Le secrétaire général du Parena Djiguiba Kéita réagit aux propos du président de la République Ibrahim Boubacar Kéita. Lequel a accusé Tiébilé Dramé d’avoir voulu saboter sa visite d’Etat en France.
Que reproche le président de la République Ibrahim Boubacar Keita au président du Parena, Tiébilé Dramé ?
Djiguiba Kéita : En réalité, je ne sais pas exactement ce que le président nous reproche. Mais je me rends compte que nous l’empêchons de dormir. Singulièrement, le président du Parena doit absolument empêcher IBK de dormir. Tiébilé, en tant que responsable de l’opposition, il dénonce le régime. Il critique la gabegie dont le pays est victime. Il critique la privatisation de l’Etat par le régime d’IBK. Il fait son rôle d’opposant et il lui arrive de faire des propositions pertinentes sur la bonne gestion de notre pays. Je crois que c’est ce qu’on peut reprocher à Tiébilé Dramé. Or, de mon point de vue, il est pour le moins dans son droit en tant qu’opposant.
Le président de la République reproche à Tiébilé Dramé d’avoir voulu saboter sa visite d’Etat en France. N’est-ce pas ?
En fait, nous ne savons pas pourquoi le président IBK a paniqué en apprenant que Tiébilé était à Paris. Pour qui le connaît, en bon Maraka, Tiébilé est régulièrement à Paris, au Congo. Bref, il est régulièrement en voyage. Ce n’est pas parce qu’IBK va en France que Tiébilé va annuler une mission qu’il avait programmée d’effectuer. IBK dit que Tiébilé a travaillé à saboter sa visite. Pourquoi ? Parce que des tracts auraient circulés, qui critiquent le régime, c’est la faute de Tiébilé qui était à Paris ? Bon Dieu ! Pourtant, IBK connaît très bien Tiébilé. Et s’il a oublié, il faut qu’il sache que c’est le même Tiébilé du mouvement démocratique, d’Amnesty international, du Cnid. C’est le même Tiébilé qu’il a connu à l’Assemblée nationale, président du Parena. Il n’a pas changé. Tiébilé reste collé aux intérêts fondamentaux du pays en tant qu’un des Bâtisseurs de la démocratie au Mali. IBK doit comprendre qu’il n’a pas contribué à la lutte démocratique de ce pays plus que Tiébilé.
Est-ce que Tiébilé n’aurait pas soulevé quelque chose de particulier à l’encontre du président IBK lors de sa visite d’Etat à Paris ?
Rien du tout ! Il se trouve que le Parena est représenté à Paris tout comme l’URD, les FARE. En somme, comme tous les partis de l’opposition. Le Mali étant un pays démocratique, quand le président va en voyage, si les partis de l’opposition ont des choses à dire, ils s’organisent pour le dire. Comme dans d’autres pays, les gens sortent avec des banderoles pour dénoncer la gabegie. Les Maliens ont le droit de manifester leur désarroi face à la corruption dans l’achat de l’avion, des tracteurs, etc. Nous avons vécu le 26 mars 1991 pour ça. Que IBK comprenne que les Maliens de Paris, du Parena tout comme des FARE et d’autres partis de l’opposition, ont le droit de manifester contre lui. Cela ne veut pas non plus dire qu’ils n’aiment pas leur pays. Tiébilé n’a rien fait et il n’a pas d’ailleurs peur d’IBK pour lui mentir. IBK a juste eu peur d’apprendre que Tiébilé était à Paris et il s’est mis en tête qu’il pourrait manigancer quelque chose contre lui.
Et Tiébilé dans sa réponse lui dit : «Si je voulais porter ombrage à ta visite, j’aurais fait autre chose que de jeter des tracts». Nous avons fait et jeté des tracts contre le régime dictatorial de Moussa Traoré pour que les gens soient informés. Mais à l’ère de la démocratie, démocratie que nous avons conquise grâce à la révolution du 26 mars 1991, on n’a pas besoin de faire des tracts à Bamako, à fortiori à Paris. À Bamako comme à Paris, quand les gens ne sont pas contents, ils font des banderoles pour dire : IBK combien à coûter ton avion ?
Est-ce que c’est 7, 17 ou 21 milliards ? Ces questions Tiébilé les a posées à IBK à Koulouba. Il n’a pas besoin de se cacher à Paris pour le faire. N’ayons pas la mémoire courte ! Les menaces d’IBK, comme Tiébilé l’a dit, les invectives et les doigts agités, ça n’impressionne personne au Parena et dans l’opposition. La démocratie que nous vivons, nous l’avons conquise de haute lutte. Et si jamais, IBK croit qu’avec les menaces nous allons nous taire, c’est peine perdue. Il veut tenter de mettre quelqu’un en prison, la voix est libre. Tiébilé connaît les prisons du nord et cela ne peut se refaire aujourd’hui. Personne d’entre nous n’a peur d’exprimer son opinion sur le Mali.
Quelle lecture le Parena fait de cette visite d’Etat du président Ibrahim Boubacar Kéita à Paris ?
Nous n’avons pas compris tout le folklore autour de cette visite. Nous avons quand même constaté que, toute visite d’Etat que c’était, eh bien, c’est un préfet de France qui a été accueillir le président de la République du Mali à l’aéroport. C’est comme si Hollande en visite d’Etat au Mali était reçu par le commandant de cercle ou le préfet de Koulikoro, tout au plus, par le gouverneur de Bamako. Nous avons vu la visite en Chine où on a fait sortir des centaines de millions pour que des citoyens sortent pour applaudir IBK, qui aurait amené 5.500 milliards de FCFA. Nous attendons de voir quelle suite nous donnera cette visite. Et Paris est venu après Pékin, et nous continuons d’attendre pour voir.
Un dernier commentaire, Monsieur Kéita !
Je finis par citer Tiébilé Dramé : «Les raisons de la colère du grand IBK, tout au long de sa visite en France, sont ailleurs ! Il ne peut s’en prendre qu’à lui-même, à sa gouvernance patrimoniale, à sa confusion entre l’État et sa famille, entre l’État et sa propriété privée.»
Gabriel TIENOU/Stagiaire