En marge de la rencontre de la coordination des chefs de village et de quartier dans le cercle de Koutiala tenue à la mairie de Koutiala le samedi 7 novembre 2015, nous avons recueillis les propos de Gaoussou Sanogo, président de la Coopérative des cotonculteurs de Kaniko et président de l’Union communale de Sincina. Il a expliqué sa version des faits du problème entre les producteurs de coton et la Cmdt, la problématique d’engrais frelatés et bien d’autres sujets. Lisez !
Le Républicain : d’où est venue l’idée de mettre en place un collectif des producteurs de coton ?
Gaoussou Sanogo : c’est en octobre 2014 que nous est venue l’idée de mettre en place le collectif des producteurs. Il devrait y avoir un changement au niveau de l’union nationale des producteurs de coton qui a vu le jour en 2007. Et conformément à la loi coopérative, le mandat du bureau est de 3 ans. Mais malheureusement depuis 2007, il n’y a pas eu de renouvellement. Donc lorsque la loi OHADA est venue en 2014, il a fallu procéder à un changement. Nous ne nous reconnaissons plus dans le bureau national. Au lieu de mettre en place la base, ils ont commencé à mettre en place le bureau national. Donc nous avons dit que nous ne sommes pas d’accord avec le système. Voilà comment le collectif a vu le jour.
Pourquoi ce renouvellement se fait toujours attendre?
Parce que ceux qui dirigent aujourd’hui l’union n’ont pas respecté les textes. Et c’est Bakary Togola qui dirige l’union nationale des producteurs de coton. Il n’a jamais programmé un renouvellement et en 2014 avec la loi OHADA, on s’est dit que c’était le moment pour reprendre les élections. Mais malheureusement pour nous, encore, on a commencé par le sommet à la base. C’est là que le collectif a vu le jour. Au niveau de chaque filiale, il y a eu des gens qui n’étaient pas d’accord et on s’est regroupé. Nous sommes autour de 20 000 signataires qui disent non au système actuel et illégal.
Ce collectif est confronté à beaucoup de problème …?
Depuis le renouvellement du bureau du sommet à la base, nous avons adressé une correspondance au gouvernement plus précisément au ministère du développement rural qui est notre tutelle, pour dire qu’on n’était pas d’accord. A cela s’est ajoutée la problématique des engrais frelatés. A ces revendications s’ajoutent, aujourd’hui, le non-paiement de nos ristournes.
Quelles solutions préconisez-vous ?
La solution est très simple. C’est au gouvernement de prendre ses responsabilités. Si exactement la loi a été violée pour la mise en place du bureau, c’est au gouvernement de prendre la décision pour dissoudre ce bureau. Les engrais frelatés que nous avons eus, si cela est réel, il faut renouveler la commission d’appel d’offres. Nous ne voulons plus de la commission qui a fait les appels d’offre des engrais frelatés. Nous avons dit au gouvernement de mettre en place une nouvelle commission pour les engrais de la campagne prochaine.
Malheureusement pour nous, notre appel n’a pas été entendu, et c’est la même commission qui a organisé au titre de la campagne prochaine. Par ailleurs, le PDG de la CMDT a dit sur les antennes de la télévision et de la radio, qu’il y a eu 14 milliards de FCFA de bénéfices. Ce n’est pas nous qui l’avons dit. Aujourd’hui, tous les travailleurs de la Cmdt, du gardien jusqu’au PDG, ont eu leur salaire du 13ème mois. Et, les paysans n’ont rien eu. En dehors du coton, quelle est la marchandise que la Cmdt peut vendre pour avoir des bénéfices, et payer un salaire de 13ème mois? Nous avons, aussi, le rapport de l’Agence française de développement (Afd) qui fait mention des 14 milliards de FCFA de bénéfices de la CMDT. Nous voulons que l’Etat prenne ses responsabilités sinon trop, c’est trop.
A défaut de trouver une solution idoine, que prévoyez-vous ?
On avait déjà prévu une marche qui a été refusée par le maire de la commune III de Bamako. Avec les trois points, nous avions décidé d’organiser une marche pacifique à Bamako avec les producteurs de coton pour aller expliquer nos problèmes au premier ministre. On ne va pas rester les bras croisés. Au niveau de la filiale de Koutiala, on avait dit à la Cmdt d’arrêter la commercialisation en attendant la marche. Suite à lettre envoyée au PDG de la Cmdt, il a malheureusement porté plainte contre nous pour trouble à l’ordre public. Aujourd’hui, nous ne comprenons pas que nous soyons devant la justice.
La CMDT aurait dû nous appeler pour au moins nous écouter parce qu’il y avait 13 jours entre notre lettre de doléance et la marche. En effet, on a fait la lettre le 17 octobre et la marche était prévue au 30 octobre. Après réception de la lettre, la CMDT ne nous a pas appelés pour savoir ce qui se passe. Elle s’est juste empressée à porter plainte contre nous. Donc pour la Cmdt, ce n’est pas la peine de nous rencontrer, elle préfère nous traîner devant la justice. Une chose est sûre : nous allons nous battre jusqu’au bout. On n’est pas prêt à donner notre coton et on attend le jour du procès, qui est prévu pour le 12 janvier 2016. Si on doit attendre jusqu’à cette date, on attendra.
Vous allez vous battre par quels moyens?
La première force que nous avons, c’est de refuser de donner notre coton. Et aujourd’hui, l’affaire ne concerne pas seulement Koutiala, parce que les autres filiales sont en train de nous suivre.
En tant que cotonculteurs, avez-vous constaté l’impact d’engrais frelatés sur les cultures ?
C’est évident. Cette année, les prévisions ne seront pas atteintes à cause de ces engrais frelatés, mais peut être que les techniciens auront d’autres arguments. Pour nous, si on n’arrive pas atteindre les prévisions, on ne peut pas parler de pluviométrie. Il y a eu la pluie, mais on n’atteindra pas les prévisions parce que les engrais ne sont pas de bonne qualité.
Quelle comparaison faite vous entre la campagne agricole de cette année et celle de l’année précédente ?
Même l’année dernière, il y avait des engrais qui n’étaient pas de bonne qualité, mais ce n’était pas aussi grave que pour cette année, où plus de 50% des engrais étaient de mauvaise qualité. Cette année, les techniciens et l’opinion nationale vont le voir, les prévisions que la Cmdt a donné ne seront pas atteintes. L’année dernière, on était autour de 540 000 à 580 000 tonnes, mais cette année, ce n’est pas sûr d’avoir les mêmes quantités à cause des engrais de mauvaise qualité.
Qu’est ce qui s’est passé quand la CMDT a décidé de vous poursuivre ?
Si je suis en train de vous parler aujourd’hui, c’est parce que les producteurs étaient là pour me sauver si non je serais déjà en prison. Lorsqu’on a été interpellé, on était au nombre de dix. Après notre assemblée générale, nous avons tous été convoqués à la gendarmerie, qui nous a écoutés et les rapports ont été envoyés au procureur général, mais heureusement pour nous, les producteurs nous ont soutenus. Les producteurs sont restés avec nous plus de 10 jours. C’est ce qui nous a sauvés sinon les dix producteurs seraient déjà en prison. Heureusement pour nous lorsque les producteurs sont venus en masse durant les dix jours, les autorités ont compris que ce n’était pas une affaire de Gaoussou, de Drissa mais une affaire des producteurs.
Avez-vous un message ?
Je lance un appel au gouvernement. Cela fait un an que des producteurs sont en train de se battre pour leurs droits et que l’Etat n’arrive pas à résoudre le problème à cause d’un individu. Pour nous, l’Etat n’arrive pas à résoudre le problème des producteurs à cause de Bakary Togola. L’Etat est en train de soutenir Bakary Togola au détriment des autres producteurs. Or, ce sont les producteurs qui ont mis ce monsieur là-bas. Je pense qu’il est temps que le gouvernement puisse voir clairement les choses.
Ce n’est pas une question d’individu, mais de défendre les intérêts des producteurs. Si les choses continuent ainsi cela serait plus grave pour ce pays. Aujourd’hui, on m’interpelle parce que j’ai réclamé mes droits. Dans ce pays, d’autres ont pris les fusils pour réclamer leurs droits ; mais on est en train de les écouter. Et juste pour un papier que nous avons écrit pour réclamer nos droits, on nous amène en prison. En tous cas force doit rester à la loi. Nous demandons à l’Etat de prendre ses responsabilités.
Propos recueillis par Aguibou Sogodogo
Envoyé spécial à Koutiala