En commémorant le centenaire de Modibo Keita jusqu’en allant brandir sa mémoire comme épouvantail, les partisans de Modibo Keita, président de la première république du Mali, viennent de réveiller les cicatrices non encore cicatrisées des militantes et militants du PSP se souviennent des aveux de leur mentor lors de son procès le 15 septembre 1969. Des victimes expiatoires de la folie du pouvoir autocratique et despotique de l’Union soudanaise RDA restent encore dans la mémoire collective des maliens. Pour tous les hommes épris de paix et de justice le 19 novembre 1968 fut un jour de liberté, d’honneur et de dignité retrouvées pour le peuple malien et plus particulièrement pour le peuple du PSP. Pour l’histoire, nous vous livrons les aveux de Modibo Keita qui affirme avoir ordonné la liquidation physique de Fily Dabo Sissoko et ses compagnons lors de son procès le 15 septembre 1969 à Kayes. Lisez plutôt l’interrogatoire !
L’an mille neuf cent soixante- neuf et le quinze septembre.
Nous, Koly Sangaré, Adjudant-chef de la Gendarmerie, Bouréma Kondo, Officier de Police, Namory Traoré, Officier de Police, Mamadou Traoré, Maréchal des Logis de la Gendarmerie respectivement vice-président et membres de la commission nationale d’enquête :
Poursuivant notre enquête, et agissant en exécution de l’ordre de mission en date du 12 septembre 1969 de Monsieur le président de la commission nationale d’enquête. Vu les PV d’audition et notamment de confrontation des nommés Diby Silas Diarra, Mamadou Diakité et Bakara Diallo, sur la mort de Fily Dabo Sissoko, Hammadoun Dicko et Kassoum Touré.
Nous, nous sommes transportés à Kayes, où étant
Faisons comparaitre devant nous, ce même jour, à neuf heures quarante-cinq minutes, Mr Modibo Keita qui répond comme suit à nos interpellations successives :
1-Sur son identité
« Je me nomme Modibo Keita, né le 4 juin 1915 à Bamako, fils de Feu Daba Keita et de Fatoumata Camara, Instituteur, ex-président de la République et Chef d’Etat du Mali en détention à Kayes »
2-Sur les faits
Question : En tant que ex- Chef de l’Etat du Mali, que savez-vous sur la mort de Fily Dabo Sissoko, Hammadoun Dicko et Kassoum Touré ?
Réponse : Ce que j’ai déjà déclaré, à savoir, selon l’information que j’ai reçu, qu’ils sont morts au cours d’un transfert dans une autre localité lors d’une tentative de fuite.
Demande : Sur la mort de ces trois détenus, nous nous vous donnons lecture des déclarations des nommés : Le Lieutenant Jean Bolon Samaké qui a commandé le péloton d’exécution, le Capitaine Diby Silas Diarran alors Commandant de Cercle de Kidal et responsable militaire de la zone opérationnelle, qui avait donné l’ordre d’exécution au Lieutenant Jean Bolon Samaké, Mamadou Diakité ex-ministre de la Défense et de la Sécurité, Bakara Diallo, ex-gouverneur de la région de Gao et responsable politique et administratif de la zone opérationnelle de 1963 à 1964. Qu’avez-vous à répondre après avoir entendu ces différentes lectures ?
Réponse : J’ai écouté avec beaucoup d’attention les différentes déclarations. Je précise une fois de plus que je ne me souviens pas avoir donné à Bakara Diallo au cours d’une rencontre avec les Mauritaniens à Kayes l’ordre d’en finir une fois pour toute avec les Fily Dabo, Hammadoun Dicko et Kassoum Touré.Je lui ai certainement dit, après toutes les informations reçues de la 6e région, sans pouvoir préciser le lieu ni les autres circonstances, d’en finir avec les trois détenus.
Demande : Qu’entendez-vous par votre expression : « en finir définitivement avec les trois détenus ? »
Réponse : Il y avait plusieurs formules à envisager, les placer dans les endroits où ils ne peuvent pas être atteints ou alors les liquider physiquement. C’est la dernière formule qui a été retenue.
Demande : Pourquoi cette décision n’a-t-elle pas été portée à la connaissance du peuple ?
Réponse : On n’y a pas pensé.
Question : Ces trois détenus avaient été graciés par vous-même, pourquoi donc les avez-vous fait exécuter par la suite ?
Réponse : Ma réponse se trouve déjà annoncée dans ma précédente déclaration, faisant allusion aux informations reçues de la 6e région, ayant trait aux intentions d’éléments étrangers à l’égard de la République du Mali et des trois détenus.
Question : Un travail de charlatanisme ayant pour but, selon le charlatan-dénonciateur, d’en venir à bout de vous, Modibo, aurait été sollicité par Fily Dabo Sissoko et ses consorts. En aviez-vous en connaissance ?
Réponse : Je n’ai jamais eu connaissance de ce problème de charlatanisme.
Question : De qui receviez-vous les informations auxquelles vous faites allusion ?
Réponse : Des autorités de la 6e région.
Question : Quelles sont ces autorités ?
Réponse : Bakara a fait allusion aux informations que j’ai évoquées ; il m’est difficile de préciser si c’est le Gouverneur de région ou c’est le Commandant de Cercle à l’époque de Kidal
Question : Etes-vous le seul à prendre la décision d’en finir définitivement avec les trois détenus ?
Réponse : Il n’est pas dans mes habitudes, quoi que premier responsable à l’époque aussi bien sur le plan du parti que sur le plan de l’Etat, pour une décision quelconque de m’en référer à ma seule opinion, quoique cela n’ait pas été retenu.
Demande : Cette déclaration nous amène à déduire que la décision n’a pas été prise par vous tous seul ?
Réponse : Je n’ai rien à ajouter.
Question : Ousmane Ba, en tant que Ministre de l’intérieur d’alors, était-il au courant de la décision ?
Réponse : Je ne lui en ai parlé. Je ne me rappelle pas non plus s’il était présent lorsque je rapportais la décision à Bakara Diallo.
Question : Vous rappelez-vous avoir, soit spontanement soit sur intervention de Bakara Diallo, informé l’ex-Ministre de la Défense et de la Sécurité, Mamadou Diakité, de la décision d’en finir définitivement avec les détenus Fily Dabo Sisoko, Hammadoun Dicko et Kassoum Touré ?
Réponse : Si j’en avais parlé à Diakité, il y aurait certainement fait allusion. Je ne me souviens pas non plus que Bakara m’ait demandé de mettre Diakité au courant de la décision.
Question : Pourquoi vous ne voulez pas dénoncer dans cette affaire autres personnes ayant participé à la prise de cette décision ?
Réponse : Parce que, moralement et humainement j’estime ne pas en avoir le droit.
Question : La grâce accordée à ces trois détenus (commutation de leur peine capitale en détention perpétuelle) avait-elle été révoquée ?
Réponse : Non. Elle n’a jamais été revoquée.
Question : Avez-vous autre chose à ajouter ou à retrancher de votre déclaration ?
Réponse : Je n’ai rien d’autres à ajouter.
Plus rien à déclarer, après lecture faite ; persiste et signe avec nous.
Comme on le voit si le 19 novembre 1968 n’avait pas eu lieu, le peuple malien en particulier celui du PSP, ne saura jamais les conditions affreuses de l’assassinat de Fily Dabo Sissoko et ses compagnons d’infortune. Pendant plus de huit ans, ce fut un véritable enfer pour les responsables, militants et sympathisants du Parti soudanais progressiste devenu en 1991 Parti pour la solidarité et le progrès dont la présidence est assurée par Oumar Dicko, fils d’Hammadoun Dicko, compagnon d’infortune de Fily Dabo et de Kassoum Touré. Ainsi chaque 19 novembre de chaque année constitue pour le peuple PSP, un jour de gloire, de liberté et de l’honneur et da dignité retrouvées. Du coup il se souviendra toujours des conditions de liquidation physique de Fily Dabon Hammadoun Dicko, de Kassoum Touré et de toutes les victimes expiatoires du tribunal populaire de l’US RDA, de Yanfolila, de Ouelessébougou et de Sakoiba.
Sadou Bocoum