aujourd’hui 13 mois après Tianjin ? Rien. Ni communication, ni exécution encore moins de premières pierres posées. La fuite en avant serait-elle la nouvelle méthode de gestion pour calmer un peuple impatient qui revient de loin ? Aussi, la question légitime que tous Maliens se posent est de savoir en quoi Paris sera-t-il différent de Tianjin et de Bruxelles ?
La France sera-t-elle plus crédible que la Chine et la Belgique, des pays qui ont mêlé leur nom à des engagements qui n’ont jamais encore été tenus ? Comme à Tianjin et à Bruxelles, les donateurs à Paris viennent aussi de s’engager à travers l’Organisation de Coopération et de Développement Economique (OCDE) encore à aider le Mali à hauteur de 3 milliards d’Euros pour la relance de son économie et le développement de ses régions du Nord. La qualité des relations personnelles entre IBK et son camarade de l’internationale socialiste, le président français François Hollande jouera-t-elle cette fois-ci dans les décaissements en faveur du Mali ?
Toujours est-il que les peuples n’arrivent plus à croire aux promesses d’aide tant qu’elles n’ont pas été suivies d’effets, d’actes concrets et de réalisation sur le terrain. Le Mali a-t-il les capacités techniques et organisationnelles de mobiliser et de décaisser tous ces fonds promis selon les procédures et exigences de ces bailleurs de fonds ?
La faible qualité des ressources humaines de notre Administration publique, le peu d’engagements et de patriotisme qui caractérisent le fonctionnariat au Mali ne militent pas en faveur d’un tel optimisme. Tout porte à croire que la quasi-totalité de ces fonds ira à l’achat d’expertise et de consultants de ces mêmes pays donateurs. D’où la question de savoir à qui profite réellement ce genre de promesses. L’Afrique doit cesser d’être naïve en croyant qu’elle se développera sur la base des aides extérieures.
En définitive, le peuple malien vit aujourd’hui entre l’espoir des promesses non tenues et l’amertume des attentes déçues. Vivement les décaissements de Paris pour amorcer le développement au Mali.
Youssouf Sissoko