«Sassou peut demander à son peuple, c’est son droit», dixit François Hollande. La France a accordé l’indépendance aux pays africains contre la nomination ou l’élection de gouverneurs noirs. Ceux-ci, avec l’aide de la Françafrique, détruisent, volent les ressources de leur pays. N’est-il pas temps de rompre avec la France ? Tous les gouverneurs à la peau noire qui auraient trahi leur peuple au profit de la France répondront devant l’Histoire de leurs actes.
Ancienne colonie française, le Congo-Brazzaville est un archétype de la Françafrique. Troisième producteur d’Afrique de pétrole, ce pays est le plus endetté au monde par tête d’habitant. «70%» de la population vit en dessous du seuil de pauvreté. Les infrastructures sanitaires et éducatives sont délabrées ou inexistantes. Mais, au même moment, le clan au pouvoir étale ses fortunes accumulées grâce à la corruption.
Selon le FMI, entre 1999 et 2002, plus de 200 millions de dollars provenant de l’extraction du pétrole n’ont laissé aucune trace dans les comptabilités. Ces systèmes de détournement, réalisés avec la complicité de banques et d’entreprises françaises, sont largement cautionnés par Elf et Total qui fournissent presque 70% de leurs revenus pétroliers au Congo.
Je m’interroge alors à quoi sert la Constitution dans les Etats africains ? Révision constitutionnelle, référendum pourquoi ? A quelle fin ? A qui profitent ces changements de textes fondamentaux en Afrique ? Les conférences nationales avaient pour objectif d’assurer la transition entre un régime de parti unique et la démocratie. Ainsi, la classe politique africaine varie selon les réalités de chaque pays.
Au Congo Brazzaville : «la vérité n’existe pas. La parole est une arme pour protéger la famille, le clan et la tribu. La rumeur remplace l’information». Après la tenue de la conférence nationale, toute l’élite congolaise avait rejoint de façon dispersée (intérêt personnel) Denis Sassou Nguesso. Pourtant, il y avait beaucoup de griefs formulés contre lui. Une commission sur les assassinats était mise en place, qui devait faire la lumière sur tous les crimes politiques de 1999. Mais hélas ! Comme écrit notre confrère Thomas- Le Saint Loukombo dans le journal «Révélations» : «Se présentant comme un beau rendez-vous pour les pêcheurs en eaux troubles, la démocratie au Congo est un véritable bal des pros de l’embrouille. Le spectacle est étalé au grand jour. Sans honte, sur la place publique. Retransmis même sur les ondes. Tous en costume d’emprunt de démocrate, ils sont en piste. Exploitant l’ignorance du peuple et rivalisant en habilité dans l’art de jeter la poudre aux yeux. Comme toujours !».
Depuis 1970, il existe une pétro- dictature dirigée par quelqu’un de très lié aux services secrets français, qui s’appelle Denis Sassou Nguesso, l’ami de Chirac mais aussi très prisé des pétroliers. En effet, il ne demandait pour son pays, officiellement, que 17 % de l’argent du pétrole, du pétrole déclaré. Sassou, qui a aussi beaucoup endetté son pays, a été victime de la poussée démocratique du début des années 1990. Il y a eu une conférence nationale souveraine, un peu comme les Etats généraux de 1789, qui a voulu fonder un Etat démocratique, a fait adopter une Constitution et procéder à des élections présidentielles. Sassou Nguesso s’est présenté à ces élections, et il a obtenu 17% des voix. C’est vraiment Monsieur 17% : 17% du pétrole, 17% des voix.
La Françafrique n’a pas du tout apprécié cette évolution : elle a tenté un coup d’Etat, qui a échoué, mais dont on retrouvé la preuve, ce qui est rarissime dans le coffre-fort d’Elf, lors d’une perquisition. Les documents découverts, montraient que les réseaux Pasqua et El avaient tenté de renverser ce gouvernement démocratique. Dès lors la Françafrique préparait le retour au pouvoir de Denis Sassou Nguesso en lui fournissant des armes.
En 1997, une guerre civile éclate, objectif : renverser le régime en place. Il a fallu des soldats restés fidèles à Sassou, des milices recrutées par Denis Sassou Nguesso et armées par les pays voisins comme le Gabon, mais aussi la garde présidentielle de Mobutu qui venait d’être renversé, mais aussi ceux qui avaient commis le génocide au Rwanda et qui s’étaient réfugiés à Brazzaville, mais aussi un millier de soldats tchadiens transportés par la France en avion jusqu’à Brazzaville, pour finir, l’armée angolaise était là pour réinstaller l’ami de Chirac.
Denis Sassou Nguesso prit le pouvoir en 1997 par un coup d’Etat sanglant, financé par Elf et des banques françaises, avec le soutien militaire de l’Angola et du Gabon. Ce putschiste, est un monsieur extraordinaire, pour avoir réussi à s’attirer la bienveillance de tout l’arc politique française de l’extrême droite à l’extrême gauche. Ses valises sont très nombreuses et volumineuses. Le revoilà donc au pouvoir et, après tout, cela n’était que très banal en Françafrique, même si la guerre avait fait quelque dix mille morts. Il avait déjà dirigé le Congo de 1979 à 1992 (dont plusieurs milliers d’assassinats politiques lui étaient imputés). Seulement, Sassou Nguesso reprend ses mauvaises habitudes et, fin 1998, un tout petit début de guerre civile déclenche un rouleau compresseur avec les mêmes écraseurs : les Angolais, les anciens génocidaires rwandais, les anciens mobutistes, des tchadiens, les miliciens Cobras.
En 1999, 350 opposants congolais disparaissent dans l’affaire dite «des disparus du Beach». La même année 1999, les milices de Sassou Nguesso commettent sous sa houlette une série de crimes contre l’humanité qui ont fait pratiquement cent mille (100.000) morts, avec de villages totalement rasés, brûlés, des viols collectifs, souvent des miliciens ou soldats séropositifs. Une situation horrible, numériquement bien pire à ce qui s’est passé cette année-là et dont on a tant parlé, et Tchétchénie, au Kosovo et à Timor est.
Eh bien, en 1999, il y a eu au Congo Brazzaville plus de victimes que dans les trois pays réunis. Regardez la couverture médiatique du Kosovo, de Timor-Est et de la Tchétchénie et demandez-vous si vous avez entendu parler du Congo-Brazzaville en 1999, alors que c’est le berceau de la France libre. Quand vous voyez ça, vous comprenez qu’en fait vous ne savez rien de ce qui passe en Afrique francophone. Je vous donne encore un autre exemple de désinformation. Ce régime congolais qui a été réinstallé par la terreur a organisé une élection présidentielle début 2003 truquée. Elle a eu lieu le même jour que l’élection présidentielle au Zimbabwe. Tous les médias français ont envoyé un correspondant à Harare pour parler en long et en large de la dictature zimbabwéenne.
Personne n’a envoyé un correspondant à Brazzaville où se tenait le même jour de l’intronisation d’un dictateur encore plus sanguinaire. C’est ça, l’information ! Parmi ceux qui ont remis Denis Sassou dans son fauteuil présidentiel, il y a les vrais mercenaires et vrais-faux mercenaires. Les vrais-faux mercenaires sont inquiétants pour la démocratie et les vrais aussi. C’est au début des années 1990 que la décision a été prise par Mitterrand de multiplier par trois les forces de commando du genre «Service Action» de la DGSE. Ce sont eux qui ont fait sauter le Rainbow Warrior en Nouvelle Zélande, en recrutant dans l’infanterie de marine, dans la légion, pour continuer ce qu’on appelle le Commandement des opérations spéciales : des forces capables d’intervenir de manière non officielle et sous des déguisements divers.
Charles Josselin, ancien ministre de la Coopération, a dit dans «Jeune Afrique» qu’il y avait beaucoup de confusion au Congo Brazzaville car trop de mercenaires français qui avaient «à peine eu le temps de quitter l’uniforme qu’ils portaient hier ; et qu’ils porteront demain», pourrait-on rajouter. Il s’agit en fait de gens des forces spéciales qui jouent les intérimaires de mercenariat. On voit bien à travers ces quelques exemples le fonctionnement de la Françafrique. Elle envoie des soldats très efficaces, tout en les déguisant en mercenaires pour que la France ne soit pas responsable de ce qui se passe. La fortune personnelle de Denis Sassou Nguesso est estimée à plus de 100 millions de dollars.
Le Cameroun : Pays riche en matières premières (pétrole, bois, minerais), le Cameroun, qui fait la fortune des entreprises Bolloré, Bouygues ou Rougier, est une mosaïque de populations et de religions. De 1955 à 1971, il a été le théâtre d’une vaste guerre de libération nationale, fondée et menée par Ruben Um Nyobé, tué au maquis en 1958 par les services secrets français. La répression sanglante des indépendantistes, absente des manuels d’histoire français, fut menée par l’armée coloniale. Après l’indépendance en 1960, elle fut prolongée par le chef d’Etat camerounais, Ahmadou Ahidjo, avec le soutien de l’armée française.
En 1982, le Premier ministre Paul Biya succède à Ahidjo. Elu président de la République en 1984, puis réélu régulièrement par la suite (1988,1992), il a procédé à plusieurs réformes constitutionnelles. Et depuis, il s’est succédé à lui-même par une série d’élections truquées et de répressions sanglantes. Les répressions d’une tentative de coup d’Etat en 1984, puis des manifestations exigeant une conférence nationale en 1992 firent respectivement un millier et plusieurs centaines de morts.
Le Tchad : Depuis son indépendance en 1960, cette ancienne colonie française n’a jamais connu la paix. Coups d’Etat, dictatures, guerres civiles. Les différents pouvoirs qui se sont succédé se sont maintenus par le trucage des élections, la répression des opposants politiques, la corruption et le soutien militaire français.
Des gisements de pétrole sont découverts dans le sous-sol tchadien en 1990. Et depuis, la Françafrique s’est confortablement installée. Interrogé sur le rôle de la France au Tchad, Bruno Joubert, le responsable Afrique de la Cellule diplomatique de l’Elysée sous Sarkozy dit ceci : «Il n’y a pas de démocratie parfaite en Afrique (…) Nous n’avons personne pour remplacer Deby».
Le Rwanda : En 1990, François Mitterrand imposa au Rwanda, pays qui dépendait largement de la coopération française, de démocratiser et d’installer le multipartisme, ce qui eut de graves conséquences : la démocratie déclencha une guerre cruelle qui disloqua la société rwandaise. Résultat ? Musée du génocide des milliers de crânes humains.
A propos du Rwanda, Pierre Péan, dans son livre intitulé Carnages écrit ceci : «Au Rwanda où la Françafrique, amie du dictateur Habyarimana qui développait une sorte d’apartheid au sein de son pays, a pendant les trois mois du génocide soutenu militairement (par des livraisons d’armes), financièrement (par de gros chèques) et diplomatiquement (à l’ONU), le régime massacrait 1 million de personnes dans des conditions horribles. La complicité de la France dans ce génocide d’un million de personnes est à mon avis le plus grand crime français du 20ème siècle».
Togo : La France au secours d’un vieil ami : Un quart de siècle de dictature avec la complicité de la France. Trois ans après la proclamation de l’indépendance de la jeune République togolaise, ce fut l’irruption brutale de l’armée dans la vie politique. Le 13 janvier 1963, Sylvanus Olympio, le premier président démocratiquement élu, est assassiné par le sergent Eyadema à la tête d’une clique d’anciens soldats démobilisés de l’armée coloniale française, en conflit depuis quelque temps avec le nouveau régime togolais qui n’avait certainement pas de sympathie pour ces revenants d’Indochine et d’Algérie. Mais de nombreux documents existent, attestant que ce coup d’Etat, le premier du genre en Afrique noire, fut couvert par les services de Jacques Foccart, ex- spécialiste des affaires africaines et ex-éminence grise de l’Elysée.
Sylvanus Olympio avait su cristalliser à un moment historique les aspirations du peuple togolais vers la liberté et l’indépendance, mais l’origine sociale de ce dirigeant son appartenance à cette bourgeoisie dite compradore (diplômé en sciences économiques de l’Université d’Oxford, il fut un des responsables importants de la multinationale Unilever en Afrique).
L’avaient rendu insensible aux besoins économiques et sociaux réels des masses populaires qui l’avaient porté au pouvoir. Sylvanus Olympio n’avait qu’une obsession : faire du Togo une «Suisse africaine» en couvrant largement le pays aux capitaux étrangers surtout anglo-saxons. Il remettait ainsi en question les intérêts économiques traditionnels français au Togo et devenait aux yeux du gouvernement français un exemple dangereux que certains chefs d’Etat francophones d’Afrique commençaient à regarder avec intérêt et sympathie. A l’évidence, l’assassinat du nouveau chef de l’Etat est le résultat des contradictions inter- impérialistes de la lutte pour la conservation des chasses gardées. Après avoir tiré les ficelles dans l’ombre pendant une période de quatre années au cours de laquelle le Togo fut apparemment gouverné par un homme de paille pro- français inconditionnel. Nicolas Grunitzky (largement battu aux élections de 1958), le «sergent-général» Eyadema soigneusement encadré par des conseillers civils et militaires français profite du mécontentement généralisé de la population pour reprendre ouvertement le pouvoir le 13 janvier 1967.
Pendant un quart de siècle, le peuple togolais sera bâillonné par une des dictatures les plus sanglantes d’Afrique. Des enfants, des femmes, des personnes âgées sont régulièrement arrêtés, sauvagement brutalisés, torturés et même assassinés pour la moindre contestation du régime pour la moindre protestation contre l’injustice et l’insécurité. Des centaines de personnalités civiles ou militaires soupçonnées souvent à tort d’appartenir à des mouvements d’opposition clandestins sont régulièrement arrêtées, torturées, assassinées ou contraintes à l’exil. Les estimations les plus crédibles tournent autour de 8.000 morts ou disparus sur une population de 3 millions de personne.
À titre de comparaison, c’est comme si le général de Gaulle, Georges Pompidou, Valéry Giscard d’Estaing et François Mitterrand avaient organisé aux cours de leurs mandats présidentiels la mort et la disparition de plus de 120.000 citoyens français. C’est donc le terrible bilan de ce dictateur à la tête d’une armée pourtant encadrée et conseillée pendant ces longues années par des experts militaires français. Ce régime depuis longtemps rejeté par le peuple togolais n’a survécu que grâce au soutien militaire et financier de tous les gouvernements français de droite et de gauche.
En 2005, le dictateur togolais décède. Son fils prend le pouvoir à l’issue d’un putsch en deux temps : manipulations institutionnelles puis élections truquées. Contesté par l’opposition, ce coup d’Etat se soldera par un écrasement du mouvement démocratique (causant la mort de plus de 800 personnes). Une fois le «verdict des urnes» connu, Faure Gnassingbé est aussitôt félicité et reçu par Jacques Chirac à l’Elysée, et ce malgré les condamnations de la quasi-totalité de la communauté internationale.
Soudan du Sud. La partition du Soudan a donné naissance à une guerre civile. L’indépendance du Soudan du Sud a débouché sur la guerre ethnique : confrontation entre Dinka et Nuer.
Libye. En Libye, la démocratie débouche sur le chaos. C’est Nicolas Sarkozy qui entreprit de détruire la Libye au nom du terrorisme des groupes islamistes soutenus par le Qatar et la Turquie.
Fanta CISSE