BAMAKO, Le président malien par intérim Dioncounda
Traoré a demandé l`aide militaire de la France pour repousser une offensive
des groupes armés islamistes, ont indiqué jeudi soir des diplomates après des
consultations au Conseil de sécurité sur le Mali, le jour même où les
islamistes armés qui contrôlent le nord prenaient une localité du centre du
pays.
Parallèlement, des témoins et un responsable ont indiqué à l`AFP que des
avions militaires transportant des armes et des soldats étrangers étaient
arrivés jeudi à Sévaré (centre du Mali), où l`armée dispose d`un poste de
commandement opérationnel et qui est proche de Konna, la localité prise le
même jour par des islamistes.
Aucune indication précise n`avait toutefois pu être obtenue dans l`immédiat
sur le nombre et la provenance de ces avions, armes et soldats étrangers, un
des témoins travaillant à l`aéroport ayant évoqué la présence de Blancs parmi
les soldats.
"J`ai vu atterrir des cargos C-160 (avions de transport militaire, NDLR).
Ils ont débarqué des armes et des hommes. Certains hommes avaient la peau
blanche", a affirmé ce travailleur de l`aéroport de Sévaré (plus de 650 km au
nord de Bamako).
"Les avions ont fait plusieurs rotations à l`aéroport de Sévaré où ils ont
déposé du matériel et des hommes", a expliqué un autre travailleur de
l`aéroport.
Un troisième témoin a signalé la présence, parmi les avions arrivés jeudi,
d`un appareil de l`armée malienne, sans en préciser le type.
L`ambassadeur français auprès de l`ONU Gérard Araud a de son côté déclaré
que "les décisions françaises seraient annoncées à Paris demain", alors que le
Conseil de sécurité se réunissait jeudi soir en urgence pour débattre de la
situation au Mali.
La demande d`aide malienne est contenue dans deux lettres, adressées l`une
au secrétaire général de l`ONU Ban Ki-moon et l`autre au président français
François Hollande.
Selon des diplomates du Conseil de sécurité, la lettre adressée aux
autorités françaises est une "demande d`aide militaire".
Le gouvernement malien a annoncé que le président Traoré s`adresserait
vendredi à la Nation.
"La France est l`amie du Mali et se tient aux côtés de son peuple et de ses
autorités, en particulier dans les circonstances actuelles", a souligné M.
Araud.
Dans une déclaration adoptée jeudi par ses 15 pays membres, le Conseil de
sécurité a demandé un "déploiement rapide" de la force internationale au Mali
devant la "grave détérioration de la situation" sur le terrain.
Il a appelé les Etats membres "à aider les forces de défense et de sécurité
maliennes à réduire la menace représentée par les organisations terroristes et
les groupes affiliés" qui contrôlent le nord du pays.
L`ambassadrice américaine à l`ONU Susan Rice a indiqué que Bamako avait
"demandé un soutien extérieur, en particulier de la part de la France".
Décrivant la lettre du président Traoré à François Hollande elle a expliqué:
"Elle disait en résumé: +au secours la France+".
Il y a eu au sein du Conseil un "consensus clair sur la gravité de la
situation et le droit des autorités maliennes de rechercher toute l`assistance
possible", a-t-elle ajouté.
Des témoignages indirects et des informations sur plusieurs sites de
réseaux sociaux font état de nombreuses victimes dans les affrontements de ces
derniers jours entre l`armée malienne et les islamistes, les premiers depuis
neuf mois.
"Urgence d`agir"
Aucun bilan n`a pu être obtenu, mais un témoin joint par l`AFP a dit avoir
appris qu`"un carnage" avait eu lieu à Konna tombée jeudi aux mains des
islamistes, à 70 km de Mopti (640 km au nord de Bamako) où est basé
l`état-major régional de l`armée malienne.
"Nous sommes actuellement à Konna pour le jihad", a annoncé jeudi
après-midi à l`AFP un responsable du groupe armé Ansar Dine, Abdou Dardar.
"Nous contrôlons la cité presque en totalité. Après, nous allons continuer" à
progresser vers le Sud, a annoncé ce responsable joint par téléphone depuis
Bamako.
Il affirmait parler au nom des trois groupes jihadistes qui occupent
totalement le Nord, Ansar Dine, Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) et le
Mouvement pour l`unicité et le jihad en Afrique de l`Ouest (Mujao).
Pour l`ambassadeur français, la percée des islamistes peut être interprétée
comme "soit une démonstration de force dans le cadre de la négociation
politique, soit une décision d`avancer vers le Sud avant l`arrivée de la force
africaine".
Le déploiement de cette force de quelque 3.000 hommes a été autorisée par
le Conseil de sécurité le 20 décembre mais prendra dans les faits plusieurs
semaines, voire plusieurs mois.
Des témoins joints par l`AFP ont constaté que l`armée avait abandonné
Konna.
"Les islamistes sont entrés à Konna, ce sont eux qui contrôlent la
localité. Les militaires retournent actuellement vers Sévaré" à 12 km de
Mopti, a affirmé un des témoins. "Les militaires maliens ont battu en retraite
en direction de Sévaré. C`est la débandade totale ici", a dit un autre témoin.
"Les gens sont affolés. Les islamistes ont juré qu`ils allaient marcher sur le
sud du pays".
Selon plusieurs sources militaires, des affrontements à l`arme lourde
avaient eu lieu dans la nuit de mercredi à jeudi avant de reprendre dans la
matinée. Une source sécuritaire régionale avait fait état d`affrontements
jeudi après-midi près de Konna, en disant: "L`armée cherche à résister".
Une source diplomatique a affirmé que les islamistes armés étaient
désormais "à 20 km de la ville de Mopti", ce qu`aucune source n`a pu confirmer
à l`AFP à Bamako. La source diplomatique a également déclaré que la colonne
des jihadistes comptait près de 1.200 hommes équipés de véhicules tout-terrain
et pourrait décider de contourner Mopti pour se diriger plus au sud, vers
Bamako.
Par ailleurs, des policiers ont été déployés à Bamako pour éviter des
débordements, alors qu`une marche y était organisée jeudi, notamment en
soutien à l`armée.
burs/jr