Les féministes et les partisans de la discrimination positive peuvent bien se frotter les mains. L’Assemblée nationale vient de se pencher sur leur cas et cela de façon honorable. La nouvelle loi dispose que les listes de candidature, sous peine de rejet, doivent désormais non seulement prendre en compte le genre pour 30% de femmes au moins, mais également les mettre en bonne position d’éligibilité. Une promesse de campagne du président IBK se concrétise enfin !
Le Président de la République a promis, lors de la campagne présidentielle de 2013, de renforcer la loi sur le quota, en accordant une augmentation des postes alloués aux femmes, notamment dans les fonctions électives comme la députation et/ou le poste de l’élu municipal ou local. Le souhait du Chef de l’Etat est en train de se concrétiser, car les élus de la nation se sont penchés sur la question et le texte, qui a laborieusement recueilli la majorité parlementaire, ouvre la voie à une participation plus accrue des femmes aux prises de décision.
Après une longue réticence et des réserves objectives les unes que les autres, le texte a été voté avec 115 pour et plus d’une vingtaine contre, toutes exprimées au scrutin secret. Le Président IBK, qui a indiqué qu’une société qui marginalise 50% de sa population est forcément une société mal réglée, a rappelé, devant l’assistance lors de sa visite à Sikasso, la politique de discrimination positive au Mali qui a amené les autorités à réserver aux femmes un quota de 30% pour les nominations. Toutefois, à l’occasion de la formation de la nouvelle équipe gouvernementale, des voix se sont levées pour interpeller le premier magistrat du pays sur le non-respect de la loi sur le quota dans la configuration du nouveau gouvernement piloté par le Premier ministre Modibo Kéita. Le pouvoir politique ou la structure du pouvoir en dernière instance, qui dirige nos vies à tous, c’est ce fameux niveau de la politique où sont les décisions les plus fortes, où sont aussi les instances d’autorité, dans lesquelles le machisme et la discrimination sont aussi les plus forts.
A en croire les femmes dans leurs discours et leur combat, c’est cet espace-là, cette citadelle qu’il va falloir conquérir, de manière à ce que cela ait des incidences sur l’ensemble de nos vies. Mais, dans les discussions, il a fallu déterminer le statut personnel de ces acteurs sociaux que sont les femmes et comment cet acteur social, à son niveau individuel, va construire une parole, un discours, une stratégie pour avoir une place, non pas qui lui soit réservée, mais qui soit celle d’une citoyenne dans l’espace politique. Qu’est-ce que l’espace politique au juste ? Ce sont les institutions, c’est-à-dire le gouvernement, les ministres, ce sont les instances législatives donc électives, comme l’Assemblée Nationale, et aussi les conseils municipaux, c’est-à-dire les mairies. Voilà les instances officielles de la production de décision politique et au sein de ces instances, il y a très peu de femmes ou pas de femmes du tout.
Le nombre de femmes à l’Assemblée Nationale est largement insuffisant ou insignifiant pour qu’on pense un jour que cette Assemblée puisse décider des choses qui vont améliorer le statut des femmes. Mais les élus du peuple ont démontré aux femmes qu’ils soutiennent leur cause car, après tout, elles sont leur épouse ou mère. Développer l’action politique des femmes, c’est dire ensemble à haute voix et devant tout le monde ce que nous ressentons, pensons et voulons. Cela suppose de discuter de la manière la plus concrète possible sur la question de savoir si pour entrer en politique, il faut qu’on laisse les femmes lutter seules, se faire écraser dans une structure patriarcale et machiste.
Paul N’GUESSAN