Les bailleurs de fonds vont se pencher sur le cas du Nord-Mali le 22 octobre. Le chef de l'État sera pour l'occasion à Paris, mais, à Bamako, sa gestion du problème est très contestée.
IBK, qu’as-tu fait de ton baptême ? Après la visite du président malien en France les 21 et 22 octobre, ils sont nombreux, de Bamako à Paris, à repenser avec amertume aux espoirs placés en lui au lendemain de son élection. « On s’attendait à ce qu’il prenne les choses en main, mais il est resté dans le registre du discours et de l’incantation », résume un diplomate européen en poste à Bamako, sans faire mystère de sa « déception ».
Ce 19 septembre 2013, la cérémonie d’investiture d’Ibrahim Boubacar Keïta avait pourtant des allures de sacre impérial. Pas moins de seize chefs d’État, ainsi que le roi du Maroc, avaient fait le déplacement au stade du 26-Mars, à Bamako. Au chevet du pays depuis dix-huit mois, la communauté internationale voulait croire alors que les Maliens avaient désigné l’homme providentiel, et que la perspective de voir s’installer au cœur de la bande saharo-sahélienne un califat jihadiste alimenté par le narcotrafic n’était plus qu’un mauvais souvenir. Un mois plus tôt, IBK avait été plébiscité, avec un score frôlant les 78 %. Ce quasi-septuagénaire blanchi sous le harnais n’incarnait-il pas l’autorité, la promesse d’une gouvernance assainie et, surtout, une détermination sans faille à éviter l’implosion du Mali face aux revendications sécessionnistes des groupes rebelles touaregs ?
L’erreur de Moussa Mara
Le règne d’IBK devait toutefois s’ouvrir par une entorse à la feuille de route héritée du régime de transition. Bien que le nord du pays restât une poudrière en puissance, le gouvernement issu des urnes allait faire litière d’une disposition essentielle contenue dans l’accord préliminaire signé en juin 2013, à Ouagadougou, avec les représentants des mouvements touaregs. Celui-ci prévoyait en effet la reprise des négociations soixante jours après la nomination du gouvernement. « IBK a manifesté une certaine méfiance vis-à-vis de cet accord, regrette Tiébilé Dramé, président du Parena (opposition) et artisan, côté malien, des négociations de Ouaga. Il s’en est tenu à l’écart et l’a occulté. »
Il faudra attendre février 2014 pour qu’une délégation du Conseil de sécurité de l’ONU vienne à Bamako rappeler au nouveau président les engagements contractés avant son élection par l’État malien. IBK rassura ses interlocuteurs, se disant favorable au « dialogue » – ce dont ses déclarations énergiques à l’égard des groupes armés avaient pu faire douter. Un chronogramme devait être élaboré « mais celui-ci ne prévoyait pas de reprise des négociations avant le mois d’octobre », s’étonne Tiébilé Dramé.
De la France à la Minusma, tout le monde avait pourtant mis en garde le nouveau Premier ministre face à une situation potentiellement explosive dans ce fief historique des rébellions touarègues
Début avril 2014, IBK est fragilisé par la démission de son Premier ministre, Oumar Tatam Ly, qui a jeté l’éponge au bout de sept mois. Le président du parti Yéléma, Moussa Mara, un quadragénaire au verbe haut et aux ambitions aiguisées, le remplace au pied levé. Mais un mois plus tard, ce dernier met le feu à la région de Kidal lorsqu’il décide d’y effectuer une tournée à hauts risques. « Cette visite était administrative, elle n’avait rien de politique », se défend Moussa Mara, selon qui « il fallait que le gouvernement soit présent sur le terrain ». De la France à la Minusma, tout le monde avait pourtant mis en garde le nouveau Premier ministre face à une situation potentiellement explosive dans ce fief historique des rébellions touarègues. « Il n’y avait pas d’urgence à se rendre à Kidal, il était préférable d’y consolider la présence de l’État par d’autres voies », estime Soumeylou Boubèye Maïga, l’ancien ministre de la Défense, qui paiera les pots cassés en étant contraint à la démission.
Un accord contesté
La visite de Mara tourne au fiasco. Le 17 mai, la délégation gouvernementale se retrouve prise sous le feu des groupes armés, lesquels s’emparent du gouvernorat. Huit préfets et sous-préfets, ainsi que des civils, sont exécutés. Quatre jours plus tard, en plein Conseil des ministres, IBK reçoit des rapports alarmants sur la déroute cuisante subie par l’armée malienne, dépêchée à la hâte à Kidal pour tenter d’y reprendre pied. « Le président a envisagé de démissionner », assure un de ses proches. « Ce fut l’un des tournants de son mandat, admet un ancien ministre. Le mythe de la résurrection de l’armée malienne s’est effondré, l’administration a reculé dans le Nord, notre crédit auprès des partenaires internationaux a été entamé, et le gouvernement s’est retrouvé en mauvaise posture à la table des négociations. »
... suite de l'article sur Jeune Afrique