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Point de mire : De la Françafrique à la Mafiafrique
Publié le mercredi 28 octobre 2015  |  L’Inter de Bamako




L’histoire nous montre que de temps en temps, il y a quand même des réactions. Quand les gens touchent le fond, ils réagissent. Et moi, j’ai quand même une confiance très forte dans la capacité des Africains à réagir. Je pense qu’il y a eu une génération qui s’est fait endormir, anesthésier. Après l’élimination des leaders indépendantistes, une partie des élites a cru aux discours de la Banque mondiale, de la démocratie promise par la France, de la coopération, de l’aide publique. En même temps, il y a depuis quelques années une montée des prises de conscience. Ce n’est par hasard que des ouvrages destinés au public français, comme Noir silence ou la Françafrique (je ne les avais pas du tout conçus et écrits pour les Africains), ont eu autant de lecteurs africains.
Certains m’ont dit : «C’est extraordinaire, on a l’impression que vous racontez ce que nous avons toujours vécu». Je restitue simplement ce que l’on m’a apporté : ce sont des milliers de témoins africains qui sont venus nous expliquer ce qu’ils vivent dans leur pays. Leur problème, c’est que ces pays ont été divisés par les politiques coloniales, éparpillés ; avec de surcroit la répression des dictatures, aucun de ces témoins n’avait la possibilité de rapprocher la situation d’oppression que lui-même éprouve de celle que vit le voisin.
En lisant nos synthèses, ils se rendent compte qu’ils ont les mêmes adversaires. Cette prise de conscience progresse à toute allure. Elle a abouti entre autres à ce qu’aujourd’hui, alors qu’il n’y avait pratiquement aucun président africain légitimement élu il y a quinze ans, il y en a aujourd’hui plus d’une douzaine, un bon quart. Et presque chaque année, on observe de nouvelles conquêtes de la démocratie, parfois inattendues. Ces derniers temps, il y a eu Madagascar, le Kenya, le Ghana.
Des pays aussi importants que le Nigeria ou l’Afrique du Sud, de manière imparfaite certes, ne sont plus des régimes néocoloniaux. Il y a selon moi deux principaux poisons néocoloniaux : la soi-disant fatalité de la corruption et l’instrumentalisation de l’ethnisme. Le jour où les Africains mesureront l’ensemble des ressources dynamiques et des anticorps dont ils disposent contre ces poisons, ce jour-là, ils gagneront une force considérable, et ils enverront promener tous ces mécanismes qui les oppressent. Mais comme tous les changements de mentalité, ce n’est pas immédiat.
François-Xavier Verschave
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