Parmi les facteurs qui favorisent cet état de chose figurent le mauvais usage des moustiquaires imprégnées, largement distribuées aux populations, surtout aux femmes enceintes, l’insalubrité des ménages et les eaux usées dans les cours d’eau et les caniveaux.
Le paludisme continue de peser lourdement sur les populations maliennes, malgré les importants efforts consentis par le gouvernement et ses partenaires pour le contenir.
«Le paludisme est la première cause de consultations, constituant environ 35% des motifs de consultation médicale. En outre, près de 40% de décès qui surviennent dans les hôpitaux et centres de santé sont dus au paludisme», déclare Dr Dembélé du centre de santé de référence de la commune V.
Le nombre de cas annuellement reportés est en constante augmentation: 616.724 cas en 2012, 1.272.841 en 2013 et 1.513.772 en 2014, selon des données du Programme National de Lutte contre le Paludisme (PNLP).
Fortement associée à la hauteur des précipitations, la maladie présente une recrudescence saisonnière pendant la saison des pluies, avec un pic souvent observé en octobre, ce qui a pour conséquence un débordement des capacités d’accueil des formations sanitaires au cours de ce mois.
Pour faire face de manière efficace à ce «problème majeur de santé publique», le gouvernement malien a adopté un ambitieux Plan national stratégique de lutte pour les prochaines années à venir. Il s’agit d’un programme très important (plusieurs milliards F Cfa) qui prévoit trois axes stratégiques: la promotion de l’utilisation des moustiquaires imprégnées d’insecticide, régulièrement et gratuitement distribuées aux femmes enceintes et aux enfants de moins de 12 mois dans les formations sanitaires ou tous les 3 ans à l’ensemble des ménages des zones ciblées; le traitement préventif intermittent chez la femme enceinte; et la chimio-prévention du paludisme saisonnier chez les enfants de 3 mois à 5 ans.
«Les femmes enceintes et les enfants de moins de 5 ans sont des groupes très vulnérables au paludisme en raison de leur faible immunité», explique un médecin du programme national de lutte contre le paludisme. Toutes ces actions doivent permettre de réduire de 30%, d’ici à la fin de 2020, la morbidité liée au paludisme par rapport à son niveau de 2014, avec une réduction supplémentaire de 20% entre 2017 et 2018, espèrent les autorités.
Si l’augmentation des cas en fonction des saisons est un phénomène naturel qui n’est pas sous le contrôle direct de l’action sanitaire, le système de santé peine à infléchir le nombre total de cas annuellement rapportés et qui avoisine 1.500.000 cas depuis 2 ans. Or, les prévisions les plus optimistes (si l’on s’en tient aux chiffres de l’enquête nationale sur les indicateurs du paludisme de l’OMS) prévoient qu’on devrait s’attendre chaque année à plus de 4.400.000 cas. C’est dire donc que près de 3.000.000 de patients par an ne se soignent pas dans les formations sanitaires publiques.
Cependant, selon le PNLP, depuis 2010, on observe une meilleure fréquentation des hôpitaux et centres de santé à cause de l’amélioration de la qualité des services, mais il faudra songer à l’instauration de la gratuité des soins d’urgence et de la prise en charge du paludisme. Toute chose qui fera accroitre le nombre de consultation au niveau des centres de santé. Mais il faudra noter que plusieurs contraintes entravent la lutte contre le paludisme. La première contrainte est d’ordre épidémiologique et liée au comportement des moustiques, notamment les anophèles vecteurs.
Car, en plus de devenir de plus en plus résistants aux insecticides utilisés pour l’imprégnation des moustiquaires, les moustiques ont changé leur mode de piqûres, à la tombée de la nuit. Il en résulte qu’environ 20% des moustiques infectés piquent déjà avant 22 heures, à une heure où les habitants ne sont pas encore sous moustiquaire. Des dispositions adéquates doivent être prises pour prévenir cette transmission aux heures de veille.
La seconde contrainte est d’ordre humain et est liée à l’utilisation des méthodes et outils de prévention et de traitement du paludisme. Il faut aussi déplorer l’usage qui est fait des moustiquaires imprégnées qui sont pourtant largement distribuées (94.3% des ménages sont couverts dans les régions ciblées). Certains bénéficiaires les revendent, d’autres les utilisent pour la pêche, la protection des animaux, des cultures, etc.
D’où la nécessité d’une intensification des activités de communication et de sensibilisation à l’endroit des populations. Par ailleurs, le recours aux soins hospitaliers est tardif. Les patients viennent souvent à l’hôpital après avoir consulté des guérisseurs traditionnels ou après l’échec du traitement consécutif à une automédication avec des médicaments de la rue. Ce retard expose les patients à un risque élevé de mourir de paludisme.
Paul N’GUESSAN