Rokia Traoré vient de boucler la dernière tournée, au titre de 2015, de la création «Desdemona». Une œuvre qui permet de revisiter une pièce de Shakespeare (Desdemone), quatre siècles après, et de jeter un regard critique sur l’esclavage et le racisme. Des prestations bien accueillies aussi bien par les critiques que par le public.
«Débutée en 2010, Desdemona était pour moi une occasion de m’impliquer dans un projet artistique de haut niveau», rappelle Rokia Traoré à l’issue de sa tournée américaine et australienne entre septembre et octobre 2015. Une création qui offrait aussi une première ouverture internationale, donc un véritable tremplin de promotion, à certains des élèves de la première couvée de l’Académie KONOYA (formation en technique de chant de la Fondation Passerelle) de la Fondation Passerelle de l’artiste. Il s’agit notamment de Kadiatou Sangaré dite Kadi, Naba Traoré, Fatim Kouyaté, Bintou Soumbounou et Virginie Dembélé. «À travers Roots (Racines) et Desdemona nous avons eu deux projets pour, à la fois, fournir du travail aux artistes que nous soutenons, et continuer la formation des premiers élèves de KONOYA à travers des projets concrets et exigeants professionnellement», poursuit Rokia. Et comme au début des représentations en 2011, les publics américains et australiens ont réservé un accueil fantastique à cette création atypique.
«Cette dernière tournée de 2015 aux Etats-Unis et en Australie, comme les précédentes, a été une grande aventure et un réel succès», souligne Rokia, membre cette année du jury du prestigieux Festival de Cinéma de Cannes (France). Dans la création de Shakespeare, Desdemona est «une femme rayonnante et radicale» qui s’illustre par l’indépendance d’esprit, le courage et l’amour. Dans la nouvelle mise en scène, Othello «parle avec des mots nouveaux», dans la langue de l’auteur Toni Morrison (Prix Nobel). Avec sa nounou Barbarie (Rokia Traoré), une esclave africaine qui lui avait appris à chanter, Desdemona (Tina Benko) raconte des histoires du passé, du présent et du futur. «Le dialogue entre les deux femmes, traversant les continents et les siècles, ouvre une porte vers un autre XXIe siècle», commente un critique français. Desdemona commence naturellement sur les chants et les histoires de ces deux femmes pouvant enfin exprimer leur espoir pour un autre monde, après des siècles de racisme et de colonialisme. Et c’est Rokia Traoré qui compose aussi la musique mettant en scène des virtuoses (Mamadyba Camara, Mamah Diabaté et Toumani Kouyaté) d’instruments traditionnels (kora et ngoni) et un chœur (trois choristes) avec les élèves de son académie de chant. Avec un ensemble de «chansons irrésistibles, entrelacées avec les récits parlés», les compositions de Rokia contribuent à l’originalité au succès de la création depuis 5 ans. Pour les observateurs, les chansons de Traoré (avec des paroles traduites à l’écran) sont «cruciales pour le drame».
Ecrit par Toni Morrisson et réalisé par Peter Sellars, ce projet multimédia a été inspiré par le quatrième acte d’Othello, Desdemone. Une œuvre de Shakespeare dans laquelle, face à la mort, elle chante Willow Song, enseigné à elle par Barbarie. Applaudie par le public un peu partout dans le monde, l’œuvre est saluée par les critiques par son originalité et son engagement. «Comme la voix des femmes remplissant l’air de la nuit, nous sommes dans une envoûtante séance théâtrale intime, à la fois hantée et libératrice, qui se déplace dans les mots et la musique à travers les continents et les siècles, reliant l’Angleterre élisabéthaine aux tribunaux de Tombouctou pour l’avenir de la race humaine sur cette terre», commente un critique charmé par la création. «The Guardian» (quotidien anglais) voit en cette création «un travail remarquable, difficile et courageusement original». Et pour «The Times» (publié aux Etats Unis), c’est tout simplement «un rituel de la beauté envoûtante…» !
Certes, Rokia vient de boucler les tournées prévues cette année dans le cadre de la promotion de ce spectacle, mais l’aventure est sans doute loin d’être terminée. Le succès des récentes prestations le prouvent éloquemment !
Moussa BOLLY
Biennale africaine de la photographie : Bamako (ra) conte le temps à travers les objectifs
«Telling Time» ou «conter le temps» est le thème de la 10ème édition des Rencontres de Bamako, biennale africaine de la photographie, qui a démarré le 31 octobre 2015, sous la présidence de Modibo Keita, Premier ministre du Mali. Après 4 années d’interruption, les Rencontres de Bamako reprennent leur droit pour le bonheur des photographes africains.
«Durant 4 ans, les photographes africains nous ont sans cesse interpellés. Certains avaient même proposé de faire la biennale de façon symbolique», c’est par cette phrase que Samuel Sidibé, Délégué général des Rencontres de Bamako, a introduit ses propos lors de la cérémonie d’ouverture de l’édition 2015 de la manifestation phare de la photographie africaine. Après avoir remercié tous ceux qui ont contribué à la reprise de l’évènement, le Délégué général a attiré l’attention du Premier ministre malien sur la pérennisation de la manifestation dont l’importance n’est plus à démontrer. «Depuis 20 ans, la biennale se tient tous les 2 ans. Mais, tous les deux ans, on cherche de l’argent pour la tenir», a-t-il fait remarquer.
En sa qualité de Directrice de l’Institut français, coproducteur de la Biennale africaine de la photographie, avec le ministère de la Culture du Mali, Anne Tallineau a indiqué que les Rencontres de Bamako, manifestation emblématique de la photographie africaine, est de retour après une longue période d’interruption. Elle a insisté sur le caractère essentiel de l’évènement pour les photographes maliens et africains pour leur reconnaissance internationale. Selon elle, le thème «Telling Time» est une opportunité pour les photographes africains de voir le temps parfois sous le prisme politique, mais aussi politique. La Directrice artistique de la 10ème édition des Rencontres de Bamako a indiqué que le Mali est à l’honneur avec la reprise de cette manifestation importante pour les photographes du continent. «En choisissant le thème «Telling Time», j’ai voulu que les artistes photographes parlent du temps que nous sommes en train de vivre», a-t-elle indiqué. Avant d’ajouter que l’une des grandes préoccupations, c’est de savoir comment propulser les photographes maliens sur la scène internationale à partir de Bamako.
Son excellence Gilles Huberson, ambassadeur de France au Mali, est intervenu pour passer 3 messages. «Nous avons attendu et notre joie est à l’image de cette attente», a-t-il indiqué. Avant de dire à Samuel Sidibé et au Mali, de ne pas douter de l’engagement de la France et de l’Institut français pour cet évènement artistique. Il a ajouté que l’organisation de cette 10ème édition est le symbole d’un Mali qui reprend toute sa place dans le concert des nations. «On peut venir faire une biennale à Bamako, le Mali revient dans la normalité», a-t-il indiqué. Avant de dire au titre de son 2ème message que l’engagement de la France est le témoignage d’une amitié entre les peuples français et maliens. Et, son 3ème message fut un message de joie pour cette manifestation qui reprend de plus belle. Il a estimé que les Rencontres de Bamako est une vitrine unique pour la promotion des photographes. Il a ensuite loué les mérites artistes du Mali dans tous les domaines des arts et de la culture. «L’art est une force pour le Mali», a-t-il indiqué. Avant de conclure que Samuel Sidibé continuera à porter la biennale avec le soutien de la France.
Mme N’diaye Ramatoulaye Diallo, ministre de la Culture du Mali, a rappelé qu’organisées tous les deux ans depuis 1994, les Rencontres de Bamako, Biennale africaine de la photographie, sont la première et la principale manifestation consacrée à la photographie africaine. «Véritable plateforme de découvertes, d’échanges et de visibilité, les Rencontres de Bamako s’inscrivent comme lieu incontournable de révélation des photographes africains et de rencontres avec les professionnels du monde entier», a-t-elle déclaré. Le ministre de la Culture a estimé que les Rencontres de Bamako ambitionnent de soutenir le développement professionnel des photographes africains et de contribuer à l’émergence de la photographie africaine comme moyen d’expression artistique susceptible de véhiculer une image du continent produite par les Africains eux-mêmes. Elle a indiqué que c’est le lieu par excellence pour créer les conditions de valorisation de la création photographique africaine dans un contexte international afin de permettre aux photographes d’accéder au marché international.
«L’art est aux antipodes de la violence», a déclaré le Premier ministre malien. Avant de dire à tous les photographes qui ont choisi de venir au Mali pour cette 10ème : «en venant au Mali, vous avez démontré que le Mali ne défie pas le temps, mais s’inscrit dans le temps». C’est par cette phrase très philosophique que le Premier ministre a ouvert la 10ème édition des Rencontres de Bamako.
Assane KONE