L’affaire des 1000 tracteurs d’IBK aux paysans n’a pas encore fini de faire parler d’elle. Comme dans un jeu de Dame, le Parena, le gouvernement et Toguna agro-industries sont entrain de pousser les pions à coups d’arguments et de contre-arguments. Le dernier pion est avancé par le Parena qui vient de révéler avoir saisi le Bureau du Vérificateur général pour faire toute la lumière sur cet autre scandale d’Etat de l’ère IBK. Dans une interview qu’il nous accorde ici sur le sujet, le secrétaire général du parti du Bélier blanc, Djiguiba Kéïta dit PPR nous dévoile les motivations du Parena ; ce que son parti reproche à cette louable initiative ; ce qu’il attend du Vérificateur général etc.
« Le Vérificateur Général est sollicité pour nous rassurer qu'il n'y a pas eu favoritisme au détriment du paysan et de l'Etat maliens… », dit-il en substance.
L’Aube : Nous apprenons à travers une déclaration signée de vous que le Parena a saisi le Bureau du Vérificateur général à propos de l’affaire des 1000 tracteurs. Qu’est-ce qui a motivé cette requête rendue publique dans la mouvance du bras de fer entre Tiébilé Dramé et le président Ibrahim Boubacar Keïta ?
Djiguiba Keïta : En réalité, ce n'est absolument pas lié au bras de fer que le Président de la République a imposé à l'opposition quand, arrivé de Paris, ivre de haine contre Tiébilé, il a dérapé. Cela a un peu distrait le Parena de ses activités normales d'animation de la vie politique. Nous avons en fait saisi le BVG depuis le 22 octobre et dans notre timing initial, dès le lundi 26 octobre, l'opinion publique en serait informée, mais....IBK est passé par là!
Qu’est-ce que vous reprochez fondamentalement à cette initiative présidentielle en faveur des paysans maliens ?
Nous ne reprochons rien à l'initiative présidentielle, sauf qu'elle n'a pas dû être très mûrie. Bien réfléchie, elle serait très bénéfique aux paysans. Mais dans un pays aux paysans paupérisés comme les nôtres, 6 millions ce n'est pas à la portée de n'importe qui. Mais, d'après nos investigations, le Gouvernement s'est fait avoir, le tracteur devrait être acheté à 6 000 000 de FCFA l'unité.
Dans ces conditions, il reviendrait à moitié prix aux paysans, soit 3 000 000 de FCFA. Même ce montant est trop élevé pour le paysan malien. C'est pourquoi, si l'avis du Parena était requis, il aurait proposé, au lieu d'endetter les paysans du Mali sur trois ans à un taux d'intérêt de 8.75%, de créer dans chaque cercle du Mali, un centre d'utilisation des tracteurs, d'affecter les tracteurs à ces centres qui les mettraient en location pour le temps nécessaire aux besoins des paysans. Les centres mettraient en place des pools de conducteurs de tracteurs et s'occuperaient de la maintenance et du carburant. Un tel mécanisme permettrait de généraliser et démocratiser l'accès aux tracteurs, et d'amortir l'investissement.
A notre connaissance, c’est une première au Mali qu’un parti politique saisisse formellement le Végal sur un sujet d’intérêt national. Quelle est la particularité de l’affaire des 1000 tracteurs par rapport aux autres scandales qui ont jonché le règne d’IBK et dont certains sont même plus graves ?
La particularité du dossier des tracteurs, c'est que les dossiers y afférents sont accessibles et alors, le Parena s'en est saisi. Après avoir épluché le dossier d'appel d'offres, nous avons conclu que ce ne devait pas être un appel d'offres restreint parce que, conformément au dispositif législatif et réglementaire du Mali, rien ne plaidait dans ce dossier pour qu'il fût restreint. C'est pour cela que nous avons dit que c'est un « gré à gré déguisé ».
En effet, pour qu'un appel d'offres international soit restreint, il faut entre autres qu'il y ait urgence pour passer le marché, qu'il n’y ait qu'un petit nombre de fournisseurs capables de soumissionner, que la marchandise soit difficile d'accès. Or, dans l'histoire des tracteurs, rien de tout cela: aucune urgence, beaucoup de fournisseurs pouvaient soumissionner (déjà en restreint il y a eu 13 compétiteurs!) et la marchandise était partout sur le marché, que ce soit dans l'espace Uemoa ou au niveau Cedeao (les tracteurs sont disponibles partout).
En plus, il nous est apparu flagrant qu'il y avait la volonté d'attribuer le gros lot à Toguna. Ainsi, une clause édictait qu'aucun soumissionnaire ne peut proposer pour un lot un montant supérieur à son chiffre d'affaires. Trois entraides étaient retenues: Mali Tracteurs (chiffre d'affaires (C A : 2 milliards 166 millions), Toguna (C A: 5 milliards 300 millions), DTE SA (C A : 21 milliards).
Pour les lots 1 et 2, Mali Tracteurs a proposé 4 milliards 600 millions et 4 milliards 200 millions, donc cette entreprise est éliminée. Mais, quand Toguna qui n'a que 5,3 milliards de chiffre d’affaires propose pour le lot1, 5 milliards 400 millions, on lui attribue le marché.
Qu’est-ce que le Parena attend du Vérificateur général ?
Le Vérificateur Général est sollicité pour nous rassurer qu'il n'y a pas eu favoritisme au détriment du paysan et de l'Etat maliens par la violation de la loi, la surfacturation et les dessous de table ou autres manques à gagner.
Est-ce que vous êtes optimistes quant à l’aboutissement de cette saisine du Vérificateur général ? En d’autres termes, celui-ci aura-t-il les mains libres pour « vérifier » ?
Que chacun fasse son travail, consciencieusement et pour le Mali !
Est-ce que vous ne prêchez pas dans le désert si l’on sait que les scandales se succèdent sans discontinuer malgré les dénonciations et les condamnations de l’opposition, de la société civile et du peuple ?
Nous croyons faire notre devoir, pour l'Histoire !
Un conseil d’opposant à IBK ?
Que le Président s'occupe du Mali d'abord !
Propos recueillis par
C.H. Sylla