PARIS, Les partisans d`Al Qaïda pourraient tenter de
venger, par des actions en France ou contre les intérêts français en Afrique
et dans le monde, la mort de jihadistes tués au Mali et en Somalie par des
soldats français, estiment des experts.
Si des attaques sur le sol français restent peu probables, les otages
français et les intérêts tricolores, notamment au Maghreb et dans les pays du
Sahel, sont plus vulnérables et pourraient être visés, ajoutent-ils.
"En premier lieu, il y a bien sûr de quoi s`inquiéter pour le sort des
otages français au Sahel, qui pourraient être les premiers à payer le prix de
l`intervention des soldats français", assure à l`AFP Dominique Thomas,
spécialiste des mouvements islamistes à l`Ecole des hautes études en sciences
sociales (EHESS).
Le ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian, a souligné samedi que "la
vie de tous les otages était en jeu hier, elle l`est aujourd`hui, elle le sera
demain".
"Des appels à se rallier au jihad anti-français se sont multipliés au cours
des derniers jours et vous pouvez toujours avoir quelqu`un, en Tunisie, au
Maroc ou surtout en Libye, qui les entende et décide de passer à l`action",
assure Dominique Thomas.
Sur les nombreux forums jihadistes, des exhortations, y compris
individuelles, à frapper la France se sont récemment multipliées. Vendredi par
exemple, un cyber-jihadiste surnommé "Abdul Rahman bin Abdul Rahman" a lancé
un appel "à tous les jihadistes musulmans à lancer des attaques individuelles
ou groupées contre les Français et leurs intérêts", demandant que l`on liste
sur internet les adresses des ambassades de France et des cibles potentielles.
Et après la tentative ratée de libérer l`otage français en Somalie Denis
Allex, dont "tout donne à penser" qu`il a été tué, a dit M. Le Drian, au cours
de laquelle au moins un soldat français et dix-sept islamistes armés somaliens
sont morts, les rebelles shebab ont menacé samedi la France de "conséquences
amères".
"Prétexte pour passer à l`action"
"Monter des actions de représailles terroristes en France serait l`idéal
pour eux, mais je ne crois pas qu`ils en aient les moyens pour le moment"
poursuit Dominique Thomas. "Cela dit, ils peuvent s`employer à les préparer,
pour dans quelques mois voire des années. Ils ont le temps".
Cet avis est partagé par Louis Caprioli qui a été, de 1998 à 2004, le
sous-directeur chargé de la lutte contre le terrorisme à la Direction de la
surveillance du territoire (DST, devenue aujourd`hui DCRI).
"Al Qaïda au Maghreb islamique" (Aqmi) "a la volonté de frapper en France
depuis des années. Son chef Abdelmalek Droukdel lance des appels en ce sens
depuis 2007 et n`est parvenu à rien pour l`instant. Je ne pense pas qu`ils
aient les structures opérationnelles pour cela", dit-il.
"Mais il y a sur le territoire national des gens qui ont été formés, qui
ont suivi des stages d`entraînement terroriste notamment en Syrie et qui
pourraient voir dans l`intervention français au Mali un prétexte pour passer à
l`action, à court ou moyen terme", ajoute-t-il.
"Les menaces d`Aqmi et les appels sur les forums jihadistes sont une sorte
de blanc-seing: si vous pouvez faire quelque chose, où que vous soyez,
faites-le. Et c`est cela qui est dangereux", poursuit Louis Caprioli.
"L`arrivée de soldats français, d`infidèles, en terre islamiste correspond
exactement à un motif de lancement du jihad", ajoute-t-il.
Les deux experts s`accordent sur le point que les représentations et les
intérêts français en Afrique sont vulnérables et les plus susceptibles d`être
pris pour cible dans le cadre d`opérations de représailles.
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