PARIS - Les partisans d`Al Qaïda pourraient tenter de venger, par des actions en France ou contre les intérêts français en Afrique et dans le monde, la mort de jihadistes tués au Mali et en Somalie par des soldats français, conduisant Paris à renforcer le plan Vigipirate.
Le président François Hollande a annoncé samedi un renforcement de
Vigipirate. "La lutte contre le terrorisme exige de prendre toutes les
précautions nécessaires ici en France", a-t-il souligné.
Plusieurs mesures sont "renforcées immédiatement", a précisé Matignon.
Elles concernent "tout particulièrement les transports publics notamment
ferroviaires et aériens, la sécurité des bâtiments recevant du public, la
sécurité des rassemblements de personnes".
Le plan Vigipirate est en vigilance "rouge" depuis les attentats de Londres
en 2005, passant régulièrement au niveau "rouge renforcé" pendant les périodes
sensibles comme les fêtes de fin d`année.
Si des attaques sur le sol français restent peu probables, pour les
experts, les otages français et les intérêts tricolores, notamment au Maghreb
et dans les pays du Sahel, sont plus vulnérables.
"En premier lieu, il y a bien sûr de quoi s`inquiéter pour le sort des
otages français au Sahel, qui pourraient être les premiers à payer le prix de
l`intervention des soldats français", dit à l`AFP Dominique Thomas,
spécialiste des mouvements islamistes à l`Ecole des hautes études en sciences
sociales (EHESS).
"Des appels à se rallier au jihad anti-français se sont multipliés au cours
des derniers jours et vous pouvez toujours avoir quelqu`un, en Tunisie, au
Maroc ou surtout en Libye, qui les entende et décide de passer à l`action",
affirme Dominique Thomas.
Sur les nombreux forums jihadistes, des exhortations, y compris
individuelles, à frapper la France se sont récemment multipliées. Vendredi par
exemple, un cyber-jihadiste surnommé "Abdul Rahman bin Abdul Rahman" a lancé
un appel "à tous les jihadistes musulmans à lancer des attaques individuelles
ou groupées contre les Français et leurs intérêts", demandant que l`on fasse
la liste sur internet des adresses des ambassades de France et des cibles
potentielles.
Après la tentative ratée de libérer l`otage français en Somalie Denis
Allex, dont "tout donne à penser" qu`il a été tué, selon le ministre de la
Défense, au cours de laquelle au moins un soldat français et dix-sept
islamistes armés somaliens sont morts, les rebelles shebab ont évoqué samedi
les "conséquences amères" pour la France.
"Prétexte pour passer à l`action"
"Monter des actions de représailles terroristes en France serait l`idéal
pour eux, mais je ne crois pas qu`ils en aient les moyens pour le moment",
poursuit Dominique Thomas.
Cet avis est partagé par Louis Caprioli qui a été, de 1998 à 2004, le
sous-directeur chargé de la lutte contre le terrorisme à la Direction de la
surveillance du territoire (DST, devenue aujourd`hui DCRI).
"Al Qaïda au Maghreb islamique" (Aqmi) "a la volonté de frapper en France
depuis des années" mais "je ne pense pas qu`ils aient les structures
opérationnelles pour cela", dit-il.
"Mais il y a sur le territoire national des gens qui ont été formés, qui
ont suivi des stages d`entraînement terroriste notamment en Syrie et qui
pourraient voir dans l`intervention française au Mali un prétexte pour passer
à l`action, à court ou moyen terme", ajoute-t-il.
"Les menaces d`Aqmi et les appels sur les forums jihadistes sont une sorte
de blanc-seing: si vous pouvez faire quelque chose, où que vous soyez,
faites-le. Et c`est cela qui est dangereux", poursuit Louis Caprioli.
"L`arrivée de soldats français, d`infidèles, en terre islamiste correspond
exactement à un motif de lancement du jihad", ajoute-t-il.
Les deux experts s`accordent sur le point que les représentations et les
intérêts français en Afrique sont vulnérables et les plus susceptibles d`être
pris pour cible dans le cadre d`opérations de représailles.
mm/soh/ang/DS