Que nenni ! Le président malien n’est guère ce péquenaud chanté par le groupe musical ivoirien «Magic System» ! Par contre, le contexte géopolitique à l’origine de sa visite d’Etat et surtout les retombées pour le pays d’accueil indiquent clairement que le grand gagnant de cette randonnée présumée historique n’est pas forcément le visiteur. Au contraire, l’hôte a beaucoup plus de raisons de se réjouir.
Tout semble désormais oublié, pardonné, ou en tous cas, mis en veilleuse : affaires Tomi Michel, de l’avion présidentiel; du FMI, de l’engrais présumé «frelaté», des 1000 tracteurs… Et mieux : à l’issue de cette visite véritablement historique, le président malien se réconcilie non seulement avec cette France qui lui cherchait noise, mais aussi avec les Fonds monétaire international qui se montre subitement magnanime et conciliateur.
En marge de la donation de la France, soit 360 millions d'euros d'aide avec, à la clef, la cessation des hostilités au Nord et réunification définitive du pays, le président malien a toutes les raisons de se réjouir. A l’issue de cette visite aux mille et une retombées, il a désormais l’opportunité de se racheter auprès de ses concitoyens après deux années gouvernance chaotiques et de porter l’estocade à l’opposition dans la perspective des prochaines joutes présidentielles. Et pour cause. L’on se souvient que la seule mission à lui confiée par ses électeurs reste sans conteste la gestion définitive de la crise du Nord et par conséquent, la réunification du pays. Il est donc évident qu’en réussissant cette opération et en amorçant un véritable décollage économique, il prend une sérieuse option dans la perspective du prochain scrutin présidentiel. Toute chose de nature à réduire les chances des candidats d’une opposition qui, visiblement, éprouvent du mal à comprendre la volte-face de l’Elysée face un chef d’Etat qu’il donnait portant impression de honnir dans un passé très récent.
En clair, vu sous ces différents prismes, la visite d’Etat en question s’avère une réussite, loin de celle effectuée en Chine et… Enfin !
Et pourtant !
A l’instar de l’opposition malienne, nombreux s’interrogent à propos de ce changement de cap de Paris vis-à-vis d’un homme que ses services s’appliquaient pourtant à outrager dans un si proche passé. L’affaire des écoutes téléphoniques l’atteste. Les raisons ? Elles sont nombreuses et surtout, beaucoup plus importantes que ne le sont les retombées de la visite d’Etat pour IBK et pour son pays.
D’abord les socialistes français manqueraient cruellement d’«ambassadeur» dans cette partie du continent pleine d’avenir. Le départ musclé de Blaise Compaoré (Burkina) a quelque peu bouleversé les augures. Le Sénégalais Macky Sall et l’ivoirien Alassane Ouattara sont d’obédience américaine; Le Niger s’enlise toujours un peu plus dans la crise; Alpha Condé ne semble pas inspirer confiance… Bref, le président malien s’avère visiblement le moindre mal, non seulement au regard de la présence très visible de la France et son implication très profonde dans la crise sécuritaire. Et après tout, le président malien est socialiste et Français, deux atouts majeurs.
Ces facteurs ne suffisent évidemment eux seuls pour passer l’éponge sur toutes les maladresses du Malien. Il en faut, en effet mieux. La France, on le sait, est aujourd’hui en crise et Hollande craint pour sa réélection. A quelques encablures de la fin de son mandat, les chiffres ne le donnent malheureusement guère favori.
On estime que le chômage n’a pas baissé en France depuis maintenant 7 ans (source : le Figaro). Quant à la dette publique, elle prend l’ascenseur: «au premier trimestre 2015, la dette publique a augmenté de 51,6 Milliards d’euros pour atteindre 2.089,4 Milliards d’euros (soit 97,5 % du PIB)… Depuis la prise de mandat de François Hollande, elle a grimpé de 262,7 Milliards d’euros soit 14,4%, résultat d’une croissance atone et d’un déficit public répété (4,0% du PIB pour 2014 contrairement au 3,0% demandé par le traité de Maastricht) obligeant l’Etat français à se financer sur les marches obligataires»… Et «à un rythme de 100 milliards de dette additionnelle, la tension sur les taux pourrait être endogène et le surcoût de financement s’appliquer à l’ensemble de la dette française. La France devient de moins en moins crédible dans ses négociations financières sur la scène Européenne» (source : le Monde).
Et pour Gérard Filoche, une figure de la gauche du Parti socialiste, invité de France Info le vendredi 25 septembre dernier, «la suppression de 132.000 fonctionnaires est sur la table des négociations sociales»… Bref, ce n’est pas la période des vaches grasses pour la France à l’heure actuelle. Non plus la fin du monde selon les économistes qui préconisent de réagir vite en vue de contrôler le dérapage. Et c’est là qu’interviennent le Président malien et son pays. Le premier aidera à préserver l’influence dans la sous-région et le second ouvrira ses marchés et surtout, l’accès de ses ressources minières que l’on sait très importantes.
A l’issue de la rencontre avec l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques) et de la Conférence internationale pour la relance économique et le développement du Mali, de nombreuses décisions ont en effet été prises. Mais, même si les résultats ne seront visibles que dans les six mois à venir, l’on retiendra d’ores et déjà que plus d’une trentaine d’opérateurs français sont déjà arrivés à Bamako en vue de postuler pour les différents marchés, dont l’appel d’offres sera lancé dès cette semaine.
En clair, le Mali d’IBK est bien susceptible d’aider la France à sortir de la mauvaise passe dans laquelle elle se trouve, nonobstant les discours politiques minimisant la part des Etats africains dans la consolidation de l’ancienne métropole. Et les retombées de la visite du Président Malien semblent être seulement une goutte d’eau dans cet océan d’avantages que Paris est susceptible d’en tirer, aussi bien sur le plan géopolitique qu’économique. Mais bien entendu, le visiteur Malien lui, n’a encore d’yeux que pour son acquis. Mais tout indique que Monsieur Hollande se frotte les mains au même moment. Comme pour dire qu’on est toujours le «Gaou» de l’autre.
B.S. Diarra