De Tianjin (en Chine) à Paris en passant par le Qatar, le Président Kéïta a effectué des voyages remarqués, tous plus budgétivores et tous plus surmédiatisés les uns que les autres. Aujourd’hui, l’on s’interroge sur l’impact de ces déplacements.
Au retour de Tianjin, où le chef de l’Etat avait été l’invité d’honneur du forum économique mondial « World Economic Forum of the new champions 2014 », la direction de la Communication et des Relations publiques de la Présidence de la République, dirigée à l’époque par notre confrère Sambi Touré, avait annoncé l’obtention par l’illustre hôte malien « d’un don sans conditions » de 18 milliards de FCFA (27 millions et demi d’euros), ainsi que d’un prêt sans intérêt de 8 milliards de FCFA (un peu plus de 12 millions d’euros) par la Chine à notre pays. Se trouvait aussi dans la corbeille la signature de plusieurs conventions, portant notamment sur la construction du 4ème pont de Bamako, de la ligne de chemin de fer Bamako-Conakry, du pont sur le Niger à Ségou, de la centrale solaire de Kati, de cinq ports secs à Sikasso, Kayes, Nara, Narena et Gao. Au total, il avait été annoncé un investissement de près de 1.500 milliards de francs CFA par les Chinois au Mali.
Près d’une année après cette visite, rien de concret n’est à constater. Tout juste peut-on relever un don d’équipements roulants par le gouvernement chinois destiné à nos forces de sécurité.
Peu après la Chine, ce fut le voyage au Qatar où le président IBK s’était fait accompagner d’une délégation forte de près d’une centaine de personnes (ministres, opérateurs économiques, etc.). Encore une fois, aucune retombée concrète ne peut être relevée. Aucun investissement significatif n’est venu de la partie qatarie. Ni dans le domaine minier ou pétrolier, ni dans l’agro-industrie, encore moins dans les grands travaux comme la construction de routes, de ponts ou de barrages.
La semaine dernière, le président de la République était à Paris pour une visite d’Etat. Privilège dont bénéficie pour la première fois un chef d’Etat malien. Pourtant dès l’arrivée dans la capitale française, un premier accroc est apparu dans la solennité du protocole. Le Président de la République du Mali a été bien accueilli à sa descente d’avion par un président, mais un président de région. Le reste du programme s’est déroulé comme indiqué : un dépôt de gerbes à l’Arc de triomphe, une remontée de l’avenue des Champs Elysées décorée pour la circonstance du drapeau du Mali, mais sans le président français François Hollande à son côté, un diner d’Etat, un entretien au palais de l’Elysée, une visite à la Sorbonne, une rencontre avec la communauté des Maliens résidant en France, etc.
L’un des temps forts du séjour était la conférence internationale pour la relance économique et le développement du Mali au centre de conférences de l’OCDE. A cette occasion, les intentions de contribution exprimées par certains partenaires réuniraient environ 3,4 milliards d’Euros, soit plus de 2 000 milliards de nos francs. Précisons que ce ne sont que des intentions. Seule la France s’est montrée plus concrète, en annonçant 360 millions d’Euros en dons et en prêts. Elle a précisé que 80 millions seront exclusivement destinés au développement des régions du Nord du Mali. C’est donc Paris qui décide où et comment son fonds sera utilisé. Inévitable corollaire de ce choix, il faut s’attendre à ce que ce soit des entreprises françaises ou les filiales de celles-ci au Mali qui vont exécuter les marchés. Quelle est la marge de décision qui restera aux autorités maliennes ?
Au retour de Paris, comme cela avait été fait pour son voyage en Chine, le Président a eu droit à un accueil populaire à Bamako. D’après les organisateurs, les habitants étaient sortis pour dire merci au chef de l’Etat d’avoir mobilisé les fonds pour le pays. Explications dont nous ne commenterons tout simplement pas le ridicule.
En vérité, les voyages en grande pompe du Président lui ont servi uniquement à répondre à ses adversaires politiques (les fameux « hassidis », ainsi qu’il les a qualifiés) et à se faire plaisir à lui-même. IBK pense redorer son blason après la publication par le très respecté journal français « Le Monde » du sulfureux article sur ses accointances avec le tristement célèbre homme d’affaires corse, Tomi.
A notre avis, il est encore temps pour le chef de l’Etat de s’occuper très sérieusement de la gestion du pays. Visiblement, celle-ci est en train de lui échapper. Il suffit pour s’en convaincre de s’en référer aux scandales à répétition et à la léthargie du gouvernement, incapable de mener des actions concrètes et d’envergure. Le Président doit aujourd’hui se fermer aux louanges démagogiques des courtisans et autres arrivistes professionnels. Il lui faut écouter les cris de cœur des Maliens. Il lui faut être sensible à la misère de ces millions de jeunes et de femmes qui l’ont porté au pouvoir en septembre 2013. Ces personnes qui sont aujourd’hui dans la souffrance avaient voté IBK, parce qu’elles avaient cru en lui. Parce qu’elles avaient confiance en sa loyauté, en son intégrité, en son amour pour sa patrie, en son engagement pour le développement économique et social du pays. Nous formulons des vœux de bonne santé au Président et prions Dieu pour qu’Il l’aide à se ressaisir et à prendre fermement en main les rênes du pouvoir. Avant qu’il ne soit trop tard.
AL.