Les locaux du Medef à Paris ont abrité en marge de la conférence sur le processus de développement du Mali, une journée dédiée au secteur privé malien. «La relance économique du Mali au cœur du partenariat», c’est le thème de cette Journée qui s’est tenue à la veille de la Conférence sur le processus de Développement du Mali à l’Ocde. Cette journée dédiée au secteur privé malien constitue une marque de reconnaissance de la France envers le Mali et s’inscrit dans la logique de la dynamique dans laquelle notre pays s’est engagé depuis la signature de l’Accord de paix, les 15 mai et 20 juin 2015. Un accord qui restaure la confiance entre partenaires, en vue de renforcer les acquis de la sortie de crise et la relance de l’économie via des investissements. Ce sont plus d’une centaine de sociétés françaises et une centaine d’opérateurs économiques maliens qui ont participé à ce forum. L’on notait aussi la présence remarquable des Partenaires Techniques et Financiers du Mali, l’Ambassadeur de France au Mali, Gilles Huberson, et Paul Noumba, représentant résident de la Banque Mondiale au Mali. Tout cela s’est déroulé sous le regard bienveillant du Président de la République, Ibrahim Boubacar Keita, accompagné par une quinzaine de ministres, dont celui de la Promotion des Investissements et du Secteur Privé, Maître Mamadou Gaoussou Diarra qui tire le bilan dans cet entretien qu’il nous a accordé.
Le Prétoire : Monsieur le Ministre, vous rentrez de Paris après la journée du secteur privé. Quels sont les principaux enseignements que vous tirez de ce forum?
Le principal enseignement que je tire de cette rencontre, c’est que le Mali est sur la voie de la stabilisation et de la paix. Dans les circonstances actuelles, les grands acteurs de l’économie que sont les entreprises privées peuvent aider le pays à se relancer, d’où la forte mobilisation des autorités au plus haut niveau dans la recherche d’investisseurs nationaux et internationaux pour financer les grands projets prioritaires. Pour accompagner cet effort de mobilisation des investisseurs, les entreprises françaises ont été fortement sollicitées et ont largement répondu présent, là, aux côtés de leurs homologues maliens, pour développer et évoquer les opportunités d’investissements au Mali. Cela contribuera à donner un souffle nouveau à la coopération économique entre le Mali et la France. Les investisseurs étrangers français ont été rassurés par rapport à la sécurisation de leurs investissements. Le Président de la République, Son Excellence Monsieur Ibrahim Boubacar Keita, tout comme l’Ambassadeur de France au Mali, Son Excellence Monsieur Gilles Huberson, l’ont rappelé dans leurs différentes interventions. Nous avons pour notre part rappelé le climat de l’investissement au Mali, et insisté sur le fait qu’il y avait une place à occuper par les entreprises françaises. Nous avons fait front commun contre l’ennemi qui s’attaquait au Mali, aujourd’hui il me semble tout à fait logique que nous construisions ensemble les assises économiques de cette paix. Nous nous attendons donc à un renforcement de la présence des entreprises françaises dans notre pays pour contribuer davantage à son développement économique à la relance.
Concrètement quels sont les produits que vous avez proposés à vos différents interlocuteurs ?
Vous savez, à chacune de nos rencontres avec de potentiels investisseurs, nous nous évertuons à présenter, le Mali comme un pays à forte vocation agricole, riche en ressources naturelles (2 millions d’hectares de terres irrigables, 37 millions d’hectares de terres arables, un grand potentiel minier et énergétique, etc.). Les sous-secteurs de l’agriculture, de l’élevage et de la Pêche constituent pour le Président de la République, partant pour le gouvernement, une priorité. Nous pensons qu’on ne peut pas développer ce pays sans exploiter son potentiel agricole. Ainsi, nous avons rappelé la nécessité de changer de paradigme en créant des chaînes de valeurs dans les différents sous-secteurs agricoles. Cela créera localement de la richesse, mais aussi et surtout des emplois pour notre jeunesse fortement affectée par le phénomène du chômage. En ce sens qu’ils occupent 60% de la population active. Cela suppose, garantir aux populations une autosuffisance alimentaire. Pour atteindre cet objectif, il nous faudra moderniser, créer des unités de transformation, de sorte à ne plus avoir à exporter en l’état nos productions. Prenons le cas de la filière viande, nous exportons tout sur pied, alors que nous avons le cheptel le plus important de la sous-région. Il s’agira de créer de l’embouche à l’abattage frigorifique, aux containers frigorifiques, aux tanneries et autres conserveries de la valeur ajoutée et exporter des produits transformés. Mais cela, vous en conviendrez, n’est pas envisageable sans infrastructures, sans routes, et bien évidemment sans énergie. Ce sont là les thématiques abordées tout le long de la matinée dans des ateliers thématiques qui étaient co-modérés par des personnalités maliennes et françaises.
Cette stratégie se fondera sur une modernisation de l’Agriculture avec une meilleure intégration des chaînes de valeur, et surtout l’amélioration de la productivité agricole.
Le Président de la République, Ibrahim Boubacar Keita, a commencé sa visite d’Etat en France par la journée dédiée au secteur privé malien. Quelles sont les stratégies dont vous disposez pour dynamiser l’activité économique en rendant le secteur privé plus compétitif ?
La vision du Président de la République, Son Excellence Monsieur Ibrahim Boubacar Keita, consiste à faire du Mali une économie forte et émergente. En d’autres termes, il s’agit de créer les conditions pour l’émergence d’un secteur privé fort, dynamique d’autant plus qu’il constitue le principal facteur, c’est à travers elle que nous pourrons atteindre nos objectifs de création d’emplois et de richesses, donc de croissance économique. Cette stratégie pour booster l’activité économique ne peut se réaliser qu’avec un secteur privé dynamique et compétitif. Elle prend son fondement notamment dans la Loi d’Orientation du Secteur Privé (Losp), adoptée par le Gouvernement en décembre 2011, avec comme objectif général de contribuer à la réalisation d’une croissance forte et soutenue capable de créer des emplois durables et de réduire la pauvreté.
La paix et la sécurité sont aussi des gages de l’amélioration continue de l’environnement des affaires et du décollage de l’activité économique. C’est dans ce cadre que l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali a été signé le 15 mai 2015 et parachevé le 20 juin 2015 à Bamako.
Dans le cadre de la facilitation de l’accès des entreprises maliennes au financement, le Gouvernement a mis en place, le 17 avril 2014, un établissement financier de cautionnement bancaire agréé dénommé « Fonds de Garantie pour le Secteur Privé » (Fgsp). Il a pour mission d’apporter plus de solutions aux banques en termes de couverture partielle des risques liés à l’octroi de concours aux PME/PMI, et par là, offrir plus d’opportunités à ces dernières dans le financement de leur implantation, leur développement et leur modernisation.
Il faut noter également, puisque nous sommes dans le contexte après Medef, que le gouvernement s’active auprès de partenaires, à l’effet de rendre disponibles pour les entreprises maliennes des ressources longues et à des taux relativement bas. A ce propos, nous nous réjouissons des nouvelles orientations de la Proparco et de la Coface, les instruments de la politique étrangère française, qui vont proposer désormais des produits mieux adaptés aux besoins et attentes de nos entrepreneurs.
S’agissant de la promotion et du renforcement de la concertation et du partenariat public-privé, il a été créé le Secrétariat Technique Permanent du Conseil supérieur du Secteur Privé, la Cellule Technique des Réformes du Climat des Affaires et le Bureau du Modérateur de la Concertation Etat/Secteur Privé.
En plus de ce qui précède, le Code des Investissements, le Code Minier, le Code des Douanes, entre autres, sont des outils mis à la disposition des entreprises pour réduire leurs coûts d’installation, d’exploitation et de développement, toute chose leur permettant d’améliorer leur productivité et leur compétitivité.
En résumé, les conditions d’une concertation public-privé étant établies, tout est désormais à portée de main, car nos instructions reçues du Président de la République et du Premier ministre sont claires et précises. Il nous faut travailler à accompagner le secteur privé, notre réussite se mesurera à l’aune du développement d’un secteur privé malien à hauteur de mission.
Quelles sont les grandes réformes qui se sont opérées au niveau de votre Département depuis votre arrivée ?
Au sein de mon département, nous nous sommes résolument engagés dans la voie des réformes pour non seulement améliorer le climat des affaires dans le but de rendre la destination Mali plus attrayante, mais également avoir une incidence sur la pratique des affaires qui constitue une préoccupation majeure pour l’ensemble des opérateurs économiques exerçant au Mali. A titre d’illustration, on peut citer entre autres : les améliorations dans l’octroi du Permis de Construire, la Protection des Investisseurs et le maintien de notre niveau quant aux réformes engagées pour le Paiement des Impôts et taxes et l’Exécution des Contrats.
Par ailleurs, pour dynamiser le secteur privé, deux réformes majeures viennent d’être votées par l’Assemblée Nationale et promulguées par le Président de la République le 29 mai 2015. Il s’agit de la loi portant réglementation des Bureaux d’information sur le crédit (BIC) et de la loi sur le capital minimum de la Société Anonyme à Responsabilité Limitée (Sarl). La loi sur le BIC fait suite à une directive de l’Union Economique et Monétaire Ouest Africaine (Uemoa) ; elle contribuera à améliorer l’accès au financement et incitera les entreprises à déposer des états financiers fiables. Dans la seconde loi relative à la SARL, le montant du capital social est fixé librement par les associés dans les statuts, avec un montant minimum de cinq mille (5 000) FCFA.
Ces acquis en matière de réformes seront renforcés à travers notamment la mise en œuvre d’un Plan stratégique opérationnel 2016-2018 de la Cellule des Réformes du Climat des Affaires (Ctrca).
Comment s’emploie le gouvernement pour rendre dynamique le partenariat public-privé ?
Le Gouvernement du Mali en partenariat avec la Banque Mondiale a officiellement lancé en mai 2015 un programme de Partenariat Public Privé (PPP), dans le cadre du développement des infrastructures au Mali. Différents départements ministériels ont été approchés à cet effet. Il s’agit notamment des Départements des Mines, de l’Equipement, des Transports et du Désenclavement, de l’Energie et de l’Eau, de l’Urbanisme et de l’Habitat, de l’Economie Numérique, de l’Information et de la Communication et enfin du Développement Rural. Ce programme se subdivise en deux volets. Le premier porte sur la détermination des projets, dans le programme de développement du Gouvernement, qui ont le potentiel d’être développés en PPP. Le second traite du diagnostic des questions juridiques, réglementaires, institutionnelles et budgétaires du Partenariat Public-privé. Dans le cadre de la mise en œuvre de ce projet, une mission de la Banque à Bamako a séjourné au Mali du 17 au 19 juin 2015.Depuis sa prise de fonction, le gouvernement s’active pour ce faire. Notre conception est qu’aujourd’hui des besoins publics économiquement viables peuvent être satisfaits en faisant intervenir des sources de financement privé, qui s’auto-rembourseraient. C’est pourquoi, sous l’impulsion du Premier ministre, nous avons entamé en partenariat avec le Groupe Banque mondiale un vaste programme PPP (Partenariat Public Privé), en deux volets. Le premier consiste en la revue du portefeuille des projets que les différents départements ministériels voudraient passer en PPP ; le second porte sur l’élaboration d’un cadre juridique et règlementaire pour huiler la passation des projets en PPP, ce qui nous conduira à terme à la création d’une unité PPP.
Nous pensons qu’il s’agira là d’un outil stratégique pour doter le pays en infrastructures, avec peu de sollicitation des finances publiques, lesquelles serviraient essentiellement à la satisfaction de besoins sociaux de base.
Sur ce point précis, quelles seront les principales étapes ?
Le Gouvernement s’est engagé à s’inscrire dans la mise en œuvre d’un vaste programme d’investissements prioritaires pour placer la République du Mali, dès l’horizon 2020, sur la voie de l’émergence économique.
A cet effet, le Partenariat Public-Public sera d’un apport capital en termes de financements innovants des projets structurants.
Tout d’abord, nous avons procédé à la préparation d’une liste de projets dérivés basés sur des critères bien précis, suivis de la sélection de projets répondant aux exigences minimums de PPP. Pour ce faire, une évaluation et un classement par ordre de priorité seront effectués par des consultants internationaux rencontrés à cet effet, pour établir une liste succincte de deux ou trois projets viables par secteur. Ces projets-pilotes prioritaires sélectionnés feront l’objet d’une analyse financière, économique et juridique de façon très approfondie. L’atelier de restitution tenu le 09 juillet 2015 à Bamako a permis de retenir trois (3) projets structurants dans les domaines de l’énergie, de la télécommunication et des transports. Présentement, une commission interministérielle siège au sein de mon Département pour la mise en place du cadre légal, institutionnel et budgétaire du Partenariat Public Privé (PPP) au Mali d’ici le premier trimestre 2016. Ce cadre est primordial pour l’essor du PPP dans notre pays.
En conclusion, quelles peuvent être les actions à venir ?
Il s’agit principalement de renforcer la promotion économique du Mali avec comme socle le Secteur Privé, de redonner confiance aux investisseurs étrangers et d’accroître les efforts du Gouvernement dans l’accompagnement des investisseurs. Ces efforts seront axés sur des points essentiels, notamment l’adoption de mesures incitatives visant à promouvoir les investissements privés, l’amélioration du cadre des affaires, le renforcement du dialogue public /privé afin de contribuer à l’atteinte d’une croissance à deux chiffres. Je termine par l’annonce de l’organisation en 2016 d’un forum international sur Investir au Mali, tâche sur laquelle nous nous concentrons actuellement.
Entretien réalisé par Birama FALL