Chers amis,
Je crois que je vais faire parler mon cœur.
François, c’est un bien très grand moment pour moi.
J’allais dire Monsieur le Président de la République française, cher ami, des visites à l’Élysée se suivent, mais ne ressemblent point.
Lauréat du Soudan, j’ai été invité, vous l’avez rappelé dans des conditions que vous avez indiquées. Je suis aujourd’hui dans cette maison, la plus célèbre de France, pour voir mon pays honoré ; car tout ce qui se fait depuis que nous sommes ici ; tout ce qui se fait aujourd’hui, y compris en Sorbonne, où je vous ai regretté, Mme KAIDANKOS, vous qui avez accepté de diriger mes travaux, modestes travaux sur les relations soviéto-maliennes.
J’ai tenu à vous rendre hommage et le mérite de Mme le Proviseur, pour m’avoir initié aux relations soviéto-africaines, singulièrement, je voulais dire, les relations avec les pays du Moyen-Orient et l’Égypte.
Donc, aujourd’hui nous avons célébré avec faste, avec grande émotion, cette amitié féconde qui a traversé les ans avec une constance, une finesse, une délicatesse, une humanité très profonde qui fait que nous ne saurions jamais nous oubliés les uns et les autres.
Vous savez, j’ai les souvenirs des familles qui m’ont accueilli, jeune africain de 13 ans qui débarque dans le froid parisien, qui est accueilli dans un établissement dont je saurais plus tard qu’il est célèbre. Je pense chers amis, vous savez de quoi donc je parle, Jeanson de SAILLY et le bonheur d’être accueilli par une famille voisine les AUFOIE de Normandie.
M AUFOIE était, à l’époque, ambassadeur itinérant et conseiller du Général De GAULE, qui d’ailleurs, a fait une visite au Mali à cause d’une petite trouble ; une anecdote !
J’étais lycéen en ce moment au Terrasson de Fougères. L’ambassadeur AUFOIE arrive, me fait inviter par le gouverneur à prendre un petit déjeuner avec lui au Palais de Koulouba. J’ai mes souvenirs de Jeanson, je mets mon blaiser, mon pantalon de flambeur gris et avec fierté, je m’installe dans la voiture du gouverneur pour aller au petit déjeuner.
À mon retour, il m’a déposé dans la cour du Lycée, je rejoint ma classe, une classe de mathématique, dont je n’étais pas l’élève le plus brillant. Et mon épouse qui était ma condisciple à l’époque était bien meilleure que moi. J’avais des intrigues pour le Latin et le Grec.
Monsieur PLENIRE, professeur de mathématique : « M KEITA, d’où venez-vous comme ça ? »
-Je viens de chez M le Gouverneur.
-Fanfaronne avec ça ! Pourquoi pas chez le Pape ?
-Je dis M PLENIRE, je viens de chez M le Gouverneur.
-Au petit coin, au pilori, voilà un peu ces amitiés chaudes, dont on ne saurait jamais oublier la délicatesse et tout ce qui fonde les relations solides entre les hommes. Car nos relations sont de celles-là, des relations à hauteur humaine, très fortes, très fortes pour qu’elles résistent à tout.
Dans la tourmente qui a été nôtre, où nous avons perdu un moment tout espoir, quand nous voyions nos femmes violer, quel que fût l’âge ça importait peu; nos enfants fouetter pour porter du Bleu-Jean ou pour avoir écouté de la musique profane, du jazz, du rap, ou des musiques d’aujourd’hui.
Quand nous avons vu nos écoles fermer, nos maîtres brutaliser, nos mausolées, pour certains multimillénaires, quand nous avons vu Tombouctou, la Cité du savoir, de l’érudition, violer, agresser, amputer ; Mme BOKOVA, nous avons eu beaucoup d’émotions quand vous étiez venue au Mali, il ya deux mois, pour procéder à la remise au Mali des monuments et mausolées restaurés. Merci à l’UNESCO, merci à vous, chère Madame.
Nous avons désespéré et nous croyions au fond de l’abîme, nous avons crié, on nous a pas entendu, beaucoup n’ont pas entendu, mais vous nous avez entendu cher ami, François HOLLANDE. Votre décision, il vous a fallu, cher Président, cher ami, tant de courage, tant d’audace, pour décider ce 11 janvier, vous et le gouvernement de France et toute la classe politique qui vous a suivi, je la joins dans le mérite, décidé de frapper fort, d’intervenir au Mali, en faisant décoller de Saint-Dizier et de N’djamena des rafales et des mirages.
Konna qui s’apprêtait à subir une violence inouïe, 400 Jeeps, 400 pick-up étaient en lisière de la ville, phares braqués sur la ville. Vous comprenez la psychose ; certains ont perdu la raison, nous a-t-on dit. Cela fut arrêté net, tout net. M le président, cher Jean Yves Le DRIAN, voilà à quoi Serval a servi. Nous ne saurions jamais l’oublier.
C’est pourquoi il nous tenait à cœur, pays d’honneur, de dignité et de profonde historicité, à notre tour, de faire tout ce qui sera de notre possible pour que l’histoire vous donne raison, M le président. Que vous n’ayez pas pris ce que vous avez pris comme décision en vain ; que l’intervention française au Mali, non seulement apaise le pays et le stabilise, mais mieux conforte la démocratie malienne, lui donne vigueur. Et qu’à terme, ce pays, si cher à la France et à vous même, se retrouve avec lui-même, réconcilié avec tous ses fils et reprenne son parcours historique et surtout étonne le monde.
Quand je reçois aujourd’hui nos frères des mouvements, c’est un bonheur pour moi. Certains que je vois, pour la première fois, chef de guerre notamment quand ils me disent leur confiance, en homme d’État que je suis, je vous assure cela me cause une profonde émotion. Je dis simplement que je suis à la tâche. Vous êtes chez vous, ce palais est le vôtre, vous y serez toujours bien accueillis, fils du Mali, fils du Mali, il en saurait être autrement. Il ne surviendrais jamais à personne de vous en empêcher.
Vous avez vu le bonheur suprême : la réouverture des classes à Kidal, après 3 ans d’interruption. Car je dis toujours que tout peuple qui ne saurait pu soigner ces choses humaines, excusez-moi du terme, sera irrémédiablement largué. Nul ne saurait être invité au banquet qui n’aurait mérité.
Nous avons obligation rigoureuse de faire en sorte que le Mali soit au rendez-vous des hommes ; que le Mali soit au rendez-vous de l’honneur et de la dignité. Que notre pays, vieux pays de savoir, doit retrouver son cours normal et sa place dans le concert des Nations.
Merci, chers amis, d’avoir fabuleusement contribué à ce faire.
Aujourd’hui est, pour nous, un jour de bonheur absolu, intégral, total que cette soirée au cours de laquelle je peux dire Monsieur le président, vous ne vous êtes pas trompés. L’histoire retiendra du succès du Serval au Mali et de tous ces jeunes Français qui ont perdu la vie dans le massif du Théreghar. Si dur ce massif montagneux que le soleil et les semelles se fondaient quand il est 50 °c à midi et des amplitudes inouïes, frôlant le 0 °c la nuit… vous comprendrez qu’il a fallu du courage à ces jeunes gens-là pour exécuter leurs missions que vous, chef des armées leur avaient confié. Les missions sont parfois difficiles, certains y sont restés, Damien BOITEUX a été le premier ; Damien BOITEUX que chaque Malien se fait un devoir d’honneur de faire revivre à travers le prénom qu’il donne à son enfant. Les Damiens sont nombreux aujourd’hui au Mali comme les François, ah oui ! Comme les François. Tout cela, chers amis, pour vous dire que le Mali se souviendra, le Mali n’oubliera pas. Merci du fond de mon cœur, chers amis Français.
L’amitié, la vraie, c’est celle-là qui fait que les gens se comprennent, se considèrent comme respirant à la même hauteur, à la nôtre, merci.