A l’heure où nous bouclions, les nouvelles du front consternantes dans l’après-midi, étaient devenues soudain rassurantes. Plusieurs sources interrogées ont rapporté une intense activité de l’aviation à partir de Sévaré. Vers 21h, il y avait peu de doute que la donne se renversait pour les assaillants de Konna. Mais le happy-end que devront confirmer les heures à venir avait commencé par une vraie tragédie
De 18h à 1h du matin mercredi et de 8h à 15h jeudi : les salafistes ont gagné la première manche de la guerre de Konna. La nouvelle a glacé la capitale. Les habitants de Mopti-Sévaré accrochés au téléphone tout l’après-midi de la terrible annonce, avaient la peur au ventre et craignant maintenant que Sévaré ne tombe à son tour, ce que la propagande salafiste a répandu dans les Régions Nord, des résidents appelaient Bamako pour dire à leurs correspondants qu’ils s’apprêtaient à se réfugier dans la capitale. Du côté des assaillants cependant, le bilan serait extrêmement lourd, croit savoir Boukari qui dès mercredi avait déploré le jeune âge de moujahidine tombés au sortir de la ville. Des sources médicales font état également de blessés islamistes transportés qui à Douentza, qui à Gao. Les assaillants auraient aussi perdu une dizaine de voitures calcinées autour du théâtre des affrontements, selon les mêmes sources. Côté malien, la dizaine de témoignages recueillis à Konna sont sans appel « c’est un vrai carnage » prédit un transporteur qui n’a pas donné de chiffres cependant. Allaye, plus précis, parlait hier vers 17heures d’une cinquantaine de corps dans le bosquet de Bima » une zone arborée située à une dizaine de kilomètres de Konna pendant que des habitants de Sévaré ainsi que des sources hospitalières « se disent dépassés » par le nombre de blessés dans les rangs de l’armée. « Les salafistes ont récupéré également de l’armement lourd » ajoutent plusieurs de nos sources.
Le tombeur est un prêcheur local
S’il est difficile d’avoir des chiffres précis, il n’y a pas de doute qu’à Konna, s’est joué hier un nouvel acte de la tragédie malienne. A quoi la doit-on ? Nos soldats se sont battus comme ils peuvent » s’accorde t-on à dire dans Konna. Et pour des sources, la ligne de front a bougé un peu plus vers le Sud à cause de la stratégie des salafistes qui se seraient laissés poursuivre par l’armée avant que celle-ci soit interceptée par d’autres combattants islamistes plus aguerris et plus frais » Ceux qui au bord de plusieurs véhicules ont quitté Douentza au cri d’Allah Akbar, comme l’affirment plusieurs sources dans cette ville ? Hama, boutiquier à la sortie de Douentza sera même plus précis « j’ai compté dix sept Toyota, de mes propres yeux ». Il y a aussi, avertit un sécuritaire, que les salafistes ne reculent pas devant la mort. On peut les tuer comme des mouches mais ceux qui sont derrière continueront d’avancer ». « Nous ne pouvions pas croire en leur victoire ( celle des Salafistes, Ndrl) car nous pensions que notre armée avait le dessus ». Il est vrai que la veille et aux premières heures du combat jeudi les nouvelles étaient plutôt bonnes, côté malien. Quoiqu’il soit arrivé, la bataille du 10 janvier 2013, a tourné en faveur des jihadistes. Assaillis par les habitants de la localité incrédules, ceux-ci scandaient le traditionnel « Allah Akbar » à l’ombre d’une dizaine de véhicules tout terrain stationnés au carrefour de Sevaré à moins de 70km au Sud. C’est après la prière du Asr vers 16h, que le chef de l’expédition fera le tour de Konna. Une ville qu’il connaît sans doute, car ce chef n’est autre qu’Amadou Koufa, le prêcheur enflammé qui s’est illustré par sa croisade contre le projet de code de la famille querellé par le Haut Conseil en 2010. Il résidait à Sévaré jusqu’au moment où il a rallié le Mujao voici quelques mois. Originaire de Koufa, dans le Guimbala -périphérie de la zone lacustre du Mali- l’homme est un redoutable jihadiste dont le petit peuple à Mopti- Sévaré s’arrachait les enregistrements. De sources multiples, il se dit que l’armée sortie de Sévaré est allée à la rencontre des islamistes qui voudraient eux faire la koutba de ce matin dans les différentes mosquées de la capitale régionale. Comme à Tombouctou, le 2 avril dernier. S’ils gagnaient leur pari, Amadou Koufa serait alors l’émir de la Zone 10 ?