Tapis rouge, des motards en grand nombre escortant le Mandé Massa à travers les rues de Paris, les Champs Elysées parés de drapeau malien, rencontres avec des hautes personnalités dont le président Hollande, conférence à la Sorbonne, visite des grands symboles de la République française comme la place des Invalides etc., tous ces honneurs de l’hexagone marqués du sceau d’une visite d’Etat ! C’est trop beau pour être vrai et c’est encore trop beau pour être gratuit. La France que les Maliens ont récemment détestée en brûlant même son drapeau, est subitement redevenue notre chère amie, jusqu’à se parer du drapeau malien, en accordant une visite d’Etat au 6e président malien, Ibrahim Boubacar Kéita.
Selon le site Wikipedia. org, « une visite d'État est une visite officielle d'un chef d'État étranger à une autre nation. Elle est souvent la plus haute forme de contact diplomatique entre deux pays. Elle est marquée généralement par des cérémonies. Dans les démocraties parlementaires, les chefs d'État peuvent décliner ou accepter les invitations. Toutefois, ils doivent le faire avec le consentement de leur gouvernement et l'invitation doit être délivrée ou acceptée à l'avance. Certaines visites officielles comprennent par ailleurs souvent ce que l'on appelle des « diners d'État » où le chef d'État étranger est l'invité d'honneur.
La visite d'État est, dans le protocole français, le degré le plus élevé des visites à l’étranger, devant le voyage officiel, le voyage de travail et le voyage privé. La visite d'État est fixée par un protocole et un décorum plus importants : après l’accueil à l’aéroport, le chef d’État étranger est transporté en hélicoptère jusqu’à l’esplanade des Invalides avec un passage autour de la tour Eiffel, puis il se rend au palais de l’Élysée accompagné par un détachement de la Garde républicaine, à cheval ou à moto. L'avenue des Champs-Élysées est pavoisée aux couleurs nationales du pays honoré. Un dîner d’État est organisé à l’Élysée, dans la salle des fêtes »
Voilà ce qui a été effectivement le menu de cette visite d’IBK en France. Le problème des Maliens n’est pas qu’IBK ait droit à çà ou pas, pour ne pas tomber dans le « hasidiya » (égoïsme), mais de savoir pourquoi la France nous accorde autant d’honneur, sachant bien que ce pays, comme l’a martelé un de ses dirigeants, n’a pas d’amis mais n’a que des intérêts ?
On aimerait bien qu’une telle visite soit inscrite dans un cadre amical, mais la France, une fois de plus, n’a pas d’amis, elle n’a que des intérêts. Alors, pour quel intérêt la France a-t-elle agi de la sorte ? L’hypothèse la plus plausible nous conduit à l’Accord d’Alger.
En effet, cette visite d’Etat intervient après la signature les 15 mai et 20 juin 2015 d’un accord pour la paix et la réconciliation au Mali. Un accord dans la conception duquel la France a su jouer un rôle de sous-marin.
Elle a d’abord cherché à fragiliser la position du gouvernement malien dans la gestion de la crise en maintenant un blocus autour de la ville de Kidal avec toutes les conséquences que cela a entrainé, pour ensuite nous contraindre à la négociation. C’est un gouvernement fragilisé par sa défaite militaire à Kidal en mai 2014, le retrait de son armée de plusieurs localités du Nord, et impuissant face aux velléités des groupes armés, qui est allé aux négociations à Alger.
Ce qui fait que le drapeau malien quand bien même il a servi de parure à la ville de Paris pendant cette visite d’Etat, ne flotte toujours pas à Kidal, cette ville malienne et plusieurs autres localités du Nord, malgré la signature de l’accord. Et de quel accord est-il même question ?
L’accord imposé
Un accord que beaucoup de Maliens perçoivent comme celui de la mort de notre nation, mais qui fait l’affaire de la France puisque accordant dans les faits une large autonomie aux régions du Nord, comme réclamée par les groupes armés (MNLA, HCUA, MAA-dissident) soutenus par la France depuis le temps de Sarkozy. Les Maliens ont encore en mémoire les propos inamicaux et irresponsables de Alain Juppé alors ministre des Affaires étrangères à l’Assemblée nationale française quand il disait en 2012 que ‘’les rebelles ont fait des succès remarquables sur le terrain et qu’il fallait aller à l’autonomie’’. Le pouvoir socialiste quand bien il a essayé de voiler ‘’ces intentions françaises’’ au départ, a fini par les réaliser en octroyant dans un accord imposé une autonomie aux régions Nord du Mali.
Tous les Maliens savent que cet accord n’est pas bon. Et les partis de l’opposition voient les germes d’une future partition du pays.
« Malgré les dénégations du président et du gouvernement, il n'y a pas l'ombre d'un doute : l'Accord d'Alger fera du Mali (s'il est appliqué tel quel) un État fédéral. Dans cette nouvelle fédération du Mali, les Régions-États seront dirigées par des présidents élus au suffrage universel direct qui sont à la fois chefs du législatif, de l'exécutif et de l'administration. Or la démocratie repose sur la séparation des pouvoirs et la décentralisation est synonyme d'organisation des contre-pouvoirs locaux », disait Tiébilé Dramé le 9 octobre 2015 à la Maison de la presse.
C’est peut-être pour cette raison que le rebelle Mahamadou Djéri Maïga félicitait le 20 juin 2015 au CICB, le président IBK pour avoir réalisé ce qu’aucun de ces devanciers n’a pu faire ! ‘’Par cet Accord, le régime du président Ibrahim Boubacar Kéita a réalisé ce qu’aucun régime n’a pu faire au Mali’’ Un rebelle qui ne jure que par la partition du pays qui félicite un président de la République pour avoir signé un accord où il trouve son compte ? Ça veut dire ce que ça veut dire. Car, à défaut d’une indépendance immédiate, l’accord prépare le terrain pour les années à venir.
C’est justement cet accord que la France a célébré avec cette visite d’Etat d’IBK. Une manière de se moquer de lui. Et puisque les Français savent qu’il est aussi friand des honneurs, (honneur du Mali oblige) ils n’ont donc rien négligé en la matière. Sinon à part cet accord et le traité de défense, tous compromettants, signés par le président IBK, en quoi la France peut-elle nous célébrer de la sorte ? Il est peut-être bon qu’on sache faire la part des choses.
Si notre amitié était aussi chaleureuse comme on le chante tant, la France n’allait pas aller à Kidal sans l’armée malienne, elle n’allait pas maintenir le blocus autour de Kidal, elle n’allait pas permettre aux jihadistes de venir tuer nos soldats et préfets les 17 et 21 mai 2014 à Kidal. Un invité d’une chaine de télévision française disait que la France soutient le MNLA parce qu’elle sait qu’elle a plus à gagner avec ce dernier que l’Etat du Mali.
A. V. S. D.