Décidément, tout ce qui tourne autour d’IBK semble aller de l’envers, jusqu’à la Coordination des partis politiques de la majorité présidentielle qui, comme son nom ne l’indique pas, joue ouvertement contre le président de la République qu’elle est pourtant censée soutenir dans la mise en œuvre du projet de société qui l’a hissé au trône. Oui, la Coordination de la majorité présidentielle (Cmp) ne soutient pas Ibrahim Boubacar Kéïta; elle est engagée plutôt dans une course effrénée aux postes juteux et même aux strapontins du pouvoir. Non seulement le regroupement est absent de l’animation de la scène politique, mais il assiste, silencieux, aux scandales qui éclaboussent la République sans pouvoir ensuite prêter main forte au président quand ceux-ci éclatent. IBK en est conscient et il l’a signifié plusieurs fois à ses (supposés) alliés. C’est au président d’en tirer les conséquences en faisant appel aux affaires les ressources humaines compétentes, de quel que bord qu’elles soient. Pourquoi pas un gouvernement d’union nationale si c’est la voie à une sortie définitive de la crise et à la relance économique du Mali ?
Le président Ibrahim Boubacar Kéïta est, sans doute, entrain d’envier, intérieurement, son homologue ivoirien, Alassane Dramane Ouattara, requinqué par le soutien intégral et sans condition du Rhdp à son action depuis 2011 au bout d’une profonde crise de rébellion et ethnique de dix ans. Résultat : ADO vient d’être réélu, sans coup férir, à la magistrature suprême. Et depuis lundi, il est entré dans son deuxième mandat à la tête de la Côte d’Ivoire.
Qu’en est-il de la Cmp : Coordination de la majorité présidentielle avec IBK? Le vide.
Ce regroupement, créé le 7 septembre 2014, revendique une soixantaine de partis politiques (plus précisément 62) qui ont décidé de faire front commun avec le parti majoritaire, le Rpm. Parmi eux, on peut citer l’Adema, le Cnid, le Mpr, l’Udd, Sadi, Miria, Us-Rda, Bdia Faso djigui, Yelema, le Rpdm, l’Apr, l’Adp-Maliba, le Pacp…
La coordination s’est fixée un triple rôle : animer et mobiliser les forces politiques et sociales du pays en faveur de la mise en œuvre du programme présidentiel. Mais aussi, créer des espaces d’échanges entre les institutions de la République et la convention des partis politiques de la majorité présidentielle. Enfin, faire des propositions de solutions aux grandes préoccupations à l’intention des plus hautes autorités du pays.
Mais, dans les faits, la réalité est tout autre. Les habitudes instaurées par les partis alliés depuis l’élection présidentielle de juillet 2013 ont été tout simplement transposées à la Cmp. L’une d’elle est la course effrénée aux postes, aux marchés et à l’argent facile.
Tous les partis qui ont soutenu IBK lors de la Présidentielle (dès le 1er tour ou au 2è tour), y compris le Rpm, ont tendu la sébile pour être servis. Dans l’euphorie du plébiscite, le président distribue les places à tour de main. Il sert la famille, les alliés, les affidés et les amis dans un système de positionnement stratégique aux postes clés de l’administration et de la sphère politique. Ce sont les mêmes acteurs qui formalisent leur soutien à IBK en signant la convention de la Cmp. Mais, le soutien alimentaire reste le crédo des alliés du président. Ces partis, qui connaissent d’ailleurs de sérieuses dissensions internes, oublient purement et simplement leur raison d’être, à savoir aider le président de la République à réussir son mandat.
Le président se débrouille tout seul
Non seulement, ils n’animent pas le débat politique, mais ne posent aucun acte pour mettre le président dans le droit chemin. Celui-ci fait des gaffes, persiste dans les erreurs et se noient dans les scandales sans que ses alliés le conseillent.
Pire, lorsqu’IBK est criblé de critiques et de protestations, les leaders de la Cmp ne viennent pas à la rescousse. Personne ne lève le petit doigt. Le président se débrouille tout seul et fait face aux banderilles de l’opposition, aux murmures du peuple, aux piques de la communauté internationale, notamment la Minusma.
Les exemples sont légions. Dans les scandales de l’avion présidentiel, du contrat d’armement, de Michel Tomi, de Kidal (dont la majorité est parfaitement comptable), on a vu un président, orphelin, se débattre, se plier aux exigences des institutions de Bretton Woods pour se sauver et sortir son régime de cette mauvaise passe. Les alliés étaient là, bouche bée.
Combien de fois, le président a dû monter au créneau pour dénoncer certaines dérives de la Minusma et rappeler le caractère souverain de l’Etat malien, même s’il a été régulièrement amené, sinon à demander pardon, au moins à redresser ses propos. Son intervention contre la Minusma du 15 mai 2015 lors de la signature (par le gouvernement) de l’Accord de paix d’Alger reste encore gravée dans les esprits. A toutes les occasions, les alliés sont restés en arrière-plan. Seul les préoccupe, ce qu’ils peuvent gagner en contrepartie de leur soutien de façade au président. D’où cette interrogation bizarre d’un observateur de la vie politique: ce sont les partis de la majorité présidentielle qui soutiennent IBK ou bien c’est IBK qui les soutient ? La réponse est limpide : C’est IBK…
D’autres questions : Qu’est-ce que la Cmp a proposé pour juguler la crise sécuritaire ? Qu’est-ce qu’elle fait pour divulguer l’Accord de paix et de réconciliation ? Réponses : RIEN.
Le président lui-même est conscient qu’il est seul dans son combat. Pourtant, ce n’est pas faute d’avoir alerté ses (supposés) alliés qu’il a rencontré au moins trois fois.
D’abord le 4 juin 2014 pour trouver, ensemble, la solution à la crise sécuritaire et politique qui minait le pays.
Ensuite, le 20 novembre 2014. Ce jour-là, IBK a profité d’une rencontre autour d’Ebola et des pourparlers d’Alger pour dire toute sa déception à sa majorité à travers deux piques restées célèbres : « Vous m’avez laissé sur ma faim », « J’ai besoin d’une majorité de confiance à cheval sur la vérité ». Ça veut dire.
Enfin, et c’est le ras-le-bol d’IBK, en août dernier, à Sikasso, lors de la sa visite en 3è région. Le président a frappé fort en lançant à ses interlocuteurs de la majorité présidentielle : «Je ne vous sens pas dans le débat, alors que c’est vous qui constituez la majorité. Ceux qui sont minoritaires sont plus visibles que vous. Je ne vous sens pas. Je vous sens frileux. Vous n’avez pas de complexe à vous faire. Je ne vois pas quel combat un combattant frileux va gagner. Si déjà devant le ring, tu trembles, je ne sais pas où tu vas. Il faut oser dire la vérité aux Maliens…». Le coup de massue, l’humiliation, si ce n’est tout simplement l’affront.
Aujourd’hui, IBK doit donc ouvrir les yeux et faire la part des choses entre les intérêts de cette majorité et de sa famille et l’intérêt général des Maliens. Il doit miser sur les hommes compétents et les mettre aux places qu’il faut. Si la solution à l’envol du Mali doit passer même par un gouvernement d’union nationale, IBK doit franchir le pas. Il y va de l’intérêt de tous. N’en déplaise à des alliés qui ne jouent pas franc jeu avec le président.
Sékou Tamboura