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Mali : Cheick Modibo Diarra est-il l’homme de la situation?
Publié le vendredi 18 mai 2012   |  Slate Afrique


Cheick
© Autre presse
Cheick Modibo Diarra, Premier ministre du gouvernement de transition


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Cheick Modibo Diarra, 60 ans, était l’un des présidentiables en lice pour les élections qui devaient se dérouler le 29 avril. Un mois après sa nomination au poste de Premier ministre de transition, il est la cible de toutes les critiques. Et son pouvoir ne tient plus qu’à un fil.
Attendu au tournant par la junte

Amadou Sanogo, l’ex-putschiste censé être rentré dans sa caserne depuis l’avènement d’un gouvernement de transition, a semé un peu plus de chaos en annonçant le 14 mai qu’il allait organiser une convention nationale pour désigner un nouveau… gouvernement de transition.

Il ne veut laisser aucune chance de s’éterniser au tandem formé par Dioncounda Traoré, président sans réels pouvoirs, et Cheick Modibo Diarra, Premier ministre sans réelle autorité. Selon Sanogo, les deux hommes avaient 40 jours pour mener à des élections, alors que la médiation de la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (Cédéao) leur avait donné douze mois…

La nouvelle équipe que veut former Amadou Sanogo ne sera pas imposée par la Cédéao, mais désignée par les forces vives et la classe politique malienne. Cheick Modibo Diarra en est pour ses frais: l’astrophysicien a beau s’appuyer sur un CV impeccable et rêver d’un destin présidentiel au Mali depuis plus de quinze ans, il est désormais perçu chez lui, comme un homme de savoir un peu opportuniste –et pas forcément compétent.
Manque d’expérience et de sens politique

Dès le départ, il était loin de figurer parmi les favoris, face à de vieux caïmans de la politique malienne comme Ibrahim Boubacar Keita (IBK) et Modibo Sidibé, tous deux anciens Premier ministres, mais aussi le technocrate Soumaïla Cissé et le chef de l’Alliance pour la démocratie au Mali (Adema), Dioncounda Traoré.

Du coup, sa nomination au poste de Premier ministre de transition a prêté à bien des interrogations –et pas seulement parce qu’elle s’est faite sans consultation de la classe politique et de la société civile.

Président depuis 2006 de Microsoft Afrique, dont le siège se trouve à Johannesburg, Cheikh Modibo Diarra n’a aucune expérience en matière militaire. Il ne fait pas le poids, face à la junte d’Amadou Sanogo, qu’il est censé avoir remplacé –mais qui dicte toujours sa loi.

Chef du Rassemblement pour le développement du Mali (RDPM), un parti très récent qu’il a fondé en mars 2011, il n’aura sans doute pas les moyens de tenir sa promesse de recouvrer l’intégrité territoriale du Mali, ni de mener le pays à des élections paisibles.

«Dans la conjonction astrale du moment, Bamako a besoin, non d’un oncle d’Amérique, mais d’un stratège aguerri et pugnace, suffisamment roué pour réunifier la patrie et tenir à bout de gaffe une junte avide d’honneurs et de prébendes», estimait déjà le journaliste français Vincent Hugeux au moment de sa nomination.

Un mois plus tard, les détracteurs du nouveau chef du gouvernement lui trouvent au moins quatre gros défauts. Pour commencer, il ne brille guère par son sens politique: il a mis deux longues journées avant de prendre la parole, après les troubles qui ont éclaté le 30 avril entre la garde présidentielle loyale à Amadou Toumani Touré (ATT) et les hommes de la junte répondant aux ordres d’Amadou Sanogo.
Modibo l’américain

Ensuite, il a peut-être trop longtemps vécu aux Etats-Unis, un pays dont il est devenu citoyen, ayant la double nationalité malienne et américaine. Il a travaillé de 1984 à 2002 pour la Nasa, plus occupé par l’envoi de la sonde d’exploration Pathfinder sur Mars que par les réalités du Mali. Il aurait d’ailleurs occupé, selon nos informations, des fonctions moins importantes à la Nasa que ce qu’il a bien voulu en dire.

Il est certes issu d’une famille influente. Son frère aîné, Sidi Sosso Diarra, n’est autre que l’ancien vérificateur général des comptes de l’Etat (2004-2011). Cet incorruptible a dénoncé dans ses rapports les malversations commises sous le régime d’Amadou Toumani Touré (ATT), le président renversé le 22 mars dernier. Très informé, il a sans nul doute pu «briefer» son cadet dans le détail sur la situation du pays.

Mais deux autres frères, installés à New York, sont des «Américains» comme lui: le diplomate Cheick Sidi Diarra est conseiller spécial pour l’Afrique de Ban Ki-moon, le secrétaire général des Nations unies, tandis que Cheick Hamallah Diarra est urbaniste à la mairie de New York.

Troisième handicap: on le soupçonne d’avoir des accointances avec son beau-père, l’ancien dictateur Moussa Traoré, au pouvoir de 1968 à 1991. Cheick Modibo Diarra a vu son propre père, le militant syndicaliste Moussa Diarra, faire de la prison sous le régime de Moussa Traoré.

Proche du Parti progressiste soudanais (PSS) de Fily Dabo Sissoko, Moussa Diarra a été déporté dix ans au fin fond du Sahara, de 1962 à 1972, dans la ville de Kidal. Ce qui n’a pas empêché le dernier de ses cinq fils, Cheick Modibo, d’épouser plus tard la fille de Moussa Traoré. Avant d’être renversé par les militaires, en 1991, ce président avait réprimé dans le sang un soulèvement populaire en faveur de la démocratie.
Proche du Burkina Faso

Quatrième reproche: il doit sa nomination au poste de Premier ministre à sa longue amitié avec Blaise Compaoré, président du Burkina Faso et médiateur dans la crise malienne. La preuve? Il a aussi bombardé Sadio Lamine Sow, conseiller de Blaise Compaoré, ministre d’Etat chargé des Affaires étrangères et de la coopération internationale. Cet ancien journaliste malien voyage avec un passeport diplomatique burkinabè.

Par ailleurs, le Premier ministre ne s’est encombré d’aucune personnalité d’expérience susceptible de le contredire ou d’avoir un poids significatif dans son gouvernement. «Le savant ne prête aucune oreille aux critiques», notait l’analyste malien Adam Thiam fin avril. Dans la mesure où le président par intérim, Dioncounda Traoré, a été dépouillé de tout pouvoir, tout se passe comme si le parti de Cheick Modibo Diarra avait gagné les élections «cadeau», sans mener bataille. Et sans remporter de victoire…

Sabine Cessou

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