Dès juillet 2015, les bruits couraient : «Mangal va quitter». À nos questions, des officiels répondaient qu’aucun document venu du Mali n’avait été reçu. C’est en septembre, que Mangal lui-même l’a confirmé aux uns et aux autres. Mangal était Consul général du Mali en France.
Mangal, qui était secrétaire particulier de Amadou Toumani Touré, président du Mali, est arrivé à son poste en France, fin 2011. Il allait devoir répondre aux demandes des plus de 300 000 Maliens vivant dans l’Hexagone. Qu’ils habitent en région parisienne ou à 1000km de la capitale, ils n’ont en effet qu’une seule autorité consulaire en France vers laquelle se tourner. La diaspora malienne est la 3ème communauté africaine en France, derrière l’Algérie et le Maroc. Un seul consulat du Mali, alors que l’Algérie en compte 18, dont 5 en région parisienne, et le Maroc 15, dont 5 en région parisienne.
Comme tout consulat, celui du Mali est chargé des relations avec ses ressortissants. Il les recense, et leur porte assistance en cas de difficultés avec les autorités locales, y compris dans le cadre de procédures judiciaires. Il remplit les fonctions de mairie et de notaire (état-civil, carte d'identité consulaire, carte Nina, passeport, actes notariés), et organise les élections.
Depuis l’arrivée de Mangal, le consulat a été transféré dans de nouveaux locaux plus accueillants, mais l’attente y est toujours pénible, les délais pour obtenir les documents demandés, trois mois, voire six, pour obtenir un passeport, sont souvent extrêmement problématiques pour des gens qui en sont tributaires pour le renouvellement de la carte de séjour, par exemple.
Nul n’ignore que les sommes transférées par les Maliens de l’extérieur dépassent de loin l’aide au développement reçue par l’Etat, et pourtant, ils se sentent méprisés, abandonnés par leurs autorités. Ils sont dans l’ensemble très fâchés contre les services consulaires, très caustiques sur certaines pratiques, et nominations qu’ils qualifient de népotiques, mais quand ils parlent du Consul général, ils disent Mangal.
La Fédération 2ème génération lui a rendu hommage samedi 7 novembre 2015, dans les locaux de l’Hôtel de ville de la municipalité de Le Pré St Gervais (93), dont la maire adjointe est une jeune franco-malienne. La salle était pleine, une soixantaine de personnes, parmi lesquelles Oumar Keita, (Ambassadeur du Mali auprès de l’UNESCO), Tidjani Diallo, (Conseiller à la communication auprès de l’Ambassadeur du Mali en France), Hamedy Diarra (Haut Conseil des Maliens de France), Lassana Niakaté (Amicale des Maliens de Montreuil), Mariam Sissoko (RP Médias), Mamadou Komé, (INAGRIM), Bams Cissé et Bakou Dembélé (CNJM), et beaucoup d’autres encore.
Comme l’a dit Aminata Konaté Boune, présidente de 2ème Génération, quoiqu’il soit coutume de rendre hommage à ceux qui nous ont quittés, il est préférable que ceux que nous apprécions nous entendent le leur dire. Qu’ils soient représentants associatifs, ou simples citoyens, ceux qui ont pris la parole pour saluer Mangal, quels qu’aient été les désaccords de base, ont tenu à le remercier personnellement pour sa présence, son implication, son soutien, son écoute attentive et son efficacité discrète. Humilité, disponibilité et rigueur sont les mots que chacun a eus aux lèvres pour décrire Mangal.
Hawa Dème, présidente de l’ADEM (Association des Diplômés et Etudiants maliens en France), qui parlait aussi en tant que citoyenne malienne, a tenu à souligner ces qualités chez Mangal, car «elles sont rares chez les dirigeants maliens. Lorsque Mangal est arrivé au consulat, c’était presque Hiroshima. Bien sûr, tout n’y est pas parfait aujourd’hui, mais les procédures se sont améliorées. Un consulat ne peut faire qu’avec les moyens que le pays qu’il représente met à sa disposition, et c’est ce qui doit être révisé.
Quel qu’ait été son agenda, lorsqu’il était informé d’une rencontre organisée par la diaspora, Mangal passait saluer, et dire un mot. » Mams Yaffa (2ème Génération) a tenu à remercier Mangal pour sa médiation entre le HCMF et le Conseil de base des Maliens de France, qui ont finalement signé un accord en 2014. Un hommage appuyé a été rendu par tous à Madame Mangal Traoré, aussi discrète et humble que son époux, toujours souriante, et prête à ouvrir la porte de leur maison, quels que soient le jour et l’heure.
Mangal a clôturé la cérémonie avec l’humilité qui le caractérise. Il a rendu hommage aux jeunes de la Fédération 2ème génération «sans qui l’organisation des élections présidentielles de 2013 aurait été un fiasco en France. Ils se sont présentés au bureau après le 1er tour afin de se mettre à la disposition des services du consulat pour surmonter les difficultés rencontrées, et faire face au second tour. Ils sont venus avec leur propre matériel, n’ont pas compté leur temps, et n’ont rien demandé en échange.»
Mangal quitte, ou plutôt est «rappelé» avant la fin de son mandat. Samedi, Moustapha Diané qui évoquait son étonnement, son incompréhension, a préféré enchaîner, et dire que Mangal avait tout l’avenir devant lui. Effectivement, plutôt que de tomber dans le «grin» et les supputations, le plus raisonnable est d’observer la suite. Son successeur fera-t-il progresser les choses ? Seul l’avenir le dira.
Comme l’a souligné Habib Dembélé, Guimba national, dans le message filmé qu’il avait envoyé à Mangal pour le remercier personnellement, «tant qu’il n’y aura qu’un seul consulat du Mali en France, le problème du consulat ne sera jamais réglé, jamais.»
Françoise WASSERVOGEL