Le tribunal de grande instance de Gao, statuant en matière électorale, le 28 octobre 2015, a invalidé les listes régionales et communales proches du ministre de l’Administration Territoriale, dans son fief de Gao en même temps qu’elle valide les listes proches de l’ex-ministre Malick Alhousseini.
Notre correspondant vous livre ici les raisons profondes de la crise que vit le RPM à Gao et dont l’une des manifestations est la posture guerrière dans laquelle les frères du même parti ont pris position.
Cette crise, faut-il le rappeler, est inhérente à la gestion de l’adhésion massive des militants de tous bords politiques, au RPM suite à la victoire éclatante du Président IBK aux présidentielles d’août 2013. Euphorique et festive dans la forme, la migration d’ex-militants du PDES, de l’ADEMA, de l’ASMA et d’autres formations politiques vers le RPM, devient conflictuelle lorsqu’il s’agit de définir les termes de la cohabitation entre les anciens et nouveaux militants du RPM. Toute chose qui a occasionné la création, aux termes de prétentions inconciliables, d’organes parallèles ou doublons.
Cette situation a abouti à la création, par l’honorable Aguissa Touré de sous-sections doublons à Gounzoureye, Gao et Gabéro, sous l’impulsion du ministre Maïga. De ces structures devrait émerger une sorte de RPM « canal historique » qui contrebalancerait le RPM investi par des « arrivistes ».
La mise en place de la section de Gao devrait régler définitivement cette situation. Mais trois conférences successives, le 14 février, le 24 mai et le 17 août 2015 n’ont pas permis de renouveler la section de Gao, même si elles ont enregistré la démission du bureau sortant, laissant les sous-sections responsables devant le BPN/RPM. Ainsi, le groupe des sous-sections régulières, reconnues par le BPN/RPM (Gao, Gounzoureye et Gabéro) domicilié au siège du RPM et celui des sous-sections doublons, ayant élu domicile au siège du parti ASMA, ont chacun constitué des listes de candidature à l’occasion des élections communales, régionales et du district de Bamako, dans la perspective du scrutin du 25 octobre 2015. La liste régionale des sous-sections régulières était emmenée par Malick Alhousseini et les organes favorables au ministre de l’Administration Territoriale ont misé sur Amidou issoufi Maïga.
La première confrontation aura lieu le 10 septembre 2015 à l’occasion du dépôt des listes de candidature. Le Gouverneur de Gao et le Préfet n’ont accepté les listes affiliées à l’ancien ministre, Malick Alhousseini, qu’aux termes d’âpres discussions, de procédures impliquant la commission d’huissiers de justice. Motif explicitement fourni par les cadres de l’administration, le ministre Abdoulaye Idrissa Maïga leur aurait défendu d’accepter ces listes.
A l’appui de cette manœuvre du ministre, un message RAC au Gouverneur de Gao, lui instruisant le retrait pur et simple de la liste de candidature de l’ancien ministre Malick Alhousseini. C’est ainsi que le juge Moussa Samaké, Président du Tribunal de Grande Instance de Gao, reçoit simultanément deux requêtes en annulation de listes de candidatures, portées respectivement par Mohamed Assalia dit Tondi et l’Honorable Aguissa Touré, assistés respectivement de Me Aliou Abdoulaye Touré et du Cabinet Seye, Avocats.
L’argumentation soutenue par l’honorable Aguissa Touré est qu’il est Secrétaire Général de la section RPM de Gao, en vertu d’un mandat spécial de la conférence de Section du 17 août 2015, lui attribuant, à lui et cinq secrétaires généraux de sous-sections, le soin d’expédier les affaires courantes en attendant la mise en place de la section. Il lui appartient à ce titre de désigner un mandataire pour les questions électorales.
La contre-argumentation du camp adverse est que cette ligne d’attaque est pure affabulation. La conférence, présidée par le ministre Abdramane Sylla, n’a, à défaut de renouveler la section, aucun mandat pour désigner une délégation spéciale. En l’absence de section, les sous-sections animent et coordonnent l’activité du parti et rendent compte directement au BPN/RPM. C’est dans ce cadre qu’une majorité de sous-sections, sous la houlette de Gao, Gounzoureye et Gabéro, ont sollicité la désignation d’un mandataire par le BPN/RPM, choisi parmi les membres de la section sortante.
La deuxième confrontation mettra en scène les cadres du BPN/RPM. Monsieur Kaba Diakité, secrétaire national chargé des questions électorales, sera interpellé pour expliquer le fondement légal du mandat. Mme Keïta Rokiatou N’Diaye, ancien ministre, vice-présidente du RPM, s’est fendue d’une lettre de dénonciation des listes visées par la plainte de l’honorable Aguissa Touré, témoignant qu’en vertu des conclusions de la conférence du 17 août, il est indiscutable que seul Aguissa Touré, au sein de la délégation spéciale, a qualité et pouvoir d’élaborer une liste de candidats pour le compte du RPM.
Sur ce, le Tribunal de Grande instance de Gao siégera le 07 octobre 2015 pour écouter les protagonistes, puis le 14 octobre et le 21 octobre 2015 pour écouter les conclusions des avocats. Pour Me Magatte Seye, la procuration pour mandat du Secrétaire Général Bocari Tréta comporte toute la plaie de cette affaire. Treta n’a ni le pouvoir ni la qualité d’agir au nom du RPM ou de l’engager. Il appartient au Président du parti, Ibrahim Boubacar Keïta, empêché et par ordre, au vice-président, Mme Keita Rokiatou N’Diaye, d’engager le RPM.
C’est pourquoi, il conviendrait de considérer la teneur de la lettre de la vice-présidente et de délibérer selon elle. Me Aliou Touré, avocat du mandataire, affirme que la lettre de Mme Keita, sans numéro et sans date, à laquelle s’arc-boute la défense de Aguissa Touré, est « aussi parallèle que les sous-sections dont elle prétend assurer la défense », parce que son auteur, pour vice-président qu’il soit, n’a pas mandat à s’exprimer au nom du RPM, et que la lettre n’est pas répertoriée aux minutes du RPM et qu’elle n’a pas plus de valeur qu’un tract. Au demeurant, ni le ministre Abdramane Sylla, ni aucun délégué à la conférence du 17 août, n’a évoqué la mise en place d’une délégation spéciale.
Le 28 octobre 2015, le juge a prononcé l’invalidation de la liste régionale d’Amidou Issoufi Maiga, poulain du ministre de l’Administration Territoriale pour la présidence du Conseil Régional de Gao ainsi que les listes instruites et préparées par les sous-sections doublons de Gao, Gounzoureye et Gabéro.
Manifestement à l’issue de cette affaire, Abdoulaye Idrissa Maiga apprend à ses dépens que le renouveau de l’administration publique, prôné par le Président Ibrahim Boubacar Keita, est bien effectif. Monté au créneau pour instruire à des administrateurs civils dont il a la tutelle, d’agir contre la loi dans l’exercice de leurs fonctions, il s’est vu éconduire. Ensuite, toutes les pressions, exercées par son amie, Mme Keita Rokiatou N’Diaye, son DFM et d’autres pontes, n’ont pas suffi à ébranler le juge Moussa Samaké de suivre la ligne de son intime conviction.
Aujourd’hui, l’ancien ministre Malick Alhousseini apparaît plus que jamais comme l’homme fort du RPM à Gao. Avec lui, les sous-sections régulières de Gao, Gounzoureye et de Gabéro que le ministre de l’Administration Territoriale a juré de perdre, à travers une guerre implacable, reçoivent de la justice, la légitimité qu’un Bureau Politique National du RPM, frétillant d’indécision et de tâtonnement, n’a jamais pu prononcer. Espérons que le Secrétaire Général du RPM, Dr Bocari Tréta, prendra sans délai les dispositions pour la mise en place de la Section afin de mettre de l’ordre dans la maison RPM à Gao. Les enjeux sont immenses, le RPM ne peut pas se permettre de perdre les élections communales et régionales prochaines dans la vitrine du Nord du Mali qu’est Gao.
Abdoul Majid Maiga,
Correspondant à Gao