Bamako - Les forces spéciales maliennes ont donné vendredi l’assaut à l’hôtel Radisson Blu de Bamako, théâtre d’une prise d’otages massive pendant laquelle au moins trois personnes ont été tuées, libérant près de la moitié des quelque 170 personnes présentes, dont de nombreux étrangers.
"Trois otages ont été tués", a indiqué le ministère de la Sécurité intérieure, sans révéler leur nationalité, ni les circonstances dans lesquelles ils ont été tués, mais le ministre de la Sécurité, le colonel Salif Traoré, a ensuite indiqué à l’AFP qu’il s’agissait d’étrangers.
Selon le ministère de la Sécurité, les assaillants sont au nombre de "deux ou trois", des témoins évoquant quant à eux une "dizaine d’assaillants" armés.
A la mi-journée, la télévision publique malienne a annoncé qu’environ "80 otages" avaient été libérés. "Nos forces spéciales ont libéré une trentaine d’otages et d’autres ont pu s’échapper tout seuls", a déclaré de son côté le colonel Traoré.
Le président François Hollande a appelé vendredi les Français se trouvant "dans des pays sensibles" à prendre "leurs précautions" , et une quarantaine de membres du Groupe d’intervention de la gendarmerie nationale (GIGN) sont partis pour le Mali.
L’attaque du Radisson, hôtel apprécié par la clientèle internationale, vers 07H00 GMT, survient une semaine exactement après les attaques meurtrières revendiquées par le groupe Etat islamique qui ont fait 129 morts à Paris.
Selon le groupe hôtelier Rezidor, qui gère le Radisson Blu, situé près du centre de la capitale malienne, l’établissement hébergeait au moment de l’attaque "140 clients et 30 employés".
Compte tenu de sa dimension et du nombre de personnes présentes, une bonne partie d’entre elles s’étaient enfermées dans des chambres et n’étaient donc pas sous la menace directe des ravisseurs, a souligné le ministère de la Sécurité.
Les assaillants sont rentrés dans l’enceinte de l’hôtel au même moment qu’une voiture munie d’une plaque diplomatique, sur laquelle ils ont ouvert le feu, selon le ministère, rectifiant une précédente information selon laquelle ils seraient arrivés à bord du véhicule diplomatique.
Des tirs d’armes automatiques ont été entendus de l’extérieur de l’hôtel qui compte 190 chambres. "Ca se passe au septième étage, des jihadistes sont en train de tirer dans le couloir", a déclaré une source de sécurité à l’AFP.
Outre des policiers et militaires maliens, des forces spéciales de la gendarmerie étaient déployées sur place, où étaient également visibles des membres de la force de l’ONU au Mali, la Minusma, et de la force française Barkhane, selon un photographe de l’AFP.
- ’cible évidente’ -
Parmi les clients évacués, un journaliste de l’AFP a vu trois personnes, dont deux femmes, une Turque et une Ivoirienne, qui ont déclaré avoir vu le corps d’un homme à la peau claire gisant au sol.
Au moins trois gardiens de l’établissement ont été blessés, dont l’un grièvement touché par balles, selon un secouriste.
Un journaliste de l’AFP a également vu un policier blessé par balle. Des étrangers, parmi lesquels douze employés d’Air France, désormais "en lieu sûr", selon la compagnie, sept de Turkish Airlines, dont cinq ont été évacués, et au moins sept Chinois, séjournaient dans l’hôtel.
Selon un touriste chinois, interrogé par l’agence officielle Chine nouvelle, après les premiers coups de feu vers 06H30 GMT, suivis de "fusillades sporadiques, "une odeur de fumée s’est répandue dans les couloirs et les chambres, l’internet a été coupé et la réception de l’hôtel ne répondait plus aux appels téléphoniques".
Un consultant français ayant requis l’anonymat habitué du Radisson, a estimé qu’il s’agissait "d’une cible évidente pour les terroristes", soulignant que les gardes privés chargé de passer le détecteur de métaux sous les voitures "lorsqu’ils connaissaient (le conducteur) ils ne le passaient plus".
Les personnels civils de la Minusma ont reçu un ordre de confinement et l’ambassade américaine a appelé ses ressortissants à "rester à l’abri".
Le président Ibrahim Boubacar Keïta, qui se trouvait à N’Djamena, au Tchad, pour un sommet d’un groupe de pays du Sahel, a écourté son séjour pour rentrer à Bamako.
Cette attaque rappelle la prise d’otages du 7 août contre un hôtel à Sévaré, (centre), qui avait fait au total 13 morts, dont quatre parmi le personnel d’une société sous traitante de la Minusma et quatre assaillants.
Le 7 mars, le premier attentat anti-occidental meurtrier à Bamako, visant un bar restaurant, avait coûté la vie à 5 personnes, dont un Français et un Belge.
Le nord du Mali était tombé en mars-avril 2012 sous la coupe de groupes jihadistes liés à Al-Qaïda après la déroute de l’armée face à la rébellion, d’abord alliée à ces groupes qui l’ont ensuite évincée.
Ils y ont été dispersés et en ont été en grande partie chassés à la suite du lancement en janvier 2013, à l’initiative de la France, d’une intervention militaire internationale qui se poursuit actuellement.
Mais des zones entières échappent encore au contrôle des forces maliennes et étrangères. Longtemps concentrées dans le Nord, les attaques jihadistes se sont étendues depuis le début de l’année vers le centre, puis à partir de juin au sud du pays.
Dans un enregistrement remontant à octobre et récemment authentifié, le chef du groupe jihadiste Ansar Dine, allié d’Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi), Iyad Ag Ghaly, appelait à poursuivre la lutte contre la France.
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