haque année, dans le monde, de vieux conflits s’aggravent, de nouveaux émergent et, parfois, certaines situations s’améliorent. Les orages menaçant l’année 2013 ne manquent pas: une fois de plus, des points névralgiques anciens et nouveaux mettront en grand danger la sécurité des peuples sur toute la planète.
La plupart des listes ont naturellement un caractère arbitraire –et cet inventaire des crises à surveiller en 2013 ne déroge pas à la règle. La priorité de l’un peut très bien être insignifiante pour le voisin, et le cri d`alerte d’un analyste passer pour de l’alarmisme aux yeux d’un autre.
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Dans certaines situations –en Asie centrale, peut-être– la prévention a vraiment un sens: le chaos n’est pas encore advenu. Il est plus compliqué d’anticiper le moment où cela se produira, ce qui le déclenchera et le degré de gravité de la chose.
Dans d’autres –en Syrie évidemment– la catastrophe nous étant déjà tombée dessus, la notion même de prévention peut sembler absurde. Elle ne veut rien dire, sauf à essayer d’empêcher que le cauchemar ne s’aggrave ou ne se propage.
Le «top 10» des crises qui suit n’intègre donc pas la violence actuelle liée au narcotrafic au Mexique, les tensions qui bouillonnent autour de la Mer de Chine orientale ou la possibilité de conflit sur la péninsule coréenne après le lancement de fusée de Pyongyang.
Ils auraient pu en faire partie...
Comme si ce mélange n’était pas assez explosif, les nouveaux dirigeants arrivés à la tête de la Chine, du Japon et de chaque côté de la zone démilitarisée de la Corée pourraient bien se sentir obligés de faire reluire leurs références nationalistes à grands renforts d’agressions.
Et je ne mentionne pas non plus les prochaines élections au Zimbabwe, le traumatisme qui frappe actuellement la Somalie ou les évocations de guerre en réaction au programme nucléaire iranien. Toutes ces situations pourraient aisément à elles seules constituer un top 10 des crises.
Se concentrer sur des pays rend également plus difficile de souligner certains courants et tensions qui se propagent à travers les diverses crises auxquelles nous serons probablement confrontés cette année. Voici donc, avant de commencer notre liste, quatre brefs exemples.
Les élections, comme chacun sait, constituent un immense facteur de tensions pour les régimes fragiles: si elles sont un bien à long terme, elles posent parfois des difficultés immédiates. Les élections présidentielles de 2011 en République démocratique du Congo n’ont pas su éviter ces difficultés, et la violence actuelle dans les provinces de l’Est de la RDC est au moins en partie imputable à la faillite de gouvernance que les élections ont plutôt exacerbée. Cette année, tous les yeux seront braqués sur la manière dont le Kenya et le Zimbabwe gèreront leurs élections, ainsi que sur la réaction de la région et du monde.
Le même genre de tensions oppose les bénéfices à long terme de la justice –promotion de la responsabilité et gestion d’une accumulation de griefs– et la réalité des risques immédiats qu’elle peut poser. Que ce soit au Yémen, au Soudan, en Syrie, en Libye, au Kenya ou en Colombie, le débat «la justice ou la paix» a grand besoin d’une réflexion nouvelle.
Le problème des sanctions
Le rôle des sanctions dans la prévention des conflits semble aussi trop souvent impliquer un dialogue de sourds. Les sanctions ont-elles encouragé le changement au Myanmar (ou Birmanie) –ou simplement puni son peuple, et non ses dirigeants? Sont-elles devenues une partie du problème au Zimbabwe plutôt qu’un moteur de changement? Et surtout, comment les sanctions vont-elles désamorcer la crise nucléaire iranienne, lorsqu’elles semblent envoyer à Téhéran le message que leur objectif n’est pas de changer le comportement du régime, mais le régime lui-même?
Il incombe peut-être à la communauté internationale de résister à la tentation d’imposer des sanctions comme une réaction automatique par défaut à une situation donnée; elles ne seront efficaces que si elles s’inscrivent dans une stratégie d’ensemble cohérente, et non si elles lui servent de substitut.
Enfin, un mot sur le règne de la loi. Trop souvent, nous voyons cette expression éculée utilisée dans le sens de «règne par la loi»: c’est-à-dire que des dirigeants autocratiques récupèrent le discours et les pièges de la démocratie, et utilisent la loi pour harceler plutôt que pour protéger. D’où la tendance de la communauté internationale à former et à équiper des groupes chargés de faire respecter la loi qui, aux yeux des civils dont ils doivent assurer la protection, n’ont probablement pas besoin de plus d’efficacité dans leurs techniques de répression. La communauté internationale doit se montrer plus vigilante vis-à-vis de cette comédie et davantage focalisée sur la substance de l’Etat de droit –et peut-être avant tout sur la notion d’égalité devant la loi– que sur sa forme.
Les nouveaux dilemmes
Il serait bon également que les lois de la guerre s’adaptent à la nature évolutive des conflits modernes. La guerre asymétrique et le vocabulaire de la «guerre contre le terrorisme» ont bouleversé la distinction critique entre «combattants» et «civils.»
La technologie crée elle aussi de nouveaux dilemmes. Malgré les revendications de précision des frappes chirurgicales, les attaques de drones produisent des dommages civils collatéraux difficiles à mesurer, tout en évitant à l’un des deux camps tout risque de morts ou de blessures. Dans certains cas, les tirs de drones peuvent aussi s’avérer contre-productifs: ils terrorisent et provoquent des traumatismes profonds chez les populations affectées, augmentant potentiellement l’adhésion aux groupes radicaux.
Difficile d’exprimer tout cela dans une liste. Mais maintenant que cela est dit, voici le «Top 10», établi par l’International Crisis Group, des menaces mondiales pour l’année à venir. Il n’est pas présenté dans un ordre de priorité, et tente d’inclure un assortiment des risques évidents et de ceux qui, à nos yeux, mijotent juste sous la surface.
Et parce que nous sommes de grands optimistes, nous lui avons ajouté trois pays où les événements récents laissent penser que l’année à venir pourrait amener la paix, pas des tourments. C’est ce que nous leur souhaitons à tous.